Ronaldo, l'enfant roi
Ronaldo, l'enfant roi
Il est seul, seul comme le Créateur à l’instant où son œuvre doit advenir. Le regard est grave, qui jauge la distance entre l’acte et son épiphanie, cet espace où un miracle va s’accomplir. Le monde se fige, tout est silence, quand de son pied d’appui enfin il génère une vibration qui ébranle la pelouse – il soulève le gazon, oui, puis le ballon, Atlas soulève la Terre puis la propulse dans les filets, 130 km à l’heure dit-on, l’angle est impossible mais le miracle advient, sous le regard des Hiéronymites et du monde, dans l’ébahissement des bergers qui jadis virent paraître la Vierge à Fatima, tandis qu’Atlas considère son prodige avec l’expression radieuse de Magellan découvrant Goa, d’où le mot «Goal», qui depuis Ronaldo est l’autre nom du Merveilleux.
Le Merveilleux était au Barthel ces jours-ci. Cristiano Ronaldo dos Santos Aveiro, le Portugais le plus célèbre depuis Magellan et Vasco de Gama. Ronaldo gominé et cuivré, bouddha peint à la feuille dorée, chevelure à entaille Zorro et pavés de Porto en lieu et place des pectoraux. Ronaldo est sculpté dans le marbre de la légende – Nietzsche prônait que l’on détruise les idoles au marteau mais il faudra cogner fort pour démonter «CR7», qui à Madère a créé son propre musée.
S'arrêter au seuil de l'emphase
Qu’est-ce qui fait de Ronaldo un phénomène, un cas unique? Ceci: il est seul dieu au firmament à gagner pour le bonheur de sa maman, et cela surtout: le Portugal tout entier estime l’avoir enfanté, toutes les mamans du Portugal, en adoration devant ce garçon qui tire au but comme on présente une bonne note à ses parents.
Car c’est pour sa maman, oui, que Ronaldo gagne. Il a ce regard vers les tribunes, quand il marque. Vers sa maman d’abord. Vers ses fans ensuite et par-delà, plus haut, en ce très haut où le Créateur compte les points, seul arbitre qui aux yeux de Ronaldo fasse foi. Triomphe-t-il alors ? Exulte-t-il ? A peine. Ronaldo marquant un but ne commet pas un exploit, il vérifie son excellence. Alors que d’autres en ces instants-là se complaisent dans d’hyperboliques jubilations, Ronaldo salue son but d’un sourire entendu – c’est très portugais au demeurant cette façon, devant la joie comme devant l’affliction, de s’arrêter pile au seuil de l’emphase.
Inoxydable Ronaldo
Pile sous le regard de maman. De toutes les mamans. Il y a des hommes à femmes, «CR7» est un homme à mamans. Un homme enfant, corps taillé comme le bonhomme Michelin, mais bonhomme surmonté du visage de Oui-Oui. Ronaldo d’airain, magicien de l’Immaculée Conception, qui fait des enfants sans gestation, des gamins qui à six ans roulent en Lamborghini, rien que des miracles, le plus grand étant que notre chérubin est capitaine, arbitre dans les cas litigieux, coach même à la place du coach – Ronaldo fait la loi, il est l’enfant roi, fantasme de toutes les mamans, utopie de toutes les nations.
Ronaldo est inoxydable, et dans 100 ans encore il foulera le gazon de son pied ailé. Suivons-le d’ici là et suivons son exemple, car soyez sûrs que nous serons meilleurs, que le monde tournera plus rond quand tel Ronaldo nous saurons nous placer, toujours, sous le regard de nos mamans.

