«Miser sur l'Ethiopie» pour un retour à la normale en Érythrée
«Miser sur l'Ethiopie» pour un retour à la normale en Érythrée
Le retour de la paix entre Ethiopie et Erythrée n'a pas tari le flux des jeunes Erythréens qui depuis des années cherchent des conditions de vie meilleures en Ethiopie d'abord, en Europe ensuite.
Au Luxembourg ainsi, les Erythréens forment désormais le contingent le plus important des demandeurs de protection internationale – 392 demandeurs (17,8 %) en 2018, devant 227 demandeurs (10,3 %) en provenance de Syrie. Ils ont ainsi ont vu leur population doublée en sept ans sur le territoire luxembourgeois.
Les Européens sont divisés sur la situation réelle dans la région, certains responsables politiques tentant d’enjoliver les conditions de vie de la population civile pour justifier un renvoi des réfugiés dans leur pays.
Face à ces tergiversations, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn s'est rendu dans la région pour examiner les conditions de vie de part et d'autre de la frontière et s'entretenir avec ses homologues ainsi qu'avec la présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde.
Jean Asselborn a visité ainsi le camp de Hitsats géré par l'administration éthiopienne avec le soutien du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Ce dispositif au nord d'Addis Abeba est le plus récent de tous les camps accueillant des réfugiés érythréens dans l'Etat régional du Tigré.
L'Europe doit «soutenir le processus de réconciliation entre l'Ethiopie et l'Erythrée»
Plus de 15.000 personnes y sont actuellement enregistrées – Jean Asselborn souligne que 44% des réfugiés ont moins de 18 ans, et que les enfants dans les camps sont particulièrement nombreux. Le ministre a également visité un centre d'enregistrement et de réception à Endabaguna – «un camp qui était prévu pour l'accueil temporaire de 20.000 réfugiés, mais dont la population, après un afflux massif de nouveaux arrivants l'année dernière, déborde de loin désormais les capacités».
Le constat de Jean Asselborn: «un effort remarquable de la part des autorités éthiopiennes, qui dans ce pays très pauvre encore font preuve d'une volonté de partage qui doit être exemplaire pour un observateur européen». Il s'agit maintenant pour l'Europe de «soutenir le processus de réconciliation entre l'Ethiopie et l'Erythrée», dans cette région où «il y a un an encore on tirait sur quiconque, qui tentait de passer la frontière».
Le Premier ministre Abiy Ahmed est, selon Jean Asselborn, l'homme d'une normalisation possible, qui par sa volonté de réformes pourrait contribuer au progrès économique et à l'arrivée de nouveaux investisseurs.
Comment comprendre l'afflux de réfugiés en provenance du pays voisin, où le chef de la diplomatie luxembourgeoise a rencontré son homologue érythréen? Jean Asselborn n'ignore pas le rapport sur l'Erythrée publié en juin 2018 par les Nations unies, qui signale de nombreuses exactions et violations des droits de l'Homme dans ce pays de six millions d'habitants: esclavagisme, viols et abus sexuels, incarcérations arbitraires, disparitions, assassinats.
«Une forme d'esclavagisme»
Jean Asselborn insiste sur la question du service militaire imposé aux jeunes Erythréens, qui théoriquement est d'une durée de 18 mois mais qui de facto est illimité – «une forme d'esclavagisme étatique caché», selon le ministre, qui a relevé d'ailleurs l'animosité que les critiques – et les sanctions – onusiennes ont suscité chez ses interlocuteurs.
C'est cette animosité qu'il s'agit désormais de lever, non par une pression frontale mais par «une approche diplomatique avisée, et en comptant sur le voisin éthiopien sur la voie d'une normalisation qui à moyen terme s'étende à l'ensemble de la région».
La visite de Jean Asselborn a été mise à profit pour examiner les opportunités de renforcer les relations bilatérales entre l'Ethiopie et le Luxembourg, sur le plan économique notamment.
La préparation d'une convention de non double imposition et la coopération en matière de services aériens ont été abordées à Addis Abeba, de même que la disponibilité du Luxembourg à fournir des formations en matière de services financiers.
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