«Pouvoir tester la population à grande échelle»
«Pouvoir tester la population à grande échelle»
(ER avec wel) - Dermatologue et allergologue, le professeur Markus Ollert dirige depuis 2014 le service de recherche du département des maladies infectieuses et immunitaires de l'Institut luxembourgeois de la santé (LIH). Au côté de ses collaborateurs, il travaille actuellement 24 heures sur 24 au service de la task force nationale covid-19 de «Luxembourg Research». Nos confrères du Luxemburger Wort l'ont rencontré. Interview.
Vous venez de rentrer d'Asie, comment la pandémie est-elle traitée dans cette région du monde?
Markus Ollert: «Les Asiatiques sont très disciplinés, portent des masques de protection, désinfectent consciencieusement, gardent une distance physique dans les files d'attente. Il y règne une certaine discipline. Bien sûr, ce continent a aussi plus d'expérience en matière d'épidémies de virus comme le SRAS, par exemple. L'Asie a été mieux préparée à la situation actuelle. Il est parfois incroyable de voir comment les Européens font face à la pandémie. Ils ne tiennent pas compte des annonces et ne sont pas conscients du danger qu'ils peuvent créer à cause de leur comportement.
A propos de la maladie, il a été dit que les enfants ne pouvaient pas tomber gravement malades, mais des études d'un hôpital chinois font état aujourd'hui de décès...
«Des cas individuels aux États-Unis, en Espagne, en France ou en Belgique existent. Cependant, il y a peu d'enfants qui présentent certains facteurs de risques génétiques que nous ne connaissons pas encore. Ils développent un syndrome inflammatoire grave et peuvent même en mourir. Cependant, la majorité des enfants ne présentent que peu ou pas de symptômes, tout au plus un léger rhume. Il faut également se rappeler que les Chinois ont d'abord eu des problèmes avec les tests de diagnostic, ces derniers manquaient de fiabilité.
Une étude a maintenant révélé que cinq patients gravement malades en Chine ont été traités avec le plasma de patients ayant été guéris du coronavirus. Est-ce aussi une option au Luxembourg ?
«C'est déjà planifié au CHL, le protocole de l'étude est en cours de rédaction. Nous devons mettre au point un test de neutralisation du virus pour déterminer que le plasma du donneur potentiel supprime effectivement l'infection. Nous sommes occupés à tester cela en laboratoire, il sera prêt à être utilisé la semaine prochaine. La Croix-Rouge et la banque du sang luxembourgeoise soutiennent également cette approche.
Il faut également savoir que toutes les thérapies expérimentales que nous utilisons actuellement contre le covid-19 entraîneront une pénurie de médicaments sur le marché mondial dans quelques semaines. La demande est trop élevée et la production n'est pas encore en mesure de suivre. La thérapie plasmatique constitue donc une alternative valable. Et qui plus est probablement très efficace pour les personnes gravement atteintes mais qui pourrait aussi être la seule thérapie que nous puissions proposer dans les semaines à venir.
Mais pour cela, ne faut-il pas mettre en place une campagne de tests plus large pour savoir qui développe des anticorps?
«Non, pas pour la thérapie par transfusion de plasma. Ici, nous ne testons que les personnes qui ont subi le covid-19. Notre objectif doit être de tester toute la population au cours des prochains mois et que chacun reçoive ensuite une sorte de passeport d'immunité face au coronavirus sur lequel on retrouverait les tests effectués et leurs résultats. Notre objectif est de mettre en place la procédure de tests d'anticorps dans un délai de quatre semaines, afin de pouvoir ensuite tester la population à grande échelle.
Actuellement, les personnes infectées doivent rester en quarantaine pendant deux semaines. Après cette période, elles sont virtuellement relâchées dans la nature. Mais il y a des cas qui sont toujours positifs après trois semaines de quarantaine, savez-vous pendant combien de temps une personne peut-être infectée?
«C'est une excellente question. Il s'agit d'une déclaration basée sur l'expérience et les connaissances actuelles selon lesquelles, après deux semaines, une personne infectée a développé suffisamment d'anticorps pour supprimer le virus. Toutefois, il est difficile de le prévoir pour chaque cas. Il faut conseiller à tout le monde de se tenir à distance après deux semaines de quarantaine pour être certain de ne pas infecter quelqu'un.
Normalement, on considère que vous êtes guéris ou que vous n'êtes pas porteur du virus que si vous avez effectué deux ou trois tests à 24 heures d'intervalle. Si on combine ce diagnostic avec celui d'un anticorps et qu'on constate ensuite que la personne a développé des anticorps et n'est pas porteuse du virus, elle est effectivement guérie. Nous ne pratiquons pas ces tests immunologiques actuellement car toutes nos capacités d'analyses sont concentrées en priorité pour le diagnostic des personnes gravement malades.
Existe-t-il suffisamment de tests pour détecter le virus?
«Le gouvernement luxembourgeois fait tout son possible pour que les habitants du pays disposent d'un maximum de tests de très bonne qualité. Nous avons évalué tous les tests disponibles et seuls les meilleurs tests du marché sont utilisés. En outre, plusieurs laboratoires dans le pays ont mis au point des tests de détection efficaces, ce qui nous rend indépendant des fournisseurs étrangers.
Dans combien de temps pensez-vous que le vaccin sera disponible?
«Les vaccins à base d'ARN seront probablement développés plus rapidement, mais je ne suis pas sûr qu'ils produiront l'immunité nécessaire. Je suis toujours un défenseur de la technologie classique des vaccins qui mobilisent 30 entreprises à travers le monde. Je pense qu'un vaccin pourrait être disponible début 2020 et déjà testé.
Le principe de l'immunité collective nous aide-t-il?
«En principe, oui. Selon les calculs, l'épidémie est contenue si 60% d'un groupe est immunisé, simplement parce que la probabilité que le virus rencontre une personne non immunisée est réduite. Cela peut se faire par infection naturelle ou par vaccination. Mais c'est un dilemme majeur, d'autant plus que nous ne savons pas qui sera alors gravement malade. Sur un groupe de 20, 30 jeunes, ce sera probablement le cas pour l'un d'entre eux. Ce que Boris Johnson ou même les Suédois ont proposé est éthiquement très discutable. Cette approche aurait été complètement rejetée il y a quelques années pour d'autres maladies.»
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