Trois entreprises, trois récits des inondations
Trois entreprises, trois récits des inondations
Texte : Marlène Brey / Photos et vidéo : Sibila Lind
Trois semaines après les inondations, la marque de l'eau est encore visible. Elle arrive à hauteur de la taille de Maximilian von Hochberg qui affiche un bon 1,85m. «Voilà où la Pétrusse est arrivée», montre le patron du Cercle à Clausen. Dans la cave, l'eau a tout envahi. Tout comme dans les ateliers d'Oberweis à la Cloche d'Or. Là, l'eau a détruit réserves et machines causant près de deux millions d'euros de dommages. A Gasperich, le restaurant Le Comptoir bohème a vu ses tables emportées par un flot brunâtre. Et ainsi de suite...
Combien de sociétés ont ainsi été touchées par l'épisode pluvieux des 14-15 juillet derniers? «Trop tôt pour le dire. A l'heure actuelle, de nombreuses entreprises font encore le point sur les dommages subis et analysent la situation avec leur compagnie d'assurance», ne peut qu'avancer la direction des Classes moyennes.
Une chose est sûre : les assureurs du pays ont prévu de débloquer de l'ordre de 120 millions d'euros de dédommagements, et l'Etat a réservé une enveloppe de 50 millions pour éponger les conséquences de la catastrophe naturelle.
Seul indice témoignant de l'impact des inondations sur l'activité économique, le nombre de dossiers de chômage partiel introduits pour «cas de force majeure» ces dernières semaines. Au 22 juillet, le ministère de l'Economie avait validé 16 demandes de sociétés qui n'avaient pas pu reprendre normalement leur fonctionnement. Depuis, 149 autres demandes ont été déposées et le comité de conjoncture va se pencher sur leur validation d'ici peu.
Rue Eugène Ruppert, l'asphalte fraîchement posé fume encore. La route a dû être refaite, tout comme le revêtement du pont du Grund. Le Comptoir bohème a largement ouvert ses portes, mais pour laisser pénétrer l'air frais plutôt que les clients. Les marques de boue disparaissent petit à petit. Voilà une quinzaine de jours que l'équipe de 30 salariés s'affaire à tout remettre en état. Un coup du sort pour l'établissement qui venait d'ouvrir, à la mi-juin. Mais le souvenir de la nuit du 14 juillet est autant visible dans l'établissement que dans les esprits.
Même traumatisme au Cercle. Le déluge, l'Alzette qui monte, la Pétrusse qui suit, l'eau qui commence à envahir la cave, la police qui demande à chacun de quitter les lieux sur les coups de 22h, le disjoncteur général qui saute à 2h du matin et plonge tout le quartier dans l'obscurité. Maximilian Von Hochberg sera le dernier à quitter le navire. Maintenant, la mission consiste à nettoyer le restaurant, la vaisselle, évacuer le mobilier inutilisable, évaluer les pertes au sous-sol où reposaient des dizaines de bonnes bouteilles. Aucune idée pour fixer la date de réouverture.
Dans son laboratoire, Tom Oberweis s'excuse de son allure. Le fameux pâtissier, par ailleurs président de la Chambre des métiers, a les traits tirés. Dans ce coin de la capitale, à Cloche d'Or, rien ne prédestinait ses locaux à connaître une quelconque inondation. Et pourtant... Ici aussi, l'eau a trouvé un chemin inédit. Et que d'eau même! Léa Oberweis a fait son calcul : «2.000 m2 de surface par 2,50m de hauteur entièrement remplis, cela fait cinq millions de litres cumulés.» Là aussi, 2h du matin a sonné le glas de tout sauvetage possible.
Fournitures, réfrigérateurs, ascenseur, machines : tout a fini hors d'usage. Maintenant, les réparations sont au point mort. En effet, appareils et pièces de rechange sont introuvables actuellement. Trop de demandes, pas assez de production. «Une conséquence de la crise covid», explique Tom Oberweis. Au micro de la Radio 100,7, l'homme avait estimé entre deux et 2,5 millions d'euros les dommages. Les aides d'Etat feront du bien pour se relever.
Le coup de pouce public n'interviendra qu'en deuxième rideau. Et «l'aide d'État couvrira seulement les coûts directement liés aux inondations et non couverts par les assureurs», rappelle la direction des Classes moyennes.
Classée comme «catastrophe naturelle la plus coûteuse du siècle», la crue estivale 2021 a relancé le débat de la prévention de ce type d'événements météo. Non seulement l'alerte des populations, mais aussi les moyens techniques à mettre en oeuvre pour éviter de nouveaux dégâts.
Des investissements indispensables et certainement bien moins coûteux que les ravages à répétition et leur facture. Ainsi, l'Association des compagnies d'assurances luxembourgeoises (ACA) estime-t-elle à 230 millions d'euros le prix des événements climatiques sur les seules trois dernières années.
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