«Taxer les terrains inoccupés ne pourra être évité»
«Taxer les terrains inoccupés ne pourra être évité»
Alors que beaucoup cherchent des solutions pour combler le manque de logements, l'Agence immobilière sociale (AIS) travaille depuis 2017 à un concept visant à utiliser les terrains inoccupés. Mais sans résultat concret à ce jour. Pourquoi?
Gilles Hempel, directeur de l'AIS - «L'idée de base était de transposer le système AIS, à savoir la mise à disposition d'un logement inoccupé temporairement à des personnes à revenus modestes, mais pour les terrains inoccupés. Avec la particularité d'utiliser ces terrains via l'installation de structures modulaires amovibles. A savoir des conteneurs adaptés et pensés pour être habités de manière tout à fait confortable et qui ne doivent pas impacter durablement le terrain sur lequel ils sont posés. Mais contrairement aux logements inoccupés où nous avons toujours reçu des propositions de la part des propriétaires, ce projet n'a pas vraiment obtenu de retours concrets.
Par quoi s'explique ce constat, selon vous?
«Il existe plusieurs dimensions à ce problème. La première tient dans la forte réticence qui existe pour tout ce qui est en lien avec la solution modulaire. Une solution qui véhicule la mauvaise image du container, qui est associé à quelque chose de peu esthétique, de provisoire. Voire de provisoire qui dure, à l'image du centre Abrigado par exemple. Un deuxième aspect tient au prix. Quand nous louons une maison inoccupée avec trois ou quatre chambres, nous versons entre 800 et 1.000 euros par mois au propriétaire.
Pour l'utilisation du terrain inoccupé, nous proposons entre 100 et 150 euros, alors que certains propriétaires s'attendaient à obtenir entre 1.000 et 2.000 euros mensuels... Et enfin, il existe un problème réglementaire, puisque même modulaire et provisoire, à partir du moment où la solution porte sur le logement, cette dernière est soumise aux mêmes procédures qu'une construction traditionnelle. En l'occurrence, respecter le règlement des bâtisses de la commune, qui varie de l'une à l'autre, le PAG ou le PAP, etc. Cela devient vite la mer à boire.
Un projet-pilote doit tout de même voir le jour à Schifflange, plus de trois ans après le lancement de l'idée...
«Effectivement. Et cela parce que la commune nous met à disposition un terrain qui va nous servir à mettre en place une maison bifamiliale qui nous servira de 'maison-témoin habitée' pour permettre aux propriétaires de se rendre compte par eux-mêmes de ce que nous voulons faire avec ces containers qui seront équipés d'une façade. Et qui, au final, ressembleront à une maison d'architecte. Nous allons demander l'autorisation de bâtir dans les prochaines semaines et ce projet devrait se concrétiser d'ici la fin de l'année. Ou au début de l'année prochaine au plus tard.
Pensez-vous que ce seul projet pourra réellement faire changer les mentalités, alors que les prix des terrains enregistrent des hausses annuelles à deux chiffres depuis 2018?
«Cela ne va pas se faire tout seul. Je pense donc qu'il faut faire pression sur les propriétaires, surtout sur ceux qui possèdent des Baulücken. Car avec la hausse annuelle de 14,5% enregistrée en 2020, la personne qui possède un terrain d'une valeur de 500.000 euros a gagné plus de 70.000 euros en un an, sans rien faire. Cela représente 6.000 euros par mois juste en plus-value.
Dans ces conditions, l'intérêt de poser un module sur son terrain et d'en percevoir 100 à 150 euros par mois pour aider à lutter contre la pénurie de logement au niveau national est minime. En revanche, si le gouvernement se décide un jour à taxer considérablement les terrains inoccupés, à hauteur au moins de la plus-value réalisée, alors là, les choses risquent fortement de bouger.
A ce stade, cette demande s'apparente à un vœu pieux, le gouvernement se retranchant pour l'heure derrière l'application stricte de l'accord de coalition qui ne prévoit pas une telle mesure...
«Je crois qu'il existe une volonté politique de faire bouger les choses, aussi bien au niveau communal que gouvernemental. Mais il est vrai que l'idée d'une taxe sur les logements et les terrains inoccupés circule depuis plus de dix ans et il n'y a rien eu. Mais je crois que, tôt ou tard, cette mesure ne pourra être évitée. Cette question devrait d'ailleurs occuper la prochaine campagne électorale (de 2023, année d'élections aussi bien communales que législatives, ndlr), au vu des propos tenus par plusieurs partis ces derniers temps.
Même s'il ne faut pas se cacher la face et reconnaître que les politiques ont un peu peur de ce thème, car cela relève d'enjeux électoraux, la majorité des propriétaires étant aussi des électeurs. A la différence de la majorité des personnes qui souffrent de la pénurie de logements. Cela va vite devenir un problème majeur pour notre économie en raison de l'impact négatif de cette question sur l'attractivité du pays.
N'est-ce pas déjà le cas?
«Oui. Et cela s'incarne dans le cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons, puisque même avec les terrains nécessaires pour construire les logements abordables dont le pays a besoin, nous ne trouvons pas la main-d'oeuvre nécessaire à la construction de ces logements. Et encore moins pour les loger. Une solution possible à ce problème pourrait être le développement généralisé du logement modulaire et donc faire fabriquer dans des usines à l'étranger, avec de la main-d'oeuvre active là-bas, les éléments nécessaires qui n'auraient plus qu'à être assemblés au Luxembourg. Donc gain de temps de construction, besoin de moins de personnel et utilisation rationalisée des terrains disponibles. Et donc, de mon point de vue, le logement modulaire constitue réellement le futur.
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