«Nous devons adapter notre philosophie de jeu»
«Nous devons adapter notre philosophie de jeu»
Le match Luxembourg - Portugal va ponctuer les éliminatoires de l'Euro 2020. Nous ne pouvions rêver meilleur épilogue, non?
Paul Philipp - «Effectivement, nos rencontres sont toujours festives pour toutes les raisons que l'on connaît. Les supporters vont être mélangés et c'est très bien comme ça. Mais au-delà de cette amitié, c'est un match à enjeux car le Portugal ne doit pas se manquer face à nous en vue de la qualification pour le Championnat d'Europe.
Personnellement, quels souvenirs gardez-vous des matches face au Portugal?
Eusébio vous a donc impressionné lorsque vous étiez gamin?
Oui, forcément. Je l'ai vu de près en 1961, puis je l'ai suivi lors de la Coupe du monde en Angleterre, où il a explosé aux yeux du monde, et ensuite avec son équipe du Benfica. Ce n'était pas vraiment un attaquant, mais il avait tout, l'instinct, le dribble, la vitesse. C'est ensuite Johan Cruyff qui a pris la relève au niveau de mes joueurs préférés.
Entre la «Panthère Noire» et Cristiano Ronaldo, quels sont les autres joueurs de la Seleção qui vous ont marqué?
Il y en a un qui me plaît beaucoup en ce moment, c'est Bernardo Silva. Mais il y en a plein d'autres.
N'avons-nous pas trop de joueurs au profil identique?
Après ce match contre le Portugal, la trêve hivernale va arriver très vite. C'est une période propice à la réflexion. Sur quels sujets la Fédération va-t-elle plancher?
Effectivement, c'est le moment de prendre un peu de recul. Nous allons rencontrer le staff technique et faire un bilan. Nous n'avons déjà pas à chercher un nouveau coach puisque Luc Holtz a déjà prolongé. Nous avons fait d'énormes progrès ces dernières années et nous savons très bien que les prochains pas en avant seront forcément plus petits.
Le premier objectif, quand Luc Holtz arrivé, était de davantage jouer au football car le jeu alors proposé était ennuyeux. Cet objectif-là est atteint. Mais est-ce que maintenant on ne joue pas trop? Pouvons-nous toujours avancer avec cette même philosophie? N'avons-nous pas trop de joueurs au profil identique?
Est-ce qu'on a encore des joueurs qui vont dans l'impact? Si Kiki (Martins) n'est pas là, quel est le plan B? Lorsqu'on veut chercher la profondeur, sur qui pouvons-nous compter? Aurélien Joachim le faisait très bien, mais il est en fin de carrière. Nous n'avons pas ce que les Anglais appellent un "target man".
Il ne faut certainement pas changer notre philosophie, mais ne devons-nous pas l'adapter? Nous allons en discuter avec le staff et avec le directeur technique national.
J'ai parfois été à deux doigts de descendre dans les vestiaires
Certains profils de joueurs: buteurs, pistons, sentinelles font défaut. Quelles adaptations devez-vous réaliser au niveau de l'Ecole de foot pour en former?
N'oublions pas qui nous sommes. Et on ne peut pas non plus dire que nous laissons des talents de côté. C'est une question de vitesse et de gabarit. Ce sont des critères importants de sélection. Peut-être devrions-nous garder certains jeunes un peu plus longtemps, même s'ils sont en retard au niveau de la coordination. Nous devons donc nous pencher à nouveau sur la formation... et même sur la préformation.
Au niveau international, la médiocrité des résultats des équipes de jeunes contraste fortement avec ceux des A. Pourquoi?
On en revient à notre philosophie. C'est bien de leur inculquer de jouer, de relancer proprement depuis l'arrière, d'avoir du culot… mais attention de ne pas pousser le bouchon trop loin. J'ai parfois été à deux doigts de descendre dans les vestiaires.
Pour en revenir au Portugal, ce match de prestige va se jouer dans un stade vétuste et sur une pelouse qui a dû être refaite à la va-vite. Cela nous amène au sujet du nouveau stade. Quand sera-t-il inauguré?
Ah… bonne question. Nous partons sur le principe de la saison prochaine, c'est-à-dire 2020-2021. Certainement au mois de septembre.
Cela signifie qu'il n'y aura donc pas de match de gala pour l'inauguration…
C'est exact car la Ligue des Nations commence à cette époque. Le nombre de dates libres étant de plus en plus réduit, inviter une équipe nationale est très compliqué. Il y a un an, j'avais pensé attirer un protagoniste de l'Euro avant que la compétition ne commence, mais en septembre c'est plus compliqué qu'au printemps. Ce sera donc une équipe du groupe C de la Ligue des Nations qui sera notre premier adversaire dans le nouveau stade.
Avez-vous une préférence?
La Grèce fait figure de nation la plus attractive. Mais, quel que soit le pays, je crois que le stade sera plein pour l'inauguration.
Les internationaux auront une grosse pensée pour René Hoffmann qui nous a quittés dernièrement…
René, je l'ai connu quand je suis arrivé en équipe nationale, j'avais 17 ou 18 ans. Lui, à l'époque il était déjà bien installé en sélection. C'était le meilleur gardien du pays et, en quelque sorte, il m'a pris sous son aile. Je suis ensuite parti jouer en Belgique, mais, à chaque fois que je revenais en sélection, nous partagions la même chambre.
Une fois nommé entraîneur national, je l'ai pris dans le staff et cela a duré 17 ans. Il a ensuite quitté la "fédé" pour y revenir, à la commission technique, quand j'ai occupé de nouvelles fonctions (ndlr: président). C'est une longue histoire entre nous, quelqu'un de formidable. Quelqu'un aussi qui n'a jamais voulu se mettre en avant alors qu'il en avait la légitimité avec la carrière qu'il a eue. Humainement, c'est notre plus grosse perte.
Vous avez sûrement une anecdote à nous raconter?
Mon premier grand déplacement avec l'équipe nationale, à l'étranger, a, disons-le, été quelque peu "coloré". Nous devions jouer à Cracovie, face à la Pologne. A Varsovie, notre avion a connu quelques problèmes techniques et nous avons dû poursuivre le voyage avec un bus… qui est tombé en panne. On a dû manger dans un chalet en pleine forêt et j'avoue que je n'étais pas du tout rassuré de la tournure des événements.
A Cracovie, nous avons pris huit buts (1-8, 20.04.1969). C'était déjà 0-5 après une demi-heure de jeu. Pour terminer l'histoire, en repartant, nous sommes allés dormir dans un hôtel où des filles nous attendaient. L'entraîneur a eu du mal à tenir tout le monde et, à mon âge, j'ouvrais des yeux grands comme ça.»

