Travailler ici mais pour vivre où?
Travailler ici mais pour vivre où?
Combien sont-ils? 800, un millier? Aucune statistique, à ce jour, ne dénombre celles et ceux qui parmi les Luxembourgeois choisissent d'aller habiter dans le pays voisin. «Pourtant, on sait et l'on sent bien que le phénomène va crescendo, confie la députée Semiray Ahmedova (Déi Gréng). Il est donc temps d'en prendre conscience et d'analyser le phénomène.» D'autant que ce mouvement, s'il trahit bien la difficulté et la cherté à se loger au Grand-Duché, pourrait être à l'origine d'un bousculement dans la politique d'habitat locale.
Locale, pas nationale. Car c'est désormais à l'échelle de la Grande Région que la parlementaire pense trouver une voie d'amélioration. «Nous souffrons ici d'un manque d'offres accessibles au plus grand nombre mais qu'en est-il juste à côté de chez nous? Quelle est la disponibilité en logements en Lorraine? Combien y a-t-il de maisons pouvant être rénovées en Wallonie? A combien revient le bâti autour de Longwy ou Arlon? Combien d'hectares peuvent encore être bâtis dans les Länder voisins?» Et l'outil qui pourrait apporter les réponses est sans doute un Observatoire transfrontalier de l'habitat.
Depuis 17 ans, le Luxembourg dispose déjà d'un outil similaire. L'Observatoire de l'habitat se charge ainsi de scruter dans le détail l'état du marché immobilier sur les 2.586 km2 du pays. Pourquoi alors ne pas imaginer le même outil à l'échelle du territoire luxo-belgo-franco-germanique? L'idée fait déjà son chemin. Et Patrick Bousch, coordinateur des politiques nationales au Liser, y réfléchit : «Car ce n'est pas seulement que la problématique de trouver un toit pour tout le monde, si je puis dire. C'est assurer les conditions d'une expansion économique du Luxembourg qui ne peut continuer à perdre en attractivité parce que cela ne suit pas question accessibilité au logement.»
Lui qui était à l'origine de l'Observatoire de l'habitat luxembourgeois se retrouve aujourd'hui à défendre l'idée de la version internationale. «C'est intéressant car chaque pays a un intérêt à réussir cette approche, justifie-t-il. Pour l'instant, on sait que les zones transfrontalières commencent à voir elles-mêmes le prix de l'immobiliser grimper. Le besoin de main-d'oeuvre est tel chez nous et le logement si rare que forcément ça déborde par-delà les frontières.» Et puis il y a aussi les couples mixtes qui s'installent dans le pays du ou de la mariée, sans plus prêter attention aux questions de nationalité géographique de là où la famille s'ancre. Sans parler de ces jeunes couples luxembourgeois qui, préfèrent investir dans la pierre à l'étranger parce qu'ils n'ont pas forcément les moyens d'investir au Grand-Duché.
L'idée n'est pas de construire des dortoirs transfrontaliers
Pour la députée Ahmedova, l'Observatoire pourrait aussi permettre d'échanger sur les pratiques de chaque territoire ou pays en matière d'habitat, d'aide à la construction de logements sociaux mais aussi à la variété des niveaux de services existants autour des lieux de vie. «L'idée n'est pas de construire des dortoirs transfrontaliers mais des lieux où chacun puisse construire sa vie de citoyen tout en travaillant au Luxembourg. Il faut donc analyser les possibilités d'intégration de la population nouvelle, les capacités commerciales existantes ou à développer en cas d'arrivée d'habitants supplémentaires, anticiper les questions de mobilité journalière, etc.»
Des premiers constats faits, dans l'attente de l'Observatoire transfrontalier, Patrick Bousch a ainsi déjà noté les différences d'un coin à l'autre. «Certaines communes de Moselle ou autour de Longwy, par exemple, en perte de développement démographique ces dernières années voient d'un bon œil l'arrivée de jeunes ménages. Et les anciennes cités ouvrières reprennent vie alors que des friches industrielles voient pousser des constructions neuves.» Dans le secteur de Bitburg, on ne cache pas sa satisfaction de voir s'installer des Luxembourgeois relativement aisés. Non loin d'Echternach, en coulisses, les élus parlent déjà de coactivité économique pour faire vivre un bassin de vie à cheval sur deux Etats.
Et Semiray Ahmedova de conclure : «Il ne faut donc pas voir cet Observatoire de l'habitat transfrontalier comme un simple appareil à photographier un état des lieux. Mais bien comme l'outil qui permettra aux politiques français, belges, allemands et bien sûr luxembourgeois d'orienter leur plan d'action Logement dans telle ou telle direction en fonction des besoins et des manques».
L'élue défendra bientôt cette vision à la Chambre. Et si le Parlement lui donne le feu vert, restera alors à convaincre les partenaires des pays voisins de s'engager à leur tour. On parle d'à peine 80 organismes, asbl, institutions et autres à persuader...
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