Quand la parentalité constitue un motif de discrimination
Quand la parentalité constitue un motif de discrimination
En 2022, les femmes doivent-elles encore choisir entre carrière et maternité ? Selon une enquête française sur la parentalité au travail réalisée, en France, par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle en 2018, 84% d'entre elles estiment que la maternité a un impact négatif sur leur carrière. S'il n'existe pas d'étude similaire au Luxembourg, le pays ne serait pas pour autant épargné par ce que certains nomment le «délit de maternité».
En témoigne Alice. Avant la naissance de sa fille, cette responsable marketing avait «un poste clef». Mais depuis son retour de congé parental - à mi-temps - ne lui sont confiés que des «projets sans grand intérêt», regrette-t-elle avant d'ajouter que cette réduction du temps de travail ne la rend pourtant «pas moitié moins efficace».
Idées préconçues
Si elle a la sensation d'avoir été «mise au placard», la trentenaire a tout de même réussi à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ce qui n'est pas le cas de toutes. Auparavant habituée des journées à rallonge, Margaux doit désormais quitter son poste à heure fixe. Non sans susciter de commentaires au sein de son équipe.
A 18 heures pétantes, c'est donc sous les regards désapprobateurs de ses collègues, que cette avocate court en talons pour récupérer son fils de 10 mois. «La crèche ferme. Je n'ai pas le choix !», s'exclame-t-elle. Un comportement que certains interprètent comme «un manque d'investissement», regrette-t-elle avant d'ajouter que pourtant, il n'est pas rare qu'une fois son bébé couché, elle «rallume [son] ordinateur pour terminer ce [qu'elle n'a] pas eu le temps de faire pendant la journée».
Un rythme intense et «difficile à tenir» qui se heurte également aux idées préconçues de sa hiérarchie. Car bien que désormais maman, l'avocate de 34 ans n'entend pas faire une croix sur sa carrière, mais elle a bien conscience que les échelons seront désormais plus difficiles à gravir. Si elle espérait être prochainement nommée associée, on lui a «bien fait comprendre» que ce n'était pas - ou plus - dans les plans.
Des changements difficiles à accepter
Contraintes horaires, vacances scolaires, microbes et autres petits virus... Du côté des entreprises, certains ont du mal à accepter ces changements qui rythment désormais la vie des jeunes parents. Au-delà de la langue de bois et du politiquement correct, Hervé l'admet. Pour ce CEO d'une PME, située à quelques kilomètres de la capitale, ces employés-là représentent «une vraie galère». L'une de ses sept salariés doit ainsi «souvent s'absenter» pour s'occuper de son enfant. «Ça nous fait prendre du retard sur les projets», déplore-t-il avant d'ajouter que tout cela lui fait «perdre de l'argent».
Malgré les difficultés, ce chef d'entreprise ne compte pas pour autant se séparer de son employée pour des raisons «éthiques évidentes». Car la pratique reste bien évidemment «interdite», rappelle Sarah Kneib, responsable communication au sein de l'Inspection du travail et des mines (ITM).
Le harcèlement - qu'il soit sexuel, discriminatoire ou moral - est ainsi «sanctionné pénalement», précise la porte-parole. Parmi les motifs énumérés par la loi, le sexe y compris la grossesse et le congé de maternité, l'état familial ou encore l'état matrimonial. Quant aux peines, elles peuvent aller d'une amende de 251 à 3.000 euros et de 15 jours à 2 ans d'emprisonnement.
La parentalité fait partie de la vie.
Yves Baden, DRH des CFL
Dans la pratique, les sanctions se font rares. En cause, le faible taux de dénonciation. En 2021, l'ITM a reçu 27 demandes à propos de harcèlement dont... zéro concernant celles de type discriminatoire. Quant aux plaintes qui prennent forme, rares sont celles qui aboutissent. Au centre pour l'égalité de traitement (CET), sur les 245 dossiers traités l'an dernier - toutes discriminations confondues - le problème n'a pu être résolu dans près de la moitié des cas.
Les raisons ? Le désistement des victimes (22%), l'impossibilité de constater la discrimination (soit par manque de preuves, soit parce que la discrimination ne tombait pas dans le champ d’application du CET, 17%) ou encore l'interdiction d'intervenir dans des procédures judiciaires (2%).
Si de telles discriminations restent problématiques, pour certains, le sujet n'a en revanche pas lieu d'être. «La parentalité fait partie de la vie», commente ainsi Yves Baden, directeur des ressources humaines de la société nationale des chemins de fer luxembourgeois (CFL). Pour le DRH du plus gros employeur du pays, les aléas que peuvent rencontrer les employés ayant des enfants sont «des situations totalement normales, qui doivent être traitées comme telles».
Mais la normalité n'est pas toujours synonyme de facilité. Alors, pour assurer un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle à leurs employés, certaines entreprises n'hésitent pas à proposer des modèles d'organisation de travail plus adaptés, à l'image du programme «Women@CFL». Mis en place en novembre 2021, celui-ci propose un cadre de travail attrayant qui se traduit par «une plus grande flexibilité, des horaires mobiles ou encore du télétravail», détaille Yves Baden. Une démarche ciblée, bien que depuis la pandémie de Covid-19, nombreuses sont les entreprises à proposer de telles adaptations. Dont les parents n'ont pas l'apanage.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
