L’actualité sur la mobilité d’aujourd’hui et de demain.
L’actualité sur la mobilité d’aujourd’hui et de demain.
La voiture est, dit-on, « l’enfant préféré » des Luxembourgeois. Pensez-vous que cela vaut aussi pour les véhicules hybrides et électriques ?
Philippe Mersch : Oui, pour une raison très simple : on sait que le Luxembourgeois s’intéresse énormément à l’automobile mais aussi à la technique. Le fait que nous ayons, au Grand-Duché, un renouvellement du parc automobile nettement plus rapide que dans d’autres pays souligne cet intérêt de nos concitoyens pour le progrès technologique. La voiture électrique ou hybride est donc, elle aussi, un highlight même si elle reste encore - relativement – méconnue du grand public. Mais elle l’est de moins en moins !
Les derniers chiffres d’immatriculations de voitures neuves illustrent très clairement le succès grandissant des véhicules « électrifiés », qu’ils soient hybrides ou à 100% électriques. Selon vous, est-ce lié à un véritable sursaut écologique de la part des automobilistes ou plutôt au montant conséquent des subsides à l’achat versés par le gouvernement ? Ou est-ce « un peu des deux » ?
PM : Il est clair qu’on ne reçoit pas tous les jours un subside étatique de 8.000 euros ! Ces primes jouent donc un rôle très important. C’est un premier aspect. Nous sommes également convaincus que le volet environnemental gagne de l’importance parmi la population. Il y a bel et bien une prise de conscience. Les gens comprennent qu’il faut s’occuper davantage de la planète. Au moins au niveau des émissions locales, la voiture électrique est le véhicule idéal car elle n’émet aucun polluant, à l’instar d’un véhicule « plug-in hybrid » lorsqu’il circule en mode électrique. Pour en revenir à votre question, je pense que ces primes sont le facteur déclenchant, qui fait que l’acheteur s’intéresse à ce genre de véhicule. Dès qu’il y regarde de plus près et essaye le véhicule, il est assez vite conquis.
Bien que les hybrides soient actuellement subventionnés, certains responsables politiques pensent que seuls les véhicules entièrement « propres » devraient bénéficier d’une prime étatique à l’achat, donc ceux qui n’émettent aucun CO2 lorsqu’ils circulent. Que cela vous inspire-t-il ?
PM : En tant que Fedamo, nous sommes neutres sur cette question. L’analyse des nouvelles immatriculations en 2020, au Luxembourg, révèle que 80% des véhicules étaient équipés d’un moteur thermique, essence ou diesel ; autrement dit, la très grande majorité. Mais il est également un fait qu’un véhicule sur cinq est désormais « électrifié ». Le moteur thermique a donc encore un avenir. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que les modèles hybrides disposent, eux aussi, d’un tel moteur. Toutefois, il ne fait aucun doute que le taux d’électrification dans le parc automobile va augmenter, ne serait-ce que pour permettre aux constructeurs de respecter les normes européennes en matière d’émissions de CO2. Celles-ci les obligent à électrifier leur flotte de plus en plus. On peut avoir pour ambition de réduire à zéro les émissions de C02, mais pas du jour ou lendemain car cela n’est pas possible. Les véhicules hybrides contribuent à la baisse graduelle des émissions, et nous pensons que notre gouvernement en est conscient. Les primes pour ces véhicules doivent être maintenues pour appuyer cette transition. Quant aux constructeurs, ils doivent continuer à mettre de nouveaux modèles hybrides sur le marché. Pour nous, l’hybride et, a fortiori, l’hybride plug-in, sont des technologies de « pont », permettant à l’automobiliste d’aller progressivement vers une plus forte électrification de son moyen de transport individuel.
D’aucuns reprochent ouvertement aux concessionnaires de ne pas suffisamment promouvoir la vente de voitures électriques, du fait de marges bénéficiaires plus faibles tant au niveau de la vente que lors de l’entretien. Que leur répondez-vous ?
PM : Il est un fait que, lors de la vente, les marges pour le concessionnaire sont plus faibles sur une voiture électrique ou hybride rechargeable. Il est également vrai que sur son cycle de vie, un véhicule 100% électrique nécessite moitié moins d’entretien qu’une auto conventionnelle - ce qui est une bonne nouvelle pour l’utilisateur. Cela ne s’applique pas aux véhicules hybrides, étant donné qu’ils disposent d’une partie thermique. En déduire que le vendeur va plutôt orienter le client vers une voiture « conventionnelle »… J’aurais plutôt tendance à dire non. Il y a peut-être eu des raisons « historiques », quand il n’y avait presque pas de modèles disponibles sur le marché. Si vous vous adressiez à un constructeur n’ayant ni modèle hybride ni électrique dans sa gamme, il n’allait évidemment pas vous orienter vers la concurrence… Les choses ont changé. Aujourd’hui, presque toutes les marques ont des véhicules « électrifiés ». On les propose au client, ne serait-ce que pour que le constructeur puisse respecter les émissions moyennes de CO2 qui lui sont imposées au niveau de sa flotte. L’offre est là, le défi est de pouvoir livrer les véhicules dans les délais prévus.
Honnêtement, est-ce que l’option d’un modèle électrique est d’office proposée au client qui franchit la porte du show-room ?
PM : Au niveau de la vente, le but est de cerner au mieux les besoins de l’acheteur et de lui proposer le véhicule qui lui conviendra le mieux. S’il veut disposer de beaucoup de place pour les passagers mais surtout d’un très grand coffre, on ne va pas, a priori, directement l’orienter vers une voiture 100% électrique. Mais si le modèle est disponible avec différents types de motorisations (essence, diesel, hybride ou full électrique), on lui proposera de considérer toutes les alternatives.
Quel est le retour des utilisateurs de voitures électriques par rapport à l’autonomie des batteries et aux bornes de recharge ?
PM : Nous ne disposons pas d’études spécifiques en la matière mais il se dit, un peu partout en Europe, que celles et ceux qui sont passés à l’électrique ne reviendraient pas sur leur choix et choisiraient à nouveau ce type de motorisation s’ils devaient changer de véhicule. Nous tablons donc sur une fidélisation très forte : l’essayer, c’est l’adopter ! Pour ce qui est des bornes de recharge, je pense que le Luxembourg est bien équipé. Le réseau de bornes publiques « Chargy » s’est fortement développé et l’inauguration de deux premières borne à recharge rapide a récemment eu lieu au Kirchberg. Un réseau de 88 de ces bornes, aux quatre coins de pays, est également annoncé, ce qui est très ambitieux. Si cela se concrétise rapidement, nous figurerons parmi les meilleurs élèves en Europe et cela aidera aussi à accélérer l’électrification de notre parc automobile. Notre secteur devra lui aussi s’adapter et aura besoin d’un soutien pour financer tous les investissements auxquels il devra faire face – le gouvernement le sait. Les concessionnaires devront s’équiper de bornes de recharge, normales et rapides. Il en est de même pour les entreprises qui mettront des véhicules électriques à la disposition de leurs collaborateurs. Tout cela va coûter beaucoup d’argent.
Qu’en est-il de l’hydrogène, dont il est actuellement beaucoup question dans les médias ?
PM : D’après les informations fournies par les constructeurs, cette technologie fonctionne et recèle un grand potentiel. Toutefois, aujourd’hui, une voiture à hydrogène n’est pas aussi efficiente qu’une voiture électrique. Se pose aussi la question du stockage de l’énergie, plus aisé sur des véhicules à plus fort gabarit, tels qu’un bus ou un camion. Comme je le soulignais auparavant, les constructeurs doivent mettre sur le marché des modèles qui leur permettent de respecter les normes de pollution, et ce avec une certaine urgence. Pour l’heure, la technologie qui s’y prête le mieux est la voiture mue par une batterie électrique. Donc, la quasi-totalité des moyens est concentrée là-dessus. Mais l’hydrogène suivra, je pense dans les deux ou trois années à venir. Actuellement, deux constructeurs seulement sont sur ce marché.
Y a-t-il encore une place, dans ce milieu automobile en profonde mutation, pour ce qu’on appelle communément la voiture « passion » ?
PM : Oui, certainement. Nous l’avons remarqué l’an dernier, après le confinement. Beaucoup de clients se sont mis à la recherche de ce type de véhicule. Voiture « passion » ne signifie d’ailleurs pas nécessairement « voiture chère » mais plutôt voiture « un peu moins raisonnable » ! Il existe toujours ce genre de véhicule sur le marché et c’est important car l’auto ne doit pas être uniquement considérée comme moyen de mobilité individuelle. L’auto doit permettre à son conducteur de se différencier par rapport aux autres automobilistes. Nous le constatons très clairement : les marques qui ont ce genre de véhicules continuent à bien les vendre !