Michel Barnier au Luxembourg: «La clarté doit avoir lieu au Royaume-Uni»
«C'est jamais sans aucune agressivité, sans aucun esprit de revanche et encore moins esprit de punition que nous avons engagé cette négociation il y a dix-huit mois», a posé d'emblée, Michel Barnier, ce lundi au moment d'entamer la conférence de presse à l'issue de son entrevue, au ministère d'Etat à Luxembourg, avec le Premier ministre Xavier Bettel.
Alors que le temps presse et que l'impasse d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord s'assombrit, les deux hommes ont remis les pendules des détracteurs à l'heure. «Le Brexit n'est pas notre choix, c'est le choix des Britanniques. Dire que s'il y a un no deal, c'est de la faute des Européens, c'est ne pas connaître l'histoire» a haussé Xavier Bettel le ton.
Avant de reposer clairement la chronologie des choses: «Nous n'avons jamais poussé à un Brexit. Nous n'avons jamais demandé qu'il y en ait un. Cela a été le choix du gouvernement britannique d'organiser un référendum. Cela a été un choix que l'on respecte le vote des électeurs britanniques et on ne peut pas dire, aujourd'hui, que la responsabilité est du côté de l'Union européenne. La responsabilité a commencé à Londres et est encore aujourd'hui à Londres. Et le fait de vouloir trouver un deal est du côté de Londres».
«Il faut que quelque chose bouge du côté britannique, c'est la clarté ou le mouvement qui doit avoir lieu au Royaume-Uni», a formulé avec ses mots mesurés Michel Barnier. Ce lundi soir il sera à Bruxelles pour retrouver le ministre britannique chargé du Brexit, Stephen Barclay. Objectif: «trouver une solution» et «répéter les conditions de l'Union» mais surtout «écouter ce que le secrétaire d'Etat aura à nous dire s'agissant des arrangements alternatifs souhaités par le Royaume-Uni».
«Un retrait ordonné vaut bien mieux qu'un retrait désordonné»
L'UE est bien disposée à mener de nouvelles discussions pour sortir de l'impasse actuelle «mais nous ne le ferons pas en rouvrant l'accord de retrait qui n'est pas ouvert à une quelconque négociation», surligne Michel Barnier. En revanche, la déclaration politique, elle, peut être ajustée. Michel Barnier va surtout évaluer l'«intérêt de mener du côté britannique, un éventuel changement sur la déclaration politique» qui fixe le cadre de la future relation entre UE et Royaume-Uni.
Et il ouvre grandes les portes: «Si le Royaume-Uni se montre plus ambitieux dans ses relations à venir avec l'UE, nous sommes immédiatement prêts à être également immédiatement plus ambitieux».
Fait est que le temps presse. Dans 46 jours précisément, le Royaume-Uni quittera l'Union européenne. Rappelant que «cette date de la fin mars 2019 avait été choisie par Teresa May elle-même, en mars 2017», Michel Barnier martèle son message: «L'accord de retrait tel que nous l'avons agréé avec le gouvernement de Teresa May, et non contre le gouvernement en novembre dernier, et qui inclut le backstop est et reste le meilleur moyen d'assurer un retrait ordonné du Royaume-Uni. Un retrait ordonné qui vaut bien plus et bien mieux qu'un retrait désordonné».
«Ce dont il s'agit, c'est le marché unique»
Reste en suspens l'épineuse question entre Londres et Bruxelles du filet de sécurité irlandais, le fameux backstop. Concrètement l'accord trouvé garantit pour l'Union, la préservation de ses principes fondateurs mais «reflète aussi les exigences du Royaume-Uni, notamment sur la création d'un territoire douanier unique. Ce n'est pas notre vision de la future relation avec le Royaume-Uni», souligne le négociateur du Brexit pour l'UE.
Et il précise immédiatement: «Ce dont il s'agit, c'est le marché unique. S'il n'y a pas de frontière en Irlande, comme nous le souhaitons, tout produit, tout animal vivant qui rentre en Irlande du Nord, rentre au Luxembourg, en France ou en Pologne. Automatiquement puisqu'il entre sans contrôle dans le marché unique. C'est ça qui n'est pas possible.»
Xavier Bettel, estime pour sa part que «rien n'est perdu, il reste encore du temps pour éviter le no deal et trouver une solution». Et il répète bien qu'à l'issue de cette sortie «il n'y aura aucun vainqueur. Le Brexit ne produira que des perdants et en cas de no deal nous serons encore plus perdants des deux côtés de la Manche».
Interrogé sur la lettre envoyée par Jeremy Corbyn, chef de l'opposition travailliste, à la Première ministre britannique dans laquelle il précise que son parti soutiendrait l'accord de divorce à condition que le pays reste dans l'union douanière, Michel Barnier avoue «avoir trouvé la lettre de M. Corbyn intéressante sur le ton et dans le fond».
