Les visiteurs gagnent du temps en prison
Les visiteurs gagnent du temps en prison
«On ne va pas tout le temps se cacher derrière le virus!» C'est peu dire que l'ombudsman n'a guère apprécié la façon dont ont été traités les détenus au fil des mois de gestion de la crise covid. «La prison est une sanction lourde qui prive de liberté, là on en est venu à piétiner ce qui relève des droits de l'homme», ne manque pas de souligner Claudia Monti quand est évoquée la question des visites aux quelque 550 prisonniers actuellement incarcérés.
C'est que face à la menace épidémique, les centres de détention se sont refermés sur eux-mêmes. Et ce n'est que bien timidement que le «retour à la normalité» qui se produit au-dehors se concrétise derrière les miradors. Certes, les prisons n'en sont plus à organiser des séances via Skype pour permettre aux condamnés de communiquer avec leurs proches comme cela a pu être le cas. Les visites sont à nouveau autorisées, mais dans quelles conditions?
En août dernier, l'association Eran, eros an... lau avait ainsi dénoncé les choix du ministère de la Justice. Toujours pas de possibilité d'obtenir un droit de visite hors de la présence d'un surveillant, des visites ayant lieu en salle commune sans aucune intimité et, surtout limitées à une demi-heure. Trente petites minutes pour tenter de rétablir un contact avec un ami, un proche, un parent. «C'était notoirement insuffisant», tape du poing celle qui exerce aussi la fonction de ''contrôleuse externe des lieux privatifs de liberté''.
Déjà en présentant son rapport 2020, Claudia Monti avait critiqué cette sévérité. Et de s'en expliquer : «Je comprends les craintes sanitaires mais la situation ne peut pas durer au-delà de l'absolue nécessité sanitaire. Les détenus n'en peuvent plus de cette limitation et des contraintes liées à la situation. Car il y a encore peu d'activités en commun qui ont repris, des quarantaines imposées à ceux qui reçoivent une visite, etc. Cela fait monter la pression là où le calme permet à chacun de mieux vivre ses journées, les prisonniers comme les gardiens».
Des conditions qui ont aussi heurté le CSV, le parti chrétien-social demandant spécialement la tenue d'une réunion de la commission Justice à la Chambre. Un échange qui a eu lieu, mercredi, et auquel a participé la ministre Sam Tanson (Déi Gréng). «Il fallait qu'elle entende les critiques et les justifications des uns et des autres à demander plus de souplesse», commente le député Léon Gloden (CSV). Le parlementaire reconnaissant que «même si le ton a parfois été ferme», des avancées ont pu être obtenues.
A commencer par le doublement du temps de visite. Les hôtes auront maintenant une heure pleine et entière pour échanger. «Il ne faut pas négliger l'importance de ces rencontres, pointe Claudia Monti. Garder ce lien avec l'extérieur, avec les siens, c'est un premier pas vers la réintégration. Cela permet de garder des relations affectives, amicales, c'est considérable.» Plus que les conversations échangées, l'ombudsman note combien ces instants sont aussi importants pour le moral des détenus. «Beaucoup puisent dans ces rendez-vous la force, le courage de rentrer dans le rang, de suivre une cure, mais aussi de prendre soin d'eux-mêmes en cellule.»
Pour l'heure, la ministre de la Justice n'a pas spécifié quand l'allongement des visites serait effectif. «Le plus tôt possible, avant novembre», plaident d'une même voix la contrôleuse et Gregory Fonseca d'Eran, eraus ... an elo.
De son côté, Léon Gloden se satisfait de voir que les prisons adopteront, demain, les mêmes modalités sanitaires que les écoles : les condamnés ayant eu contact avec du public ayant la possibilité de se faire tester régulièrement. «En lieu et place d'un placement en quarantaine qui isolait la personne et contraignait à mobiliser des cellules, c'est tout de même mieux.» Les visiteurs, eux, devront toujours montrer patte blanche à l'entrée, suivant le protocole CovidCheck tel que pratiqué un peu partout.
Reste toutefois encore un point sensible à régler : la question des visites hors gardien. Elles n'ont plus été autorisées, sous prétexte qu'à l'abri des regards des surveillants, il n'y aurait pas eu de respect des gestes barrières et donc risque de contagion dans un contexte favorable à la survenue de cluster covid. «Maintenant, il est temps de relâcher la bride sur ce point. Certes la vaccination des détenus est loin d'être au top, mais la gestion sanitaire a bien progressé», estime Claudia Monti. A voir de quel côté la balance bénéfice-risque sanitaire de la justice va pencher maintenant.
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