«Nous devons changer notre vision sur le logement»
«Nous devons changer notre vision sur le logement»
Alors que les associations de défense de l'accès au logement dénoncent le manque d'action politique, la critique émane aussi de la part de la Chambre immobilière. Pour son président, Jean-Paul Scheuren, seule une coopération avec le secteur privé permettra de répondre à la demande croissante de logements.
Le Premier ministre devrait annoncer, mardi, des changements dans la fiscalité pour lutter contre la crise du logement. En l'occurrence une révision de la taxe foncière et un durcissement du taux d'amortissement accéléré. Avec quels effets selon vous?
Jean-Paul Scheuren - «Il faudra bien évidemment attendre d'avoir les annonces précises, mais ce n'est pas la première fois que des changements sur la fiscalité interviennent. Notamment en ce qui concerne le taux d'amortissement accéléré, déjà modifié dans le budget 2021. Le risque en réduisant encore une fois ce taux consiste à voir diminuer l'offre de location, dans un marché déjà sous tension. Si l'objectif est de rendre accessible des logements à d'autres personnes que des investisseurs, d'autres approches devraient être activées.
Taxer plus fortement les propriétaires de terrains constructibles non bâtis en fait-il partie selon vous ?
«Uniquement à condition de changer l'approche qui consiste à dire qu'il faut traiter différemment la personne qui possède un terrain de celle qui en a 100. Nous affrontons une crise du logement, l'Etat doit donc dire aux propriétaires qu'il a besoin de leurs terrains et de trouver des formules pour permettre d'effectivement les viabiliser. A ce stade, je ne sais pas si l'impôt foncier permettra d'arriver à ce résultat ou si des exceptions verront encore une fois le jour.
L'Etat ne possède que 15% des terrains constructibles disponibles. Comment faire pour que d'autres acteurs se mobilisent dans ces conditions ?
«Cela doit reposer sur deux niveaux. D'une part parvenir à faire que les communes adoptent les nouveaux plans d'aménagement généraux (PAG) pour fixer une fois pour toutes les zones qui ont été définies comme habitables pour effectivement bâtir dessus. De l'autre, il faut parvenir à débloquer tous les dossiers de logements locatifs à coût modéré. Et donc mettre en place des formules où cette question est traitée en étroite collaboration avec le secteur privé. Car si les principaux producteurs du secteur ne sont pas impliqués pour faciliter l'accès au logement, notre société aura vraiment d'importantes difficultés à trouver de la cohésion sociale.
Qu'est-ce que cette crise du logement dit de la société luxembourgeoise actuelle ?
«Le mythe selon lequel tout un chacun est ou sera en capacité d'acheter son logement n'existe pas. Et ce, depuis 20 ans. Arrêtons de faire semblant. Cette crise montre que nous devons changer notre vision sur le logement et ne pas inciter tout le monde à tenter d'acquérir son logement. Car sinon certains risquent de se retrouver en position délicate pendant 20 ou 30 ans. Il faut donc que des solutions alternatives soient développées pour permettre un accès non plus à la propriété, mais au logement.
Et donc, développer le logement à coût modéré...
«Exact. Mais pour y parvenir, l'Etat ne doit pas vendre ses terrains. Même dans le cadre de baux emphytéotiques avec droit de rachat. Tout ceci est une arnaque qui repose sur un modèle économique qui ne tient pas la route. Je ne crois pas du tout à la politique de la main publique, car seul le privé a la capacité de réaction nécessaire pour produire le volume nécessaire. Les plus grands promoteurs produisent jusqu'à 600 logements par an chacun là où la SNHBM arrive, après d'importants efforts, à en livrer 200. Arrêtons avec les solutions idéologiques qui n'aboutissent qu'à une forme d'amateurisme et impliquons les professionnels.
C'est ce qui est prévu dans le pacte logement 2.0, nouvelle loi très décriée. Cela ne va-t-il pas assez loin selon vous ?
«Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi la mesure de compensation prévue dans ce texte n'est pas appliquée au niveau des plans d'aménagement généraux des communes, ce qui permettrait de construire un étage supplémentaire sur des bâtiments - et donc de créer de nouveaux logements qui seraient alors réservés au logement abordable - sans que la charge foncière n'évolue et sans créer de plus-value liée à l'ajout de cette surface. Donc oui, la question de la densité doit être résolue. Car au final, il va bien falloir trouver des solutions pour résoudre les problèmes créés par une très mauvaise politique du logement au cours des 30 dernières années...»
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