«Un test VIH ne doit pas être stigmatisant»
«Un test VIH ne doit pas être stigmatisant»
Au Luxembourg, 46 nouveaux cas d'infection au VIH ont été recensés en 2021. Au total, près de 1.200 personnes vivent avec le virus dans le pays. Et, selon le rapport d’activité 2021 publié par le comité de surveillance du SIDA, des hépatites infectieuses et des maladies sexuellement transmissibles, 15% des personnes vivant avec le VIH ne sont pas diagnostiquées.
Depuis lundi, dans le cadre de la semaine européenne de dépistage, le service mobile de dépistage de la HIV Berodung de la Croix-Rouge est à l'œuvre sur le campus du Kirchberg, pour inciter les plus jeunes à se faire dépister. Laurence Mortier, chargée de direction adjointe, nous en dit plus sur cette campagne.
Votre service mobile, une camionnette appelée Dimps Mobile HIV Testing, est présent toute cette semaine sur le campus du Kirchberg. Pourquoi ce lieu?
Laurence Mortier: L'objectif de la campagne est de cibler les plus jeunes, à partir de seize ans. Nous avons donc décidé de réaliser cette action à l'université, nous y sommes présents tous les jours de 11h30 à 14 h 30.
Pourquoi cibler cette génération en particulier?
La décision a été prise par le comité national de surveillance du sida. Les jeunes sont les adultes de demain et il est très important qu'ils apprennent à faire un test de dépistage. On le voit lors des permanences que l'on propose depuis des années, il y a toujours un énorme stress.
Aujourd'hui, en plus du préservatif, il y a d'autres outils de prévention qui sont bien efficaces.
Laurence Mortier
L'objectif de la campagne n'est donc pas de dire qu'il y a plus de risque de VIH chez les jeunes, mais c'est plutôt pour qu'ils soient sensibilisés, dans leur vie future, à cet acte qui est simple. Pour qu'ils sachent, s'ils rencontrent une situation à risque, un rapport sexuel non protégé avec un nouveau ou une nouvelle partenaire, quoi faire et où se rendre pour le faire.
Il s'agit donc de banaliser le dépistage…
C'est exactement cela. C'est comme quand on va dans les lycées et qu'on apprend aux jeunes à mettre un préservatif sur un pénis en bois : on ne leur demande pas d'avoir des rapports sexuels le lendemain, mais au moins ils touchent le préservatif, savent l'utiliser et ne seront pas pris au dépourvu le moment venu. Avec le dépistage, l'idée est la même, il faut que cela devienne un geste courant dans la vie, après une situation à risque.
Il y a eu un gros travail de prévention sur le préservatif avec les générations précédentes. Est-ce entré dans les mœurs ou faut-il toujours et encore insister là-dessus?
Mes collaboratrices de la prévention vont dans les lycées presque tous les jours de l'année scolaire. Les jeunes savent très bien ce qu'est un préservatif, et même plus tôt que les générations précédentes. Mais la situation a changé : aujourd'hui, en plus du préservatif, il y a d'autres outils de prévention qui sont bien efficaces.
D'ailleurs, la campagne qui va sortir la semaine prochaine dans le cadre de la journée mondiale du sida, va cibler la PrEP, un traitement préventif qui est recommandé aux personnes qui ont du mal à gérer ou supporter le préservatif et qui ont des partenaires sexuels différents. C'est une pilule que l'on prend quotidiennement et qui protège les cellules d'une infection. C'est une grande avancée au niveau du VIH.
La dernière personne que j'ai dépistée positive avait 25 ans. Je dois vous avouer que j'étais fâchée. Pas contre elle, mais en général: comment, en 2022, on peut encore s'infecter à 25 ans?
Laurence Mortier
Mais pour revenir au préservatif, on constate une augmentation des infections sexuellement transmissibles : il y a de plus en plus de chlamydia, de gonorrhée, de syphilis, parmi toutes les tranches d'âge. Le préservatif reste donc un moyen de prévention majeur.
Outre les dépistages, vous effectuez également un travail d’écoute et de conseil. Etes-vous encore surpris de certaines situations à risque dans lesquelles se sont mises les personnes qui viennent à vous?
Parfois, oui… Par exemple, la dernière personne que j'ai dépistée positive avait 25 ans. C'était son premier test en plus. Je dois vous avouer qu'effectivement, j'étais fâchée. Pas contre elle, mais en général, en me disant : comment, en 2022, on peut encore s'infecter à 25 ans? Ça m'a interpellée. Pour ne pas arriver à des situations comme celle-ci, pour avoir un counseling avant, il est important de se dépister, avant même de faire face à un risque.
La période de pandémie de covid-19 et de crise sanitaire a eu un impact sur les dépistages, dont le nombre a baissé. Qu'en est-il aujourd'hui?
On a effectivement été fort impacté par l'épidémie. Il a fallu du temps pour que les gens reviennent. Mais cette année, à la date d'aujourd'hui, pour notre service, on est à 512 dépistages rapides. En 2021, on était 650, comparé à 2020 ou on avait 290 dépistages. Cela a donc bien repris.
Pour en revenir à cette semaine de sensibilisation, l'objectif est donc de montrer aussi qu'il y a différents moyens de se dépister…
Tout à fait, il y a trois modes principaux de dépistage. Tout d'abord le dépistage classique par prise de sang. C'est celui qui donne un résultat sûr le plus rapidement : on peut se permettre de faire un dépistage six semaines après un rapport sexuel non protégé. Il y a aussi le test rapide d'orientation diagnostic, le Trod, accompagné d'un counseling comme nous le proposons dans notre service HIV Berodung de la Croix-Rouge. Enfin, il y a l'autotest, qui est disponible en pharmacie et dans certains supermarchés Cactus. Pour ces deux derniers types de tests rapides, il faut faire le test douze semaines après une situation à risque pour être sûr du résultat.
Et en cas d'infection au VIH, quelles sont les solutions? Peut-on avoir une vie «normale»?
Aujourd'hui, nous avons une palette d'outils de prévention. Le préservatif, le dépistage aussi, qui doit être vu comme tel car c'est le seul moyen de savoir si on est infecté ou pas par le virus. Et donc le seul moyen de donner accès aux traitements, qui sont aussi un outil de prévention.
Le test de dépistage n'est pas là pour dire qu’on a fait quelque chose de mal.
Laurence Mortier
Grâce aux thérapies actuelles, une personne qui prend correctement son traitement, quotidiennement, peut descendre rapidement sa charge virale, c'est-à-dire la quantité de virus dans le sang. Et une charge virale indétectable signifie que le virus devient intransmissible. Cela veut dire qu'une personne testée, positive, sous traitement depuis plus de six mois, avec une charge virale devenue indétectable grâce à son traitement, peut avoir des rapports sexuels sans préservatif et sans transmettre le virus.
Donc, encore une fois, le test de dépistage n’est pas là pour dire qu’on a fait quelque chose de mal. Il peut y avoir eu un couac, peu importe. Il faut être fier de faire des tests, cela fait partie de la prévention, cela ne doit en aucun cas être stigmatisant.
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