Quand les pompiers luxembourgeois passent la frontière
Quand les pompiers luxembourgeois passent la frontière
Des pompiers luxembourgeois en intervention sur l'autoroute A31, en France ? Oui, c'est possible, et vous n'avez pas rêvé si vous avez assisté à cette scène. Cette situation répond tout simplement à une logique de proximité et de rapidité, et elle illustre parfaitement la coopération transfrontalière entre les secours luxembourgeois, français, belges et allemands.
Celle-ci existe depuis des décennies sur le terrain, nourrie, notamment, par des amitiés entre communes frontalières. Mais, au fil du temps, ces relations ont aussi été formalisées par des accords bilatéraux entre Etats, conséquences d'échanges réguliers entre les différents corps de pompiers mais aussi d'enseignements tirés après des accidents voire catastrophes où les opérations de secours auraient pu être encore mieux coordonnées. Par exemple l'explosion d'un camion-citerne à Martelange en 1967 ou, plus proche de nous, la collision ferroviaire de Zoufftgen en 2006.
Nous adoptons une politique volontariste pour aider nos voisins, par exemple lors des inondations en Allemagne et Belgique en 2021
Paul Schroeder, directeur général du CGDIS
«Cette coopération transfrontalière se traduit par des accords bilatéraux depuis les années 60-70 pour les catastrophes et incidents majeurs», confirme Paul Schroeder, directeur général du corps grand-ducal d'incendie et de secours (CGDIS). «C'est important pour le Luxembourg car nous sommes un petit pays, poursuit-il. Si un incident majeur se produisait, nous pourrions vite atteindre nos limites et aurions donc besoin d'être épaulé par nos voisins.»
Illustration lors de la tornade qui a secoué Pétange en 2019. «L'équipe spécialisée de sauvetage et déblaiement des pompiers de la Moselle nous a prêté main-forte, tout comme des équipes du THW (Technisches Hilfswerk, organisme de secours allemand, NDLR)», explique Paul Schroeder. «Dans l'autre sens, nous adoptons également une politique volontariste pour aider nos voisins, par exemple lors des inondations en Allemagne et Belgique en 2021.»
Etat des lieux avec la France
Avec la France, la formalisation de ces échanges a connu différentes étapes ces dernières années. La dernière version de l'accord bilatéral date de 2016, «avec comme innovation majeure la coopération pour les interventions du quotidien, et aussi des formations, stages communs». Puis, en 2019, a été conclu un accord de sécurité civile entre le Luxembourg et la zone de Défense Est (Grand Est) pour le déploiement de renforts de part et d'autre de la frontière en cas de besoin.
Et depuis le 22 février dernier, un protocole d'exécution est en vigueur entre le CGDIS et les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de Moselle et Meurthe-et-Moselle. C'est notamment dans ce cadre qu'ont été définies des zones françaises où interviennent les pompiers luxembourgeois au quotidien, car ils peuvent être sur les lieux plus rapidement.
Évidemment, le personnel des centres d'appels des secours de part et d'autre de la frontière sont formés à ce genre de situations. Peu importe, donc, le lieu de l'appel, le réseau sur lequel il est passé, et l'endroit où il atterrit, les secours seront déclenchés rapidement.
Paul Schroeder rappelle aussi qu'un autre accord bilatéral existe en matière sanitaire, qui fixe notamment le cadre pour l'intervention des ambulances du Samu. Au Luxembourg, celles-ci dépendent du CGDIS, en France de l'Agence régionale de santé (ARS). «Dans ce cas précis, nous appliquons plutôt le principe de la carence ou du renfort», résume le directeur général. C'est-à-dire que le Luxembourg n'intervient en France que si cette dernière le demande.
Avec l'Allemagne et la Belgique
Pour les catastrophes et incidents majeurs, un accord bilatéral datant de 1978 existe avec l'Allemagne. De plus, depuis février 2021, il existe un protocole entre le Luxembourg et le Land de Rhénanie-Palatinat pour l'intervention des ambulances. «Là encore, il y a des zones allemandes où nous pouvons intervenir en carence ou en renfort, par exemple à Echternacherbrück», de l'autre côté de la frontière à Echternach.
Par contre, aucun accord formel n'a encore été signé avec le Land de Sarre. «Mais cela n'empêche pas notre échelle de Remich d'intervenir régulièrement côté allemand depuis des décennies», rappelle Paul Schroeder, illustrant une nouvelle fois la prépondérance des relations quotidiennes de proximité sur tout document officiel.
Echanges avec les services départementaux en France, avec les Länder voire les autorités fédérales en Allemagne : les différences administratives entre les pays induisent des accords et des niveaux de coopération variables. «Et c'est encore différent avec la Belgique.» Mais peut-être plus simple, puisque «les décisions sont prises au niveau du Bénélux». Paul Schroeder explique aussi que la création du CGDIS en 2018 a facilité les rapports avec les pays voisins. Avant cela, la compétence se situait à l'échelon communal.
La réflexion autour de la coopération transfrontalière entre les quatre pays se poursuit aujourd'hui avec le projet Inter'Red, qui bénéficie notamment de subventions du programme européen Interreg 4A. «Différents groupes de travail sont en place. L'un d'eux travaille sur le thème ''solutions communes aux problèmes communs'', il y en a aussi un sur les relations entre les centres d'appels ou encore sur les formations.» Lors du dernier World Rescue Challenge, qui s'est déroulé récemment à Luxembourg, une équipe Inter'Red a d'ailleurs défendu les couleurs des pompiers de la Grande Région.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
