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«Ce n'était pas un voyage aux frais du Qatar»
Sport 7 min. 02.12.2022
Invité pour assister au Mondial

«Ce n'était pas un voyage aux frais du Qatar»

Timour Paziouk (à d.) aux côtés de Thomas Malpas: «On a vécu une expérience fantastique.»
Invité pour assister au Mondial

«Ce n'était pas un voyage aux frais du Qatar»

Timour Paziouk (à d.) aux côtés de Thomas Malpas: «On a vécu une expérience fantastique.»
Photo: dr
Sport 7 min. 02.12.2022
Invité pour assister au Mondial

«Ce n'était pas un voyage aux frais du Qatar»

Charles MICHEL
Charles MICHEL
Né à Khmelnitksy d'un père ukrainien et d'une mère russe, Timour Paziouk vient de passer deux semaines à Doha. Sa particularité? Avoir bénéficié d'une invitation de l'organisateur. Mais l'ex-défenseur de Virton et de Bleid relativise...

Expliquez-nous comment vous en êtes arrivé à passer deux semaines aux frais de l'Émir? 

Timour Paziouk: «Premièrement, ce n'est pas deux semaines aux frais du Qatar. Avant de recevoir cette proposition, j'avais déjà fait mes réservations du 21 novembre au 2 décembre. J'avais le billet d'avion aller-retour, la location de la villa ici avec les copains, les billets de match, et pas que ceux de la Belgique car je voulais voir un maximum de stades...


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Dix jours avant le départ, un ami me dit qu'il a été invité comme Fan Leader, que tout était aux frais du Qatar, mais qu'il ne pourrait pas y aller. Cela comprenait le vol aller-retour, le logement et une invitation pour la cérémonie d'ouverture. Je lui ai dit que ça m'intéressait et voilà comment je suis arrivé à Doha trois jours plus tôt que prévu.»

Les Camerounais sont pas mal dans leur genre

Que s'est-il passé une fois sur place?

«Tous les groupes de fans leaders logeaient dans un complexe situé au centre de Doha, le Seven Pearls. J'étais avec trois autres fans leaders dans un appartement composé d'un grand salon, d'une grande cuisine, de deux grandes chambres avec chacune sa salle de bain... Vraiment top! Dans l'établissement, il y avait des Camerounais, des Mexicains, des Anglais, des Polonais, des Croates... Tous invités par le Qatar.»

Pourquoi votre ami a-t-il refusé cette invitation?

«Il était mal à l'aise en raison des nombreuses critiques. En fait, à chaque match, il a un déguisement bien particulier et est donc facilement reconnaissable. Et un beau jour, il reçoit via Instagram, un message du Qatar qui lui dit qu'il est chef des fans leaders pour la Belgique. Et il pouvait inviter je ne sais plus combien de personnes...

Et puis, la fédération belge a très mal pris le fait que le Qatar le contacte directement sans passer par elle. Quand t'es membre d'un fan club, chaque supporter figure dans un classement établi en fonction du nombre de matches de la sélection auxquels tu as assisté. Le barème est le suivant: deux points le match à domicile, un point le match à l'extérieur. Bref, la fédération a fait en sorte que les vingt premiers soient invités par le Qatar.»

Chaque fan leader devait être déguisé?

«Non... Tout le monde est habillé en mode Coupe du monde. Moi, par exemple, j'ai mis un foulard (NDLR: la ghutra) aux couleurs de la Belgique avec le petit truc sur la tête (NDLR: Agal)... Après, les Camerounais sont pas mal dans leur genre (rires).» 

Ce n'était pas vraiment une rémunération, c'était juste de l'argent mis sur une carte afin de boire et manger

 


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Durant les trois jours passés avec les fans leaders, vous n'avez pas eu de contact avec des représentants qataris? 

«Non, il n'y avait rien de tout ça. Aucune obligation et tout se passait naturellement, comme si on n'était pas invité en tant que fans leaders.»  

Vous n'avez pas profité de l'occasion pour vous faire rembourser vos deux semaines? 

«Non, j'ai été honnête et j'ai juste demandé le remboursement du vol aller puisque j'en avais déjà réservé un pour le 21, mais comme je devais arriver le 18... Mais j'aurais peut-être dû essayer (rires). Donc, j'ai eu le droit à trois jours offerts ainsi que le billet de la cérémonie d'ouverture qui était d'ailleurs vraiment grandiose. En temps normal, c'est quelque chose de très difficile d'obtenir une place. C'était une chance unique. Bon, je dis ça, mais ce n'est que ma deuxième Coupe du monde.»

Depuis quand suivez-vous la Belgique sur les grandes compétitions?

«Depuis 2016 et l'Euro en France. J'avais vu Russie-Angleterre...»

Rencontre en marge de laquelle se sont déroulées des incidents d'une extrême violence à Marseille...

«C'était la jungle pendant trois jours! Un vrai carnage... Après, ceux qui se battaient, ce sont ceux qui le voulaient. Si vous vous mettiez à l'écart, personne ne venait vous taper dessus. Les «meilleurs» hooligans russes ont quadrillé la ville et c'était une opération commando où, à partir d'une certaine heure, ils ont tout cassé.» 

On parle du Qatar, des ouvriers morts sur les chantiers, mais pour la fabrication de nos batteries de téléphone, on envoie bien des enfants dans des mines, non?

Pour en revenir au Qatar, les organisateurs n'attendaient rien de votre part en contrepartie de cette invitation?

«Non, sincèrement, rien de tout ça! Ils voulaient juste notre présence.»

Est-ce qu'en raison des nombreux scandales liés à l'organisation de ce Mondial, vous vous êtes posé la question de votre venue?

«La politique et le football sont deux choses totalement différentes. On parle du Qatar, des ouvriers morts sur les chantiers, mais pour la fabrication de nos batteries de téléphone, on envoie bien des enfants dans des mines, non?  Bref, si on commence à penser à tout ça, on arrête de vivre... Moi, je suis là pour la Coupe du monde. J'ai encouragé mon équipe. C'est tout.»

Il se dit également que certains supporters ont été rémunérés...

«Non, pas que je sache... En revanche, et le Qatar l'a supprimé ensuite en raison de ces rumeurs, chaque fan leader avait à disposition une carte bancaire créditée de 70 euros par jour. Ce n'était pas vraiment une rémunération, c'était juste mettre de l'argent sur une carte afin de boire et manger.

Il fait magnifique, la ville est géniale, ça bouge tout le temps, même à 3h du matin... J'ai l'impression que les gens ici ne dorment jamais. Et puis, ici, on est dans un pays musulman, les gens vont prier cinq fois par jour, ça joue sur la circulation.»

Bon, quand je dis que je viens de la Belgique, ils nous disent «Ah, ils n'ont pas bien joué...»

Quel contact avez-vous eu avec la population?

«Tout le monde est gentil, accueillant, les gens se tapent dans la main, se prennent dans les bras. C'est comme en Europe. Pour moi, rien ne change. Après, tu ne bois pas une cannette de bière en pleine rue... Les gens viennent à notre contact, nous demandent d'où l'on vient. Bon, quand je dis que je viens de la Belgique, ils nous disent «Ah, ils n'ont pas bien joué...» Franchement, ce sont des gens très très bien. Ils disent merci à tout, s'il vous plaît à tout... Ils nous posent des questions, prennent le temps de nous expliquer certaines choses... Ils sont vraiment très accueillants.»

Vous avez également disputé la Fans Cup. Comment cela s'est déroulé?

«On a fait 2-2 contre le Canada alors qu'on gagnait 2-0 à la mi-temps. Et le lendemain, on a perdu 3-0 contre le Maroc et 3-1 contre la Croatie. Mais, franchement, c'était cool!»

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