Quand le privé bâtit aussi du logement abordable
Quand le privé bâtit aussi du logement abordable
(pj avec Thomas Klein) Les prix de l'immobilier luxembourgeois vont de record en record. Une flambée encore constatée par le Statec l'an passé qui parle d'une augmentation de 16,7% des prix de l'habitat. Résultat : de plus en plus de ménages sont à la peine pour trouver un foyer qui soit dans leurs moyens. Et il ne sera pas simple de stopper ce mouvement. Même Guy Entringer, directeur de la Société Nationale des Habitations à Bon Marché (SNHBM) pronostique qu' «à l'avenir, les familles de la classe moyenne disposant d'un revenu décent auront également besoin d'aides au logement pour s'offrir une propriété».
Même si les acteurs publics du logement social, Fonds du Logement inclus, ont accéléré le rythme de construction ces dernières années, l'effort reste insuffisant. Impossible pour eux de régler seuls ce problème. Et immanquablement il faudra s'appuyer sur les promoteurs privés pour mieux répondre à la demande croissante en matière de logements abordables. Le Pacte Logement 2.0 donne des pistes pour cela, mais il est encore loin d'être acté...
Charles-Antoine de Theux, lui, a décidé de prendre les devants. Depuis 2011, celui qui dirigeait Villeroy & Boch a créé Heliosmart. Fixant comme objectif à sa société de développer des projets immobiliers qui, d'une part, soient accessibles (compris aux familles à faible revenu) et qui, par ailleurs, suivent les principes de l'économie circulaire. Et la démarche commence à prendre.
Une marge bénéficiaire plus faible
Ainsi, Heliosmart a réalisé son premier projet à Wiltz, en 2018. La commune a offert le terrain, en retour la société s'est engagée à proposer des tarifs 20% en dessous du prix du marché. D'ici fin 2022, M. de Theux prévoit de réaliser deux ou trois autres projets, notamment à Differdange et Esch-sur-Alzette. A ses yeux, preuve serait faite qu'il est possible pour un investisseur privé de réaliser des bénéfices tout en mettant à disposition des logements abordables. «D'abord, reconnaît l'investisseur, nous nous contentons d'une marge bénéficiaire plus faible. Ensuite, nous éliminons systématiquement les éléments qui n'apportent qu'un peu de confort mais font grimper les coûts de manière significative.»
Par exemple, le bâtiment de Wiltz ne dispose pas de sous-sol ou de parking souterrain. Les concepteurs ont également supprimé les espaces communs ou placé les escaliers à l'extérieur du bâtiment. «Cela permet de rationaliser l'espace et faire baisser les charges ces zones n'ayant pas besoin d'être chauffées ou nettoyées», explique Charles-Antoine de Theux.
Malgré sa motivation sociale, pas question pour l'entrepreneur de construire et vendre à perte. «Nous voulions prouver qu'il peut être économiquement viable de proposer des logements décents à des prix raisonnables, même sans subventions», dit-il. Et même si la «main publique» chère au ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng) bâtit plus, elle ne pourra colmater la pénurie « qui augmente beaucoup plus vite que l'offre». D'où cette volonté de mettre en lumière «une troisième voie». Un chemin emprunté par des promoteurs «en dehors du financement public et du marché libre avec ses rendements extrêmement élevés.»
Pour prendre une autre dimension, la démarche se cherche des investisseurs «Nos ressources étant aujourd'hui limitées, nous n'avons pas la capacité de mener huit ou dix projets en parallèle», reconnaît ainsi M. de Theux. Et d'envisager, par exemple, la constitution d'un fonds pour financer les projets de construction sociale. «Bien sûr, il doit y avoir un rendement minimum pour les investisseurs. Mais je suis certain que l'on trouvera des partenaires qui puissent se satisfaire d'un rendement dans la pierre de 3 ou 3,5 % si leur argent aide des personnes financièrement défavorisées».
Du côté de la SNHBM, Guy Entringer doute du succès de cette démarche. Pour lui, il est peu probable que les investisseurs privés soient nombreux à s'engager dans cette voie. Pas assez lucratif, même si les taux présentés sont bien largement au-dessus des taux d'épargne!
Le patron d'Heliosmart a bien entendu conscience de cette difficulté à attirer des partenaires. D'où son souhait, en parallèle, de définir une meilleure coopération entre investisseurs privés et l'État pour remédier au malaise du marché immobilier. «Cela faciliterait les choses si nous pouvions avoir un accès plus facile aux terrains. Mais nous constatons encore actuellement une certaine méfiance de la part des autorités et des communes». D'où des délais d'approbation des demandes qui pénalisent souvent les bonnes volontés.
Et de réclamer aussi une standardisation des spécificités de construction à l'échelon national. «Personne ne peut dire si une hauteur de toit à 12 ou 13 mètres est préférable aujourd'hui. Mais si c'était le même cas partout, nous pourrions utiliser les mêmes plans et matériaux dans différents projets. Pour l'instant, nous devons planifier chaque projet à partir de zéro», se lamente Charles-Antoine De Theux avant de repartir au combat.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
