Un atlas luxembourgeois des moustiques pour prévenir les épidémies
Un atlas luxembourgeois des moustiques pour prévenir les épidémies
S'il y a bien une chose à retenir de la pandémie de covid-19, c'est bien évidemment ce besoin de vigilance et de surveillance afin de prévenir toute nouvelle épidémie au Luxembourg. Une prochaine épidémie qui pourrait, cette fois-ci, éclore à cause des moustiques. En effet, de nouvelles espèces apparaissent sur le territoire ces dernières années et celles-ci pourraient, un jour ou l'autre, transmettre des virus et des maladies comme la dengue, le chikungunya ou encore le non moins redouté virus du Nil occidental.
Mais outre ces possibles scénarios catastrophes, l'actualité récente prouve ce besoin de se prémunir. En septembre dernier, le moustique tigre était détecté à deux reprises, sur la commune de Roeser. Rappelons que ce dernier est en capacité de véhiculer certaines maladies tropicales. Notons toutefois que pour être vecteur d'infection, l'insecte doit d'abord avoir été infecté en prélevant le sang d'une personne malade.
La direction de la Santé, le ministère de l'Environnement et le Musée national d'histoire naturelle (MNHN) de Luxembourg ont vite compris qu'il était important de référencer toutes les données liées aux moustiques du Luxembourg dans un seul et même recueil. Seulement voilà, un ouvrage de ce type n'existait pas au Grand-Duché... jusqu'à aujourd'hui! C'est en ce début d'année 2023 que le premier «Atlas des moustiques au Luxembourg»a été publié.
Un travail de terrain colossal
Le fruit du travail de titan abattu par le Dr Christian Ries, conservateur à la section d'écologie du MNHN, Alexander Weigand, conservateur au département de zoologie du MNHN, ainsi que de Francis Schaffner, chercheur associé en parasitologie à l'Université de Zurich.
Concrètement, de 2019 à 2021, de multiples enquêtes de terrain ont été menées dans tout le Luxembourg afin de collecter des informations et des données actualisées sur les moustiques qui y vivent. Marécages, mares dans les forêts, tonneaux d'eau dans les habitations, aires d'autoroute et même trous dans les arbres, partout où l'eau stagne, et où les moustiques prolifèrent de facto, les chercheurs étaient présents afin de récupérer d'éventuelles larves à analyser et ce, été comme hiver.
L'ensemble du pays a été quadrillé à l'aide de pièges pour permettre de capturer les échantillons adultes. Et cette méthode de travail rigoureuse a porté ses fruits à en croire Francis Schaffner. «Au total, 28 espèces différences de moustiques ont été identifiées au Luxembourg. 22 autres sont susceptibles de trouver un habitat approprié ici et pourront donc éventuellement être trouvées dans le pays à l'avenir», annonce-t-il d'emblée.
Une seule espèce invasive observée
Il ressort également que le moustique «typique domestique» (Culex pipiens) et le «typique torrentiel» (Culex torrentium) sont les espèces les plus répandues au Luxembourg. «De plus, cinq espèces ont été recensées pour la première fois au Luxembourg grâce aux analyses: le moustique pointu turc de Refik, le moustique-aiguille roumain, le moustique-aiguille de Petragani, le moustique typique ainsi que le moustique-griffe merveilleux», a-t-il ajouté.
Et puis enfin, l'atlas évoque également la découverte de la seule espèce invasive observée jusqu'ici au Luxembourg: celle de «l'Aedes japonicus» plus communément appelé «moustique japonais» et potentiellement vecteur de maladies. «Celui-ci avait été recensé pour la première fois en 2018 sur une propriété privée à Stolzemburg», poursuit Francis Schaffner.
Il est probable que l'on assiste à des colonisations du moustique japonais et à l'arrivée de nouvelles espèces dans un futur proche.
Francis Schaffner
Les auteurs de l'atlas sont formels: une telle diversité dans les espèces est particulièrement rare. Ils se sont d'ailleurs amusés à la comparer avec les pays voisins du Luxembourg en comparant le nombre d'espèces au kilomètre carré. «Il en ressort que le Luxembourg en a 10,83/km². En Belgique, cette même donnée retombe à 1,11/km², en France, cela passe même à 0,11/km². Comment l'expliquer? Car au Luxembourg, les terrains sont vraiment très diversifiés.»
Par ailleurs, on apprend que selon les différentes observations réalisées, aucune espèce de moustique n'aurait disparu du Grand-Duché. «Par contre, il est probable que l'on assiste à des colonisations du moustique japonais et à l'arrivée de nouvelles espèces dans un futur proche», alerte Francis Schaffner. «Des espèces en provenance du sud et qui remontent vers le Luxembourg.»
Le risque étant donc de voir apparaître de plus en plus d'espèces invasives sur le territoire national. «Et on le sait, le danger principal réside dans une multiplication de ces espèces et des rencontres avec l'homme.» Fort heureusement, les rares cas avérés de maladies transmises par des moustiques au Luxembourg concernent des cas importés par avion.
Une surveillance accrue des points d'intérêt
Tout cela pousse le directeur de la Santé, Jean-Claude Schmit, à tirer la sonnette d'alarme. «Nous devons regarder la situation avec beaucoup d'attention les prochaines années. Il faut une politique de prévention et travailler sur un plan d'action. C'est pour cela que nous avons décidé d'étendre la surveillance du moustique tigre au-delà des aires d'autoroute, véritables points d'entrée pour ces moustiques qui suivent les gens dans leurs mouvements», précise-t-il.
Mais désormais, la gare multimodale de Bettembourg, le parking Flixbus de la capitale ou encore les aires d'autoroute de Capellen font l'objet d'une vigilance accrue. «Je pense également à la surveillance du commerce de pneus usés, car ceux-ci ont aussi tendance à contenir de l'eau de pluie stagnante.» Il fallait effectivement y penser...
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