«Un million d'habitants ne serait pas une fatalité»
«Un million d'habitants ne serait pas une fatalité»
Au début des années 80, le Luxembourg affichait près de 365.000 habitants, contre 602.000 actuellement, selon la dernière étude du Statec. En se basant sur quelques projections démographiques à long terme tout en conservant une politique inchangée - croissance du produit intérieur brut de 3% et de la productivité de 1,1% -, la barre symbolique du million d'habitants pourrait être atteinte en 2060 selon le rapport de Muriel Bouchet, présenté mardi soir lors d'une table ronde organisée en collaboration avec l'OAI (Ordre des architectes et des ingénieurs conseils).
Le directeur de la Fondation Idea, émanation de la Chambre de commerce qui mène des réflexions sur le développement durable du pays, a présenté trois cas de figure sur l'évolution de la population résidente au cours des 40 prochaines années.
Le premier évoque notamment l'augmentation du nombre de frontaliers qui passerait de 200.000 à 600.000 avec une population totale d'un million d'habitants.
La deuxième situation évoque le gel des frontaliers avec pour conséquence une population résidente inférieure à deux millions d'habitants.
Le troisième scénario avec une immigration zéro limiterait la population grand-ducale à 611.000 individus mais impliquerait dans le même temps la présence de 787.000 frontaliers.
Quel que soit le scénario, et même si ce ne sont que des projections comme le rappelle Muriel Bouchet, l'accroissement et le vieillissement de la population «auront des conséquences sur notre futur cadre de vie». Quelles infrastructures (logements, voiries, équipements de loisirs et sportifs…)? Quel logement? Quels transports en commun?
La principale inquiétude concerne le logement. Si des adaptations sont considérées comme «inévitables», comme une réduction de la taille moyenne des habitations ou la densification du bâti via des constructions plus en hauteur, la principale nouveauté devrait tenir dans la nécessité de «mettre en place un changement des modèles actuels», selon Patrick Bousch, chercheur du Liser.
Autrement dit, la mise en oeuvre de logements plus flexibles, capables de s'adapter aux différentes étapes de la vie et aux modes de vie des nouvelles générations. Surtout dans le contexte de scénarios qui tablent sur la hausse globale du nombre de personnes dépendantes.
Autre challenge à résoudre: la capacité de mise sur le marché de nouveaux logements. Estimées actuellement entre 6.000 et 6.500 chaque année, seules quelques 3.000 unités sont produites. «Ce n'est pas normal que les logements n'augmentent pas aussi vite que les emplois», avance l'architecte-urbaniste Christine Muller qui regrette «qu'on crée plus de garages que de logements». Avec pour conséquence directe la flambée des prix de l'immobilier et l'essor de la spéculation immobilière. Au point que la part du logement dans le budget des ménages n'en finit pas d'augmenter.
Un phénomène qui pourrait prendre davantage d'ampleur si aucune action n'est entreprise. La réduction des logements vides figure comme l'une des pistes à développer. «On doit faire plus d'efforts à ce niveau d'où l'importance des agences immobilières sociales», précise Corinne Cahen (DP), ministre de la Famille, de l'Intégration et de la Grande Région alors que Patrick Bousch regrette l'absence d'une «classe moyenne» pour l'accès au logement.
Le prix du foncier constitue un handicap à la création de nouveaux habitats. Bien plus que le coût de la construction, il induit le prix du logement.
A ce niveau, les professions de l'OAI et les autorités communales auraient un rôle commun à jouer. «Pourquoi ne pas libérer plus d'espaces et y créer des logements plus adaptés à nos futurs besoins?», interroge Corinne Cahen, secondée par Christine Muller qui avance l'idée de «séduire les propriétaires pour qu'ils libèrent le foncier».
Outre le logement, la mobilité figure parmi les enjeux principaux. L'idée d'une décentralisation figure parmi les pistes de réflexion évoquées, histoire de ne pas concentrer les problèmes sur la capitale. La présence de Google à Bissen, l'arrivée d'entreprises dans la Nordstad ou encore le développement d'Esch-Belval sont les premiers signes de cette nouvelle approche.
Dans cette optique, la création de zones franches pour faire face à la désertification économique de certaines régions mais aussi desserrer l'étau autour du pays pourrait voir le jour au niveau de la Grande Région. Toujours dans l'idée de désengorger les routes du pays, le télétravail devrait devenir plus systématique au sein des entreprises.
Des idées qui visent toutes à renforcer la cohésion sociale et à permettre aux habitants de gagner en qualité de vie. Les contours du visage du Luxembourg en 2040 sont encore flous même si quelques balises ont été posées, amenant Corinne Cahen à estimer qu'«on est loin d'un scénario catastrophe» et qu'«un Luxembourg à un million d'habitants ne serait pas une fatalité». Et la ministre de prendre l'exemple de la Sarre qui présente la même superficie que le Luxembourg et qui affiche un million d'habitants et dont «le niveau de vie n'est pas si mauvais».
