Plus que deux ans avant de rouler sur la Lune
Plus que deux ans avant de rouler sur la Lune
(avec Sibila LIND) Il fait neuf degrés dans le hall d'essais occupé par Ispace. A peine de quoi faire grelotter Federico Giusto, ingénieur en systèmes spatiaux. Pour lui, ce qui compte c'est comment le robot qui évolue face à lui se comportera quand les températures oscilleront entre +100 et -100°C. «Car c'est ce qui l'attend là-haut», pointe du doigt l'ingénieur. Au bout de son doigt, à 385.000 km de la rue d'Alsace à Luxembourg-ville, la Lune. En 2023, c'est à la surface du satellite naturel que le rover «made in Luxembourg» fera ses premiers tours de roue.
Des années qu'installés dans l'incubateur Paul-Wurth Inc, les ingénieurs et techniciens de la start-up s'activent à créer le rover idéal. Il y a déjà eu Hakuto, voilà son petit frère. Compact, petit mais taillé pour l'aventure spatiale. Et Federico Giusto de défendre le prototype développé au Grand-Duché : «C'est ici que toute la recherche et la conception se fait. Et chaque détail compte si l'on veut assurer la mission qui nous a été confiée.» Pas question en effet de ne pas être à la hauteur du client ; la NASA en personne.
Ainsi en décembre dernier, l'agence spatiale américaine a-t-elle retenu Ispace Japan et Luxembourg pour contribuer à son programme Artemis. Autrement dit préparer le retour des humains. La branche asiatique est chargée de l'atterrisseur qui se posera sur la Lune, non loin du ''Lacus Somniorum'' (ou lac des rêves)» ; la branche européenne se charge du robot guidable qui sera, lui, chargé de récupérer des échantillons minéraux.
C'est pourquoi, depuis plus de quatre ans, c'est sur un terrain de jeu de 8x8m que les ingénieurs se pressent quand ils ne cogitent pas devant leurs ordinateurs. «Ce Lunar Yard est le terrain d'entraînement du robot, et nous y analysons chacune de ses réactions. Face à un obstacle, dans une pente, sur un sol sableux ou jonchés de cailloux, rochers. Tous les problèmes doivent être pensés ici et solutionnés pour ne pas avoir lieu là-haut».
C'est aussi au Luxembourg que le robot trouve sa forme, son allure, sa ligne... et son poids. «Plus il sera léger et résistant plus nous serons satisfaits.» D'abord parce que chaque gramme (ou centimètre) compte. «Plus vous pesez, plus vous coûtez cher à embarquer et moins vous êtes facile à manipuler».
Ensuite, l'appareil devra être dur au mal une fois sur la Lune. En effet, le rover y évoluera en milieu hostile. Températures, mais aussi reliefs, radiations, poussières, faible gravité, manque de ravitaillement : l'environnement n'aura rien de favorable.
Aussi, les concepteurs recherchent les matériaux et les technologies les mieux adaptés. Où placer au mieux les panneaux solaires par rapport à l'inclinaison du soleil. A quelle allure avancer pour ne pas épuiser les batteries trop rapidement? Quels outils adoptés pour collecter les échantillons. «Je pense que d'ici un an, nous saurons s'il sera équipé d'une pince, ou s'il raclera la surface, ou s'il creusera à la façon d'un mini-bulldozer», avance Federico Giusto qui, comme ses collègues, sait que le temps est maintenant compté.
Un petit tour de roues, un grand pas pour l'humanité
L'électronique embarquée doit aussi être ultra-performante. Non seulement pour recevoir les ordres de guidage, depuis Tokyo. Mais aussi pour transmettre toutes les analyses du rover vers le lander; le vaisseau servant d'antenne géante pour relayer ensuite les datas vers la Terre. «Là, il faut compter 2,56'' de temps de transmission pour que cela arrive ici». Cette fois, le doigt pointe vers le sol. Car c'est bien sur la planète bleue qu'arriveront les milliers d'informations rassemblées durant le lointain périple du robot.
Des données précieuses sur la composition du sol, la présence d'éléments favorables à la vie juste à un endroit précis. Pile là où la Nasa, en 2024, compte faire marcher deux spationautes, dont la première femme à poser le pied là sur ce sol foulé pour la première fois, en 1969, par Neil Armstrong.
«Clairement, au-delà de la conception du robot, la part excitante du travail consiste à savoir que tu fais en quelque sorte partie de l'histoire de la conquête de l'espace. Car les données collectées par le rover serviront d'une manière ou d'une autre à permettre une installation plus ou moins durable sur la Lune. Et dire que tout ça est parti de là, du Luxembourg...», s'enthousiasme Federico Giusto.
Il est vrai que, depuis plusieurs années, le pays a décidé de booster ses soutiens au domaine spatial. Que ce soit via la création de sa propre agence, qu'en tissant des liens avec d'autres partenaires publics comme privés. Ispace, comme d'autres start-up ont ainsi trouvé au Grand-Duché un environnement intéressant. Non seulement d'un point de vue financier, mais aussi technologique. «Parce qu'avec toutes ces entreprises ou ces universitaires qui recherchent dans le même domaine, tu peux échanger et donc aller plus vite». Un peu l'image de ces vaisseaux qui voient leur vitesse s'accélérer en bénéficiant d'une orbite favorable. Une bonne étoile en quelque sorte.
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