Une ville derrière les barreaux
Une ville derrière les barreaux
De Sophie Hermes, Steve Remesch et Maximilian Richard avec Alexander Abdelilah
La prison ne dort jamais. Derrière ses hauts murs en béton et ses barbelés, la tour de guet veille sans cesse sur les quelque 600 détenus et employés de la maison d'arrêt qui s'y croisent, 24 heures sur 24, 365 jours par an. Ni jours fériés ni week-ends pour le personnel, obligé de se calquer sur le quotidien des prisonniers. Le pénitencier doit rester sur ses gardes, une personne pouvant y être amenée sous bonne escorte à tout moment du jour ou de la nuit.
Même en l'absence de nouveaux arrivants, le pénitencier ne sommeille pas. Il faut gérer les besoins des 600 prisonniers permanents et le quotidien des employés, presque aussi nombreux aux heures de pointe. Pour parer à toute éventualité, un gardien et une gardienne doivent en permanence être sur place. Ainsi que deux infirmiers, chargés d'effectuer un premier bilan de santé des nouveaux arrivants - et qui s'occupent des besoins des personnes déjà incarcérées.
Les portes de Schrassig restent fermées la plupart du temps. Pourtant, en moyenne, environ 1.000 entrées et sorties animent les lieux chaque jour. De l'arrivée et du départ des employés à la livraison de nourriture, de boissons, de papier hygiénique et d'autres biens, jusqu'aux visiteurs et avocats qui viennent à leurs clients, en passant par le transport des prisonniers.
Côté emploi, 37 professions différentes se croisent dans les couloirs de Schrassig. Une variété qui dépasse largement celle des autres administrations luxembourgeoises. Les métiers classiques que sont les gardiens de prison ou le personnel médical, cohabitent avec des artisans chefs d'atelier et des cuisiniers. L'administration pénitentiaire emploie également un prêtre et un imam, afin d'accompagner les détenus pratiquants.
Les soins médicaux occupent une place importante dans le quotidien de l'établissement. En cause, la mauvaise santé de nombreux détenus, due au manque d'exercice physique et à la dureté de la vie en prison. Un autre problème est l'âge croissant des détenus. Un vieillissement dû au fait qu'ils deviennent délinquants de plus en plus tard et, d'autre part, que les peines s'allongent. Un service de gériatrie doit voir le jour pour s'adapter à cette nouvelle donnée.
Des armes qui se font attendre
Malgré la disponibilité constante du personnel soignant, le suivi médical ne satisfait pas tout le monde. En 2016, 40 détenus avaient ainsi fait un sit-in pour protester contre leur prise en charge sanitaire, qu'ils estimaient déficiente. En cause, le traitement apparemment insuffisant d'un des leurs, décédé des suites d'un cancer.
Du côté du personnel, les réclamations se multiplient également. En plus du rythme éreintant, c'est la sécurité qui préoccupe les surveillants. Plusieurs incidents avaient défrayé la chronique en 2018, lorsque deux gardiens de Schrassig avaient été agressés par des détenus alcoolisés. S'estimant sous-équipé, le personnel de Schrassig avait obtenu du ministère de la Justice l'inscription des sprays au poivre et des paintballs sur la «liste des ressources autorisées», quelques semaines plus tard.
Suite à la polémique, de nouvelles armes avaient été promises aux surveillants, avec une livraison «dès septembre 2019». Finalement, ce n'est qu'en décembre prochain que ces nouveaux équipements atterriront à Schrassig, explique la direction de l'Administration pénitentiaire. En tout, 120.000 euros de matériel de protection et d'armes sont attendus, dont «quatre armes à air comprimé, un projecteur de gel poivré ainsi que des gilets pare-balles». Juste à temps pour Noël.
Une étape vers la liberté
Créée en 1984, la prison de Schrassig n'accueillait à l'époque que la moitié du nombre actuel de détenus. La donne a changé en 1996, lorsque la nouvelle partie du bâtiment est entrée en fonction. La construction d'une nouvelle prison de détention provisoire à Sassenheim, qui ouvrira ses cellules en 2023 au plus tard, va enrichir le dispositif luxembourgeois.
La naissance du nouvel établissement changera la trajectoire pénitentiaire au Grand-Duché. Ce n'est qu'après un passage à Sassenheim, le temps que la justice se prononce, puis à Schrassig, si une peine est prononcée, que les détenus seront envoyés à Givenich. La maison d'arrêt semi-ouverte restera la dernière étape sur le chemin du retour à la vie quotidienne.
