Voitures de société: la crainte du «désavantage» en nature
Voitures de société: la crainte du «désavantage» en nature
PAR MAURICE FICK
L'imposition de l'avantage en nature que représente une voiture de société est «le» dossier sensible du secteur automobile au Luxembourg. Y toucher «conduira à un désavantage en nature pour le salarié», prévient le président de la Fégarlux. «Le marché automobile perdrait 21% de son chiffre d'affaires total» a même calculé le président de la Fédération luxembourgeoise des loueurs de véhicules.
Pour nombre de salariés du secteur privé, la voiture de société -qui fait partie du package salarial- représente un signe de réussite professionnelle mais aussi un avantage fiscal. L'avantage réel est de l'ordre de 60 à 70 euros par mois, avait calculé Gerry Wagner, le président de la Fédération luxembourgeoise des loueurs de véhicules (FLLV), début 2013.
Comme la voiture de société à usage personnel représente un «avantage en nature» pour le salarié, «il faut l'imposer en propre. Pour ce faire, on prend 1,5 % du prix d'achat de la voiture, TVA incluse, et on ajoute ce montant au salaire mensuel pour être imposé. Ce montant est aussi soumis à la taxation de la TVA», explique Gerry Wagner. De sorte qu'après quatre ans, 80 % de la valeur de la voiture aura été taxée.
Faire «extrêmement attention lors de la réforme fiscale»
L'ennui est que ce taux d'imposition luxembourgeois «est actuellement déjà relativement élevé et se situe au-dessus du taux qui est pratiqué dans nos pays voisins», éclaire Ernest Pirsch. Le président de la Fégarlux craint que «toute hausse supplémentaire de ce taux d'imposition conduira, dans la pratique, au fait que pour le salarié, l'avantage en nature se transformera en désavantage en nature ».
A la tribune de présentation de l'Autofestival 2015, le président de la Fégarlux a prévenu le gouvernement DP-LSAP-Les Verts: «C'est la raison pour laquelle il faudra faire extrêmement attention lors de la réforme fiscale planifiée pour ne pas mettre en péril ce marché et ces recettes fiscales». Au premier rang se trouvait le ministre du Développement durable, François Bausch, issu du parti des Verts. Il y a tout juste deux ans, les Verts avaient fait une proposition de loi (n°6538) dans le but de réduire les émissions de CO2 qui prévoyait justement... d'augmenter ce taux d'imposition de l'avantage en nature.
«Si on augmente le taux d'imposition de 1,5 % à 1,75 % ça bascule et la voiture de société devient fiscalement un désavantage», a calculé Gerry Wagner. Du coup, le salarié n'aurait plus d'intérêt à prendre une voiture de société et il préfèrera recevoir la contrepartie financière dans son salaire pour s'acheter la voiture qu'il souhaite à titre privé.
Une perte de 475 millions d'euros par an pour le secteur
A travers une analyse élaborée avec la Fégarlux, l'ADAL (Association des distributeurs automobiles luxembourgeois) et la CLC (Confédération luxembourgeoise du commerce), le président de la FLLV a, à la fois, mis en exergue les conséquences économiques inattendues du relèvement du taux d'imposition et l'ampleur du marché des voitures de société.
Elles représentent pas moins de 21% du parc automobile luxembourgeois qui compte plus de 350.000 voitures. On retiendra aussi que quasiment une voiture neuve sur deux immatriculée au Grand-Duché est une voiture de société.
«On estime que sur 60.000 véhicules de société concernés par l'avantage en nature au Luxembourg, 35% soit 21.000 voitures sont conduites par les frontaliers», pose Gerry Wagner avant de dérouler le scénario catastrophe. Si les frontaliers devaient acheter une voiture à titre privé, «ils le feraient en principe dans leur pays de résidence», sait-il. Dans ce cas «les concessionnaires luxembourgeois perdraient 6.800 ventes annuelles» a-t-il calculé en se référant aux 50.300 voitures vendues au Luxembourg en 2012.
De plus, les résidents qui bénéficiaient jusqu'alors d'une voiture de société à usage personnel, garderaient aussi plus longtemps leur véhicule. Ajoutant aux ventes perdues, les services perdus (assurance, entretien, réparation, etc.), «le marché automobile perdrait 475 millions d'euros par an, soit 21% de son chiffre d'affaires total», estime Gerry Wagner. Avant de rajouter les conséquences pour le personnel: «1.315 salariés du secteur automobile seraient concernés, c'est énorme pour le Luxembourg!»
Gerry Wagner a poussé le bouchon jusqu'à calculer les pertes potentielles pour l'Etat luxembourgeois. Elles se chiffreraient à «116 millions d'euros de perte pour un revenu supplémentaire de 6,2 millions d'euros! »
