Près de 30% des retours forcés ont été appliqués en 2021
Près de 30% des retours forcés ont été appliqués en 2021
(avec AFP) Mercredi 16 novembre, parents et collégiens ont rendu hommage à la petite Lola à Paris. Le corps de cette adolescente de 12 ans a été retrouvé le 14 octobre dernier dans le 19e arrondissement de la capitale française. Ce fait divers sordide n'avait pas tardé à devenir une affaire politique. L'extrême droite, Rassemblement national et le parti Reconquête d'Eric Zemmour, s'est rapidement emparée de ce meurtre en dénonçant l'incapacité du gouvernement à faire appliquer les OQTF, obligations de quitter le territoire français. Cette décision d'éloignement oblige la personne concernée à quitter la France par ses propres moyens.
La présumée coupable du meurtre de la petite Lola, une Algérienne de 24 ans, était arrivée en France en 2016 avec un titre de séjour étudiant, mais faisait entre-temps l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Elle a été mise en examen pour «meurtre» et «viol aggravé».
La droite républicaine s'en est également prise au gouvernement. «Il s'avère qu'il y avait une OQTF pour cette personne qui est la meurtrière présumée, c'est pas plus compliqué que ça de rappeler les faits. Il est légitime que des députés de l'opposition interrogent le gouvernement sur la situation irrégulière de cette ressortissante algérienne», a déclaré Pierre Cordier, député apparenté Les Républicains (LR) de la deuxième circonscription des Ardennes sur franceinfo, cinq jours après le meurtre de la fillette. Le sénateur LR Bruno Retailleau, candidat en lice à la présidence du parti début décembre, a, quant à lui, affirmé dans Valeurs actuelles que «Lola a été la victime du laisser-aller migratoire».
Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur français, le taux d'exécution de ces OQTF est en diminution constante depuis 2012. Jeudi 17 novembre, le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin a demandé aux préfets de durcir l'application des obligations de quitter le territoire français (OQTF) envers «l'ensemble» des étrangers en situation irrégulière et plus seulement «les étrangers délinquants», cibles prioritaires de son projet de loi sur l'immigration. Depuis 2020, 3.500 étrangers «constituant une menace pour l'ordre public» ont été expulsés, selon le ministère de l'Intérieur.
Qu'en est-il au Luxembourg? Selon l'article 116 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration «peut être expulsé du Grand-Duché l'étranger dont la présence constitue une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité publique ou qui réapparaît sur le territoire malgré l’interdiction d'entrée sur le territoire prononcée contre lui.» Que faut-il comprendre par «menace grave pour l'ordre public» ? Sollicité, le ministère des Affaires étrangères répond que «toute personne qui est soupçonnée ou condamnée en rapport avec un acte punissable comme délit ou crime en droit national peut être qualifiée de danger pour l’ordre public. Ces personnes doivent quitter le territoire sans délai.»
Le ministère ajoute concernant les modalités d'une telle application: «Pour l’exécution d'un retour forcé, une identification de la personne à rapatrier et l’existence de documents de voyage sont nécessaires. Le succès d’un retour forcé dépend par conséquent de la coopération de la personne concernée et des autorités du pays d’origine.»
Le cabinet de Jean Asselborn (LSAP) indique qu'en 2018 sur les 818 décisions de retour, près de 43% d'entre elles ont pu être appliquées. En 2020 avec la pandémie de covid, ce chiffre a été quasiment divisé par deux (22%). «Ces deux dernières années, nous n'avons pratiquement pas réussi à renvoyer des personnes dans différents pays comme par exemple dans ceux du Maghreb et au Nigeria, en raison de la fermeture de l'espace aérien et que les pays concernés n’ont pas délivré de documents.»
Comment le ministère explique-t-il que bien avant la pandémie, seul moins de la moitié des retours forcés parvenait à être exécuté? À cette question, le ministère livre une «liste non exhaustive de raisons possibles pour lesquelles certaines décisions n'ont pas été appliquées». « Il y a des pays pour lesquels des décisions de retour sont prises, mais où le Luxembourg ne rapatrie pas. Autre raison, les personnes censées être rapatriées ne se présentent plus et nous perdons leur trace. De plus, il est parfois impossible d'identifier les personnes, parce qu'elles n'ont pas de papiers ou parce qu'elles donnent de fausses identités. Certaines ambassades délivrent aussi rarement les papiers nécessaires. Certaines d'entre elles ont même été mises sous pression par les personnes en séjour irrégulier. Il arrive également que nous recevons des papiers, mais les personnes sont tellement opposées au retour que la compagnie aérienne ne les accepte pas dans l'avion »
En 2021, sur les 201 ressortissants en séjour irrégulier renvoyés vers un autre Etat membre de l'UE, 143 personnes étaient retournées dans un cadre volontaire et 58 étaient des renvois forcés. Les personnes qui ont opté pour le retour volontaire provenaient des pays des Balkans occidentaux, à savoir 66 personnes, de l'Irak (13), ainsi que du Brésil et du Venezuela (9).
Dans son bilan de l'année 2021 en matière d'asile, d'immigration et d'accueil, le ministère souligne que la baisse des personnes retournées se maintient sur les dernières années: «Cette diminution est en partie due au changement de profils des demandeurs de protection internationale avec comme conséquence une augmentation 26 de décisions positives en matière d'asile et à la baisse du nombre de demandes de protection internationale (DPI) de la part de ressortissants de pays d'origine sûrs.» Notons en revanche que sur l'ensemble de l'année 2021, le ministère totalise 1.250 de DPI et que ce chiffre s'élève à 1.907 pour la période de janvier à octobre 2022.
Ce bilan note également que «parmi les 58 personnes éloignées du Luxembourg dans le cadre d'un retour forcé, à savoir avec une escorte de la police jusqu'à leur arrivée au point de destination, 34 provenaient d’un pays des Balkans occidentaux».
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