Pourquoi le Parquet réclame 30 ans de prison pour l'ex-policier
Pourquoi le Parquet réclame 30 ans de prison pour l'ex-policier
Elle est convaincue que le policier, âgé de 22 ans à l'époque, a tué intentionnellement l'automobiliste de 51 ans qui semblait vouloir se soustraire à un contrôle, a déclaré la représentante du ministère public sans ambiguïté mercredi lors de son réquisitoire dans le procès de l'intervention mortelle de la police le 11 avril 2018.
Dans un premier temps, de nombreux éléments laissaient penser à un acte de légitime défense, mais même à l'époque, elle avait déjà constaté sur les lieux du crime qu'il y avait des éléments qui ne correspondaient pas aux faits. Par exemple, des traces de freinage du véhicule sous le capot de la voiture de police, qui laissaient supposer que la voiture de service avait été déplacée après les tirs pour modifier l'image de la scène de crime.
Le fantasme de tuer
Ensuite, on a appris le comportement du tireur en service ainsi que pendant et après le crime. Et lorsque les conclusions de la police scientifique et les expertises psychiatriques sont venues s'ajouter à ces premiers éléments, le vent a définitivement tourné. L'ensemble de la scène aurait indiqué que le policier de l'époque, M., avait l'intention de tuer.
La représentante du Parquet ne veut cependant pas être mal comprise : «Il ne s'agit pas de traîner devant la chambre criminelle un fonctionnaire maladroit qui aurait justement réagi de manière totalement disproportionnée et erronée», souligne-t-elle. «Et il ne s'agit pas non plus de dire que les policiers ne doivent plus oser utiliser leur arme de service». Non, il s'agit ici d'autre chose, selon elle.
Je suis convaincue que M. nourrissait déjà le fantasme de tuer un homme. Avec l'uniforme est ensuite venue l'arme et avec l'arme, après huit mois de service, l'occasion.
Représentante du ministère public
«Je suis convaincue que M. nourrissait déjà le fantasme de tuer un homme avant d'entrer dans la police», affirme-t-elle. «Avec l'uniforme est ensuite venue l'arme et avec l'arme, après huit mois de service, l'occasion».
La légitime défense se réfère à une situation dans laquelle on n'a plus d'autre choix pour se défendre contre une agression. L'homicide involontaire implique de tuer quelqu'un volontairement. Il est clair qu'aucun policier n'a mérité de se faire écraser. Mais dans ce cas, le policier avait bel et bien la possibilité de se mettre en sécurité.
Pas de permis de tuer
Et même si le cas où un automobiliste fonce sur un policier est explicitement prévu par la loi, il ne s'agit pas pour autant d'un «permis de tuer». Pour tirer, il faut une nécessité absolue. Or, dans ce cas, tirer sur la voiture ou le conducteur est totalement inefficace.
Si un fonctionnaire avait complètement perdu ses moyens dans une telle situation, le parquet aurait traité l'affaire différemment, souligne l'accusatrice. Or, ce n'est pas ainsi que les faits se sont déroulés.
L'accusé a agi de manière totalement contrôlée, selon elle, et a pris plaisir à faire du mal aux autres. En psychiatrie, lorsque les gens souffrent de leur situation, on parle de pathologie. Si les gens ne souffrent pas de leurs tendances, on parle de perversion. C'est ce que les experts psychiatriques ont conclu pour M.. Il serait un voyeur en matière de violence et aurait des tendances sadiques.
«En outre, il ne montre aucune empathie», poursuit l'accusatrice. «Ni pour ses collègues, ni pour la victime.» Chez le juge d'instruction, il aurait précisé qu'il se reprochait bien des choses, mais uniquement parce qu'il était parti en patrouille ce jour-là, et non parce qu'il avait tiré. Lorsqu'on lui a demandé comment il allait, il a répondu «mal» parce qu'il avait dû travailler à l'intérieur après les tirs.
Dr. Jekyll et Mr. Hyde
Il correspond au personnage de l'histoire du «Dr Jekyll et Mr Hyde». Le Dr Jekyll est le fonctionnaire zélé et ordonné sur lequel les supérieurs peuvent compter. Le sinistre Mr Hyde se manifeste lorsqu'il pousse ses collègues à la soumission et dirige ainsi tout le commissariat. Il s'agit de sa personnalité perverse.
Le premier scénario présenté par l'expert, qui place M. dans une zone de danger imminent, convient certainement à la défense. Mais M. aurait délibérément choisi cette zone de danger. Et il est éloquent de constater que les témoins lui attribuent un certain sang-froid dans cette situation. Il aurait tiré trois fois de manière contrôlée, dans une situation où n'importe quel être humain aurait sauté sur le côté. Il avait en outre la place pour se mettre en sécurité.
«Une exécution ciblée»
«La nécessité absolue de tirer découle d'une situation dans laquelle rien d'autre n'est possible», constate l'accusatrice. «Ici, l'action des agents lors du contrôle du véhicule n'était déjà pas opportune. Et il était encore moins opportun de tirer à tout prix. Il s'agissait en l'occurrence d'une exécution ciblée».
La prévention d'homicide involontaire doit donc être retenue, selon le Parquet. La loi prévoit des peines de prison à vie pour cette prévention. Mais il y a aussi des circonstances atténuantes. Par exemple, le fait que ce genre de situation n'est pas enseignée à l'école de police. Sur la question de la légitime défense, la formation des agents n'est pas bonne. Mais même pour cette circonstance atténuante, il y a des réserves : «Il a utilisé ce qu'il a appris à l'école pour mettre en œuvre son plan morbide.»
Pas d'antécédents judiciaires
En outre, la hiérarchie aurait toujours laissé faire M. et il n'y aurait jamais eu de conséquences. «Pour le ministère public, ce qui s'est passé au commissariat de Bonnevoie est effrayant. Et plus encore le fait que ses agissements au sein du service semblent avoir arrangé ses supérieurs.»
M. n'a pas d'antécédents judiciaires et est encore jeune. C'est pourquoi une peine de prison à vie n'est pas envisageable. Une peine de 30 ans de prison serait adaptée aux faits, selon le Parquet. La question d'une éventuelle libération conditionnelle est difficile. «Le fait que l'accusé représente un danger est un fil rouge dans le dossier», dit-elle, ajoutant : «Ce n'est pas comme s'il pouvait se débarrasser de ses fantasmes du jour au lendemain». C'est pourquoi il devrait y avoir, si tant est qu'il y ait un sursis, une mise à l'épreuve partielle.
Ce jeudi après-midi, le procès se terminera par les répliques de l'accusation et de la défense ainsi que par le dernier mot de l'accusé.
Cet article a été publié pour la première fois sur wort.lu/de
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