Qui doit faire la police dans la capitale?
Qui doit faire la police dans la capitale?
Du 1er décembre au 31 janvier 2021, la Ville de Luxembourg a choisi de «confier à une société privée de gardiennage et de surveillance agréée une mission de présence préventive dans le quartier Gare et de la Ville Haute». Et la bourgmestre (DP) de la capitale assume ce choix. Un an tout juste après que la police grand-ducale a fait le choix de renforcer ses effectifs sur ces zones, visiblement cela ne suffit pas toujours à Lydie Polfer (DP), aux élus de la ville et aux riverains. Des habitants qui ont déjà souvent manifesté leur colère et leurs craintes.
«Lutter contre le sentiment d’insécurité urbaine et renforcer la tranquillité publique»: tels sont les deux objectifs de ce déploiement. Et la bourgmestre de la capitale a eu l'occasion d'en parler, lundi soir encore, avec le nouveau ministre de la Sécurité intérieure lors d'une ronde de nuit effectuée autour de la gare centrale. Et même si la Ville joue la carte du chacun son rôle (police d'un côté, brigade privée de l'autre), le choix exaspère le «patron» des forces de l'ordre.
Et le ministre Henri Kox (Déi Gréng) ne se prive pas de le dire: «Le ministère ne soutient pas cette initiative». Certes, l'arrivée de 30 policiers supplémentaires depuis novembre 2019, a quelque peu amélioré les choses. Mais même si le sentiment d'insécurité et le mécontentement des habitants des quartiers Gare et Bonnevoie persistent (quant à la délinquance liée au trafic de stupéfiants), rien ne justifie à ses yeux «la privatisation du service du maintien de l’ordre public».
Pour le ministre, ce travail doit demeurer «une mission exclusive de l’agent de police qui a été spécialement formé à cet effet (...) les sociétés de gardiennage privées n’étant pas habilitées à effectuer des missions de police».
Henri Kox va même jusqu'à rappeler «le principe politique et juridique le plus important en matière de sécurité au Luxembourg» : ne pas faire des agents privés de sécurité des «policiers auxiliaires». Et le ministre de rappeler que ces salariés n’ont pas été formés à la lutte contre la délinquance liée au trafic de stupéfiants, «contrairement aux agents postés dans les commissariats des quartiers concernés».
Mais aussi ferme soit le ton du représentant du gouvernement, Lydie Polfer n'entend pas changer sa décision. «Je ne travaille pas contre la police, mais bien pour. Je suis désolée de voir que leur travail n'a pas de suite en Justice, par exemple. Sur les 1.200 PV que les agents ont pu dresser à Luxembourg à peine 70 sont passés devant un magistrat. Parfois, les policiers attrapent deux ou trois fois de suite les mêmes délinquants en quelques jours. Même exclus du territoire certains reviennent quelques jours après. Cela donne un sentiment d'impunité à ces voyous, et désole population et agents».
Tacle au passage
A compter de la mi-décembre, en collaboration avec Inter-Actions, la Ville de Luxembourg mettra en place un service de prévention et de médiation. Baptisée «A vos côtés», cette action (portée par 6 personnels) aura principalement pour rôle, «d'assurer une présence visible dans le quartier de la Gare avec entre autres, l'accompagnement actif des habitants du quartier, ainsi que de jouer un rôle de médiateur».
Habile politicienne, la bourgmestre fait remarquer qu'elle n'est pas la première élue à faire ainsi appel à une société privée pour sécuriser un espace public. «Il me semble que le premier était un Vert d'ailleurs, le bourgmestre de Differdange!», tacle gentiment la députée DP. Qui insiste : «Depuis trois ans, nous faisons appel à des gardiens privés pour assurer la tranquillité dans nos parcs, et cela fonctionne sans problème. Là, la présence se veut avant tout dissuasive et la police grand-ducale sera bien évidemment appelée dès qu'un problème interviendra».
Point que tient d'ailleurs à souligner lui aussi Henri Kox : «La société de gardiennage retenue pourra se déplacer sur la voie publique, cet espace étant accessible à tous. Pas question pour elle d'effectuer des contrôles d'identité par contre». Ainsi, les seuls moyens de recours de ces agents privés «se limitent à ceux de tout citoyen lambda». A savoir :
- appeler la police lorsque l’agent de sécurité constate une infraction;
- légitime défense, comme prévue aux art. 416 et 417 du code pénal
- retenir le coupable en attendant l’arrivée de la police, lorsque l’agent de sécurité est témoin d’un crime en flagrant délit passible d’une peine.
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