Plus de 300 réfugiés à la mosquée de Mamer
Plus de 300 réfugiés à la mosquée de Mamer
Par Virginie Orlandi
La communauté musulmane a célébré l'Aïd al-Adha à la mosquée de Mamer avec plus de 300 réfugiés syriens. Un moment de partage et de fête pour des gens qui ne connaissaient plus que la guerre.
La fête de l'Aïd al-Adha est un moment spirituel fort dans le calendrier liturgique musulman qui marque la fin du Hajj, le pèlerinage à la Mecque, et durant lequel on sacrifie un mouton. Cette fête est une célébration annuelle qui commémore Abraham qui était prêt à perdre son fils mais qui s'est vu offrir un mouton par Dieu pour honorer sa parole et en récompense de sa foi.
Cette fête du Sacrifice, de nombreux Syriens ne l'ont plus célébrée depuis de longues années et celle qui s'est déroulée ce dimanche autour de la mosquée de Mamer est un grand moment de partage pour eux.
Soumia et Hiba sont belles-soeurs et sont arrivées au Luxembourg il y a quelques semaines après un périple qui a duré plus de deux ans et qui leur a fait traverser chacune de leur côté et accompagnées de leur famille respective de nombreux pays avant d'arriver au Luxembourg. Alors, cette fête de l'Aïd al-Kabîr a une saveur toute particulière:
"En 5 ans, c'est notre première fête où nous sommes tous réunis, la dernière fois que nous avons célébré l'Aïd, c'était sous les bombes et en pleine guerre à Homs", explique Soumia, mère de quatre enfants et qui vit maintenant à Michelau avec sa famille.
"Nous nous sentons enfin en sécurité et intégrés au sein d'une communauté qui nous accueille en un jour de fête important pour nous mais aussi dans un pays qui respecte nos croyances et ne nous demande pas de changer ou d'enlever notre voile", poursuit sa belle-soeur, Hiba.
Les deux femmes parlent uniquement le syrien et c'est le jeune Omar, 16 ans et arrivé au Luxembourg en avril 2014 parmi une trentaine d'autres réfugiés, qui leur sert la plupart du temps de traducteur auprès de l'école ou du médecin. Le jeune garçon fréquente le lycée technique de Lallange et se déplace le plus souvent possible auprès des deux familles nouvellement arrivées pour les aider dans leurs démarches car les seuls endroits où elles bénéficient de l'aide d'un traducteur, c'est lorsqu'elles se rendent auprès du ministère ou de l'OLAI.
Réunir les familles à un seul et même endroit
Ce dimanche après-midi, la grande joie pour ces familles syriennes, au-delà du fait de fêter ensemble l'Aïd, est d'être réunies:
"Les familles sont dispersées un peu partout dans le pays", explique Yolande Hannane de l'association syrienne au Luxembourg, un des organisateurs de la fête, "et c'est parfois anxiogène pour elles. Ils viennent de vivre des mois voire des années sans rien, séparés des leurs et se retrouver ici avec sa famille à quelques kilomètres mais sans pouvoir la voir est parfois mal vécu par certains"
Soumia raconte qu'elle a fait la traversée entre la Libye et l'Italie sur une barque et qu'elle et ses quatre enfants ont failli se noyer trois fois:
Nous devons la vie au fait que le barque qui naviguait juste devant nous a coulé et que les secours n'ayant rien pu faire pour les autres, nous ont pris, nous...
Des souvenirs douloureux qui effacent quelques secondes le sourire de la jeune femme avant qu'elle ajoute: "Mais aujourd'hui, nous sommes là et j'ai l'impression de revivre".
Les premières demandes
Yolande Hannane est d'origine syrienne et parle parfaitement la langue mais elle ne peut servir d'interprète auprès du ministère, ni entrer vraiment en contact avec les Syriens qui viennent d'arriver dans le pays: "L'OLAI ne veut plus que les associations entrent en contact avec les réfugiés car de nombreuses informations fausses leur ont été données et le ministère veut éviter cela. Aujourd'hui, c'est un peu particulier car ce sont les réfugiés qui sont sortis de leurs foyers pour venir ici mais, habituellement, ce sont surtout ceux qui sont là depuis des mois que nous rencontrons".
Pourtant, il existe un vrai besoin puisque ces familles ne savent pas parler une autre langue que la leur.
"Nous comprenons la position de l'OLAI", poursuit Yolande Hannane, "les premières demandes des réfugiés concernent le temps qui va s'écouler avant qu'ils reçoivent leur carte de séjour, la protection internationale. C'est de leur sentiment de sécurité dont il s'agit et leur donner des informations erronées n'aident personne".
Cependant, une autre demande émane très souvent des réfugiés syriens à leur arrivée au Luxembourg, celle de se rendre dans une mosquée.
Quand donner est aussi grand que recevoir
La mosquée de Mamer fête cette année ses 31 ans d'existence, "une mosquée internationale" comme le précise Halil Ahmetspahic, son imam, qui a vu dans cette fête de l'Aïd un moyen de mettre en oeuvre les préceptes de sa religion: "La fête du Sacrifice a différentes fonctions au sein de la communauté musulmane, elle nous permet de nous rapprocher de Dieu, de nos familles mais aussi de la société. De plus, le mouton que nous sacrifions doit être partagé en priorité avec les démunis puis avec nos voisins et nos familles. Partager aujourd'hui avec des réfugiés donne tout son sens à l'Aïd".
En tout, plus de 300 réfugiés ont été conduits par les personnes de la communauté musulmane à la mosquée de Mamer: "Nous sommes allés les chercher en bus et en voiture dans leurs foyers ou tout simplement à la gare, aux arrêts de bus", explique Faruk Licina du Centre culturel islamique du Grand-Duché, partie prenante de l'organisation avec l'association syrienne, celle du Juste Milieu et des professionnels musulmans, "En plus des personnes de notre communauté, nous devons bien être près de 600 aujourd'hui."
Et pour nourrir tout le monde 15 moutons ont été sacrifiés et de nombreuses personnes ont préparé des gâteaux: "Aujourd'hui, notre communauté a beaucoup de travail", poursuit l'imam, "Ainsi est l'esprit de l'Aïd: c'est un jour unique, celui de la solidarité envers ceux qui ont dû fuir leur pays. La roue tourne: moi aussi, je suis passé par le chemin de l'exil et maintenant, c'est à mon tour de les accueillir".
Halil Ahmetspahic est Bosniaque et a fui son pays en guerre, il est arrivé au Luxembourg en 1998 et a perdu son frère pendant le conflit.
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