Possible de trouver un vaccin d'ici fin 2020
Possible de trouver un vaccin d'ici fin 2020
(pj avec Annette Welsch) Infectiologue pour les Hôpitaux Robert Schuman, le Dr Gérard Schockmel a passé dix ans à faire des recherches sur les virus. Après les laboratoires des universités d'Oxford et Genève, le scientifique a travaillé pendant plusieurs années dans l'industrie pharmaceutique et biotechnologique.
Des scientifiques chinois ont réussi à séquencer le génome du virus Sars-CoV-2 en janvier. Depuis, des recherches sont en cours pour trouver un vaccin. Quand sera-t-il prêt ?
Gérard Schockmel : «D'ici la fin de l'année, un vaccin pourrait être produit. Mais je pense que plusieurs vaccins seront nécessaires. Ils devront être produits selon des approches différentes pour répondre aux besoins individuels des personnes et des groupes à risque ainsi que pour satisfaire la demande mondiale de vaccins.
La mise au point d'un vaccin demande de longs développements. Comment le vaccin contre le covid-19 pourrait-il être trouvé aussi vite?
«Il est vrai qu'il faut souvent compter plus de dix ans pour développer un vaccin nouveau. Mais pour le premier vaccin contre le virus Ebola, cinq ans ont suffi. Développer un vaccin en un an ferait en effet sensation. Il y a au moins six bonnes raisons pour lesquelles le développement accéléré de vaccins est possible ici. Tout d'abord, certaines des nouvelles technologies vaccinales permettent d'accélérer le développement des souches, et donc de savoir plus vite si les scientifiques ont visé juste ou non.
Quels sont les autres axes qui vous rendent optimiste sur ce délai?
«La lutte contre cette nouvelle forme de coronavirus pourrait bénéficier de l'expérience acquise avec les vaccins Sars chez les animaux. Tout comme les connaissances acquises sur Ebola ou Mers. Par ailleurs, les autorités sanitaires sont prêtes à autoriser des procédures de développement accélérées, à condition qu'elles répondent aux exigences de sécurité et d'efficacité bien entendu. L'évaluation et l'approbation des vaccins pourraient donc se produire plus rapidement.
De nombreux laboratoires tentent de développer leur vaccin actuellement. Cela augmente les chances de certains de parvenir à un résultat satisfaisant. Sans parler de la coordination mondiale sans précédent entre les nations, les instituts publics, les entreprises, les universités et les organisations philanthropiques pour faire progresser le développement des vaccins. Là encore, cela permet d'accélérer les connaissances. Enfin, des dizaines de milliards de dollars seront disponibles à court terme pour le développement de vaccins, cela peut encourager certains à trouver le bon remède.
Ne serait-il pas dangereux de mettre un vaccin sur le marché aussi vite ?
«Les aspects de sécurité sont extrêmement importants. Avant son lancement, il faudra s'assurer que le vaccin ne provoque aucun effet secondaire indésirable et en aucun cas le vaccin ne doit entraîner une augmentation des signes de maladie si la personne vaccinée est ensuite infectée par ce virus. Pour exclure ces effets, quatre paramètres en particulier doivent être pris en compte lors du développement du vaccin. Tout d'abord, la réponse immunitaire au vaccin doit être correcte. Cela se voit aux signaux moléculaires circulant dans le sang du receveur.
Deuxièmement, aucun dommage ne doit se produire sur les tissus. Troisièmement, les protéines virales doivent avoir un alignement tridimensionnel correct. Quatrièmement, le vaccin doit conduire à la formation d'anticorps qui inhibent le virus. C'est seulement dans le cas où toutes ces conditions sont remplies que le vaccin entraînera une réponse immunitaire ciblée et que des réactions excessives pourront être exclues.
Lors des expérimentations sur les animaux, il est important que le vaccin soit testé sur différentes espèces et que différentes souches de virus soient testées. Lors des essais cliniques, il est capital de s'assurer que le vaccin est testé sur un nombre suffisant de personnes et que les tests ne sont pas effectués uniquement sur de jeunes volontaires en bonne santé, par exemple.
Les autorités réglementaires (comme l'American Food and Drug Association), ne se contentent pas d'examiner les rapports d'étude finaux, elles exigent toutes les données brutes pour les analyser via leurs propres experts. Aussi, je suis fermement convaincu qu'aucun vaccin ne sera approuvé prématurément, sans avoir été examiné en profondeur.
Et si l'on ne trouvait pas la bonne formule avant deux ans...
«On pourrait alors supposer que le covid-19 continue à se propager jusqu'à ce qu'une majeure partie de la population mondiale soit infectée. Après, le virus circulera en permanence. Les personnes qui auront développé une immunité au virus pourraient ne pas être totalement protégées contre la réinfection, mais cela ne devrait entraîner généralement que des symptômes mineurs.
Un exemple de ce scénario concerne le coronavirus OC43, saisonnier et qui a été transmis pour la première fois du bétail à l'homme en 1889. À cette époque, la pandémie a fait un million de morts. Cent trente ans plus tard, ce même virus ne provoque plus que des rhumes légers!
Les firmes pharmaceutiques n'envisageraient de produire "que" 100 millions de doses vaccinales par an. Si l'on estime que 16 milliards de doses sont la quantité nécessaire dans le monde, voilà qui parait bien insuffisant
«Il faudra très probablement plusieurs vaccins pour répondre à la demande mondiale. Les pays riches pourront alors soutenir les plus pauvres en leur donnant le droit de produire des vaccins. Des pays comme l'Inde peuvent alors produire les vaccins localement et donc à très bas prix et en grande quantité, comme les médicaments génériques. Les pays riches devraient certainement, comme ils l'ont fait dans le passé, donner gratuitement des millions de vaccins aux pays pauvres.
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