Passerell garde le cap, mais reste en sursis
Passerell garde le cap, mais reste en sursis
Pour rappel, il manquait 60.000 euros au total pour assurer la pérennité de l'asbl telle qu'elle avait toujours fonctionné. Même si l'objectif n'est pas complètement atteint, c'est bien une virgule et non un point final qu’elle va pouvoir ajouter à la suite de ses combats grâce aux dons récoltés tout au long de l’été.
«Nous tenons à adresser nos plus sincères remerciements à toutes les personnes qui se sont mobilisées ces dernières semaines. Jamais en six ans d’existence, Passerell n’avait soulevé autant de dons privés en si peu de temps, et pour cela, toute l’équipe est extrêmement reconnaissante», indique Catherine Warin, présidente de Passerell.
Cependant, son équipe a annoncé ce mardi par voie de communiqué qu’elle se voit à l’avenir contrainte de stopper une grande partie de son activité de soutien aux demandeurs, bénéficiaires et déboutés de la protection internationale pour connaitre et faire valoir leurs droits. Et ce pour une raison: pour pouvoir continuer ses missions auprès des demandeurs d’asile, Passerell n’est pas en mesure de conserver la totalité des effectifs, composés de trois chargées de projets à temps plein et d’un interprète à temps partiel.
Bientôt plus qu’une seule personne à la manœuvre
À compter d’octobre, c’est donc la chargée de projets Marion Dubois qui assurera seule la supervision quotidienne des missions de l’absl. Dont la teneur va être redéfinie avec le conseil d’administration en termes de faisabilité et d’effectivité.
Contactée par la rédaction, la chargée de projets précise que l'équipe encore en place a déjà «grandement diminué les rendez-vous avec les bénéficiaires. Initialement, nous recevions dans nos locaux quatre à cinq personnes par jour, quatre jours par semaine. Depuis juin nous accueillons moins de monde, et depuis quelques semaines, il ne s’agit plus que d’une demi-journée de permanence».
Toutefois, Marion Dubois révèle que l’une des pistes étudiées pour pouvoir continuer à assister le plus de personnes possible serait d’entamer des «discussions avec les partenaires pour effectuer des permanences rémunérées chez eux».
Sans un appui des ministères compétents, que notre équipe sollicite depuis plusieurs années, le maintien des activités sur le moyen et long terme est loin d’être assuré.
Passerell asbl
Une solution qui souligne à nouveau l’urgence la plus prenante, celle d’obtenir un «soutien public afin de pérenniser les missions de Passerell. Sans un appui des ministères compétents, que notre équipe sollicite depuis plusieurs années, le maintien des activités sur le moyen et long terme est loin d’être assuré».
Le communiqué précise d’ailleurs que des demandes d’entretien ont été adressées à cette fin aux ministres Jean Asselborn et Sam Tanson, opérant respectivement au ministère des Affaires étrangères et à la Justice. À ce jour, l’association est encore dans l’attente d’une date pour une éventuelle rencontre.
Jusqu'ici, le soutien du ministère des Affaires étrangères a été «symbolique». «Ils nous ont accordé un subside de 4.200 euros. C’est une somme dont nous sommes reconnaissants, mais la demande initiale était d’être financé à hauteur d’un poste et demi.»
Ouvrir le débat sur l’engagement des pouvoirs publics
Dans l’attente d’un retour positif des membres du gouvernement, Passerell a également tenu à rappeler que ses difficultés actuelles s’inscrivaient dans un débat bien plus large: celui de l’engagement des pouvoirs publics à l’égard des organisations non gouvernementales œuvrant pour le respect des droits humains.
En témoigne la réponse parlementaire des deux ministères concernés à la question du député de l’opposition Paul Galles (CSV) sur le financement de ce type d’association. «Ni le ministère de la Justice, ni le ministère des Affaires étrangères ne subventionnent à grande échelle des organismes actifs dans la défense des droits humains.»
La légitimité de Passerell est reconnue à l’international, pour preuve, nous avons récemment été consulté par le GREVIO* dans le cadre de sa visite prévue cette année au Luxembourg pour l’automne.
Marion Dubois, chargée de projets, Passerell
Un non-sens pour l’association qui considère que «dans un État qui siège désormais au Conseil des droits de l’homme des Nations unies et qui affiche son ambition de soutenir les organisations qui œuvrent pour le respect des droits fondamentaux, cela questionne aujourd’hui sur l’engagement réel des pouvoirs publics à soutenir ces organisations.»
Un point d'honneur à rester indépendants
L’occasion de remettre sur la table la demande de dialogue et de financement réclamée par une trentaine d’acteurs de la société civile par le biais d’une lettre ouverte publiée le 3 août.
«Être financé par l’État devrait pouvoir être possible, tout en pouvant contester ou pointer ce qui peut-être améliorable en matière de droit d’asile au Grand-Duché. Nous devons pouvoir rester indépendants même si nous étions financés. La légitimité de Passerell est reconnue à l’international, pour preuve, nous avons récemment été consulté par le GREVIO* dans le cadre de sa visite prévue cette année au Luxembourg pour l’automne.»
Enfin, la chargée de projets insiste également sur la nécessité d’arrêter d’opposer ou d’apposer le travail des avocats et celui des associations en la matière.
«Tout avocat dépend de l’assistance judiciaire qui comprend un quota d’heures bien défini pour se rémunérer lorsqu’il prend en charge un bénéficiaire. Notre travail à nous, qui repose sur beaucoup d’écoute et sur le conseil, permet d’optimiser les demandes. Nous sommes complémentaires, mais bel et bien dissociés! J’espère que nous parviendrons à maintenir et faire évoluer le dialogue avec le gouvernement, mais aussi à susciter l'attention du grand public, peut-être grâce à des débats ouverts lors des prochaines législatives.»
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