Promotion du luxembourgeois: concrètement, ça donne quoi?
Promotion du luxembourgeois: concrètement, ça donne quoi?
(ChB) - Huit mois après la présentation d'une stratégie pour la promotion de la langue luxembourgeoise, le projet de loi correspondant a été adopté ce mercredi par le Conseil de gouvernement et présenté à la presse ce jeudi matin.
Du moins, dans les grandes lignes. Car il fut difficile pour les journalistes d'obtenir des réponses concrètes de la part du ministre de l'Education nationale, Claude Meisch, ou du secrétaire d'Etat à la Culture, Guy Arendt.
Beaucoup de questions, peu de réponses
Le projet de loi, qui sera déposé à la Chambre des députés sous peu, veut constituer le cadre légal indispensable à la mise en oeuvre des 40 mesures de la stratégie présentée en mars.
"Nous devons disposer d'une base légale solide pour la création de certaines structures, notamment le Centre pour le luxembourgeois: trois postes budgétaires sont donc prévus pour cela, en plus du futur commissaire à la langue luxembourgeoise", précise Claude Meisch.
Ce Zenter fir d'Lëtzebuerger Sprooch se chargera de la promotion de la langue luxembourgeoise au niveau national et international. Les collaborateurs qui travaillent sur le LOD, le Lëtzebuerger Online Dictionnaire, seront intégrés à ce nouveau centre.
Le commissaire supervisera quant à lui le plan d'action et coordonnera sa mise en oeuvre, tout en s'assurant que l'offre de cours de luxembourgeois soit suffisante, aussi bien au Luxembourg qu'à l'étranger. C'est aussi lui qui suivra les réclamations au sujet de l'usage de la langue dans les services publics.
Mais tout cela étant déjà connu depuis le début d'année, on s'attendait à ce que les choses nous soient un peu plus détaillées. Quels sont les moyens financiers alloués à ce plan qui s'étale sur les 20 prochaines années? Quelles sont les modalités de nomination du futur commissaire? Quand prendra-t-il ses fonctions? Dans quels délais le nouveau centre sera-t-il opérationnel? Ces interrogations restent pour le moment sans réponse.
Meisch veut des "forums citoyens participatifs"
C'est là la seule nouveauté évoquée ce jeudi: le ministre propose des "forums citoyens participatifs" sur la langue luxembourgeoise où "tous les citoyens auront la possibilité d'exprimer leur avis", complétés par "une plateforme" en ligne.
Les résultats et conclusions de ce processus participatif seront consignés dans un "rapport citoyen" dont le commissaire "tiendra compte" dans l'élaboration de son plan. Mais là encore, beaucoup de flou entoure cette idée.
Quant aux problèmes concrets auxquels sont confrontés les citoyens au quotidien, comme par exemple le manque de personnel parlant le luxembourgeois dans les établissements hospitaliers ou encore dans le commerce, le ministre a simplement répondu que "la réalité du recrutement est ce qu'elle est", se contentant de souligner que "des formations sont souvent organisées en interne pour apprendre le luxembourgeois."
Véritable nécessité ou récupération politique?
Rappelons que Claude Meisch s'était emparé de ce sujet fin 2016, suite au record de signatures recueillies en faveur de la pétition publique n°698 qui voulait faire du luxembourgeois la première langue nationale du pays, devant l'allemand et le français.
Quelques semaines après cette mobilisation populaire, il avait déroulé tout un catalogue d'idées (40 exactement), censées sauver la langue luxembourgeoise d'un funeste destin. Ce que réfutent pourtant nombre d'experts.
Parmi eux, le sociolinguiste Fernand Fehlen, ex-enseignant-chercheur, référence pour tout ce qui concerne la société luxembourgeoise et sa situation linguistique: "Toutes les études empiriques montrent que le luxembourgeois a pris ces derniers temps de plus en plus d'importance. (...) Le luxembourgeois est davantage utilisé dans les administrations aujourd'hui qu'hier." expliquait-il au Luxemburger Wort, dans un entretien publié en octobre 2016.
"Le renforcement du luxembourgeois ne dépend pas du nombre de locuteurs mais de sa légitimité et des domaines dans lesquels il peut être utilisé", ajoutait-il, estimant que "s'il y a une langue menacée au Grand-Duché, c'est le français".
Même le Premier ministre, Xavier Bettel, avait tranché face à l'auteur de la pétition, Lucien Welter: "Le luxembourgeois n'est pas en train de mourir".
La demande de cours explose
D'ailleurs, la demande de cours pour apprendre le luxembourgeois explose. Claude Meisch le reconnaît: "Le directeur de l'Institut national des langues me confirmait récemment que la demande n'a jamais été aussi forte et qu'il faut plus de formateurs."
C'est pourquoi, au moment de présenter ce plan de promotion de la langue luxembourgeoise, dans la foulée de la pétition 698, des députés de l'opposition (principalement issus du CSV et de l'ADR) avaient soupçonné le ministre de l'Education de reprendre à son compte une initiative plus populiste que nécessaire.
Ils avaient alors dénoncé des idées loin d'être nouvelles et accusé le gouvernement de se soustraire à ses propres responsabilités à travers la création du poste de commissaire à la langue luxembourgeoise.
