Les véhicules autonomes prêts à démarrer
Les véhicules autonomes prêts à démarrer
Les véhicules autonomes, autrement dit sans personne au volant, font déjà partie de notre quotidien. L'exemple le plus connu reste le City Shuttle. Dans la capitale, cette navette assure la liaison sur 1,2 km entre l'ascenseur du Pfaffenthal et le funiculaire menant au Kirchberg. Mais bientôt plusieurs autres voitures et moyens de transport en commun sans chauffeur à bord vont être mis en circulation.
«L'intérêt des expérimentations va être double : aider à développer une nouvelle forme de mobilité mais aussi diversifier des pistes de développement économique et de recherche», note celui qui accompagne les trois projets mis en place au Luxembourg, Jean Schiltz. Et pour le deputy director Smart mobility, du ministère de l'Economie, 2020 s'annonce comme une année charnière. Après des mois à mettre au point les conditions administratives, techniques et pratiques de circulation des engins-tests, voilà les véhicules prêts à partir à la conquête du réseau routier.
Déjà en avril 2019, depuis Schengen, des voitures connectées, autonomes à la conduite téléopérée à distance avaient démarré pour une phase d'essais. Un test mené sur le Grand-Duché et les régions voisines de Sarre allemande et de Lorraine française. «Ces prochains mois, dans le cadre du projet 5G-Croco, d’autres véhicules – dont certains téléopérés – circuleront entre les trois pays, déjà pour voir si le passage d'un réseau à l'autre n'entrave pas la bonne marche du véhicule, mais aussi pour démontrer des capacités d'anticipation étendues», commente Jean Schiltz.
La 5G... avant la 5G
Ainsi, parer aux collisions, se défaire des pièges de la circulation (brusque freinage, priorités, etc) ou encore définir un itinéraire en cas de déviation constitueront quelques-unes des missions à valider par ce véhicule transfrontalier. «En accumulant les kilomètres, l'engin permettra aussi de générer une cartographie haute définition de certains parcours. Car pour être parfaitement efficace mieux vaut que ces véhicules autonomes aient une vision anticipative parfaite des voies qui s'ouvrent à eux.»
Pour l'opération 5G-Croco, un budget de 17 millions d'euros a été mobilisé par l'Union européenne. Et avant qu'en milieu d'année, le véhicule expérimental ne démarre, il a été fait appel à divers opérateurs pour installer sur la zone-test les relais 5G indispensables. «L'attribution des fréquences et le déploiement des relais n'ayant pas encore été réalisés au Grand-Duché, il aura fallu anticiper la venue de cette technologie d'avenir. L'initiative a donc fait appel à plusieurs partenaires technologiques comme Nokia, Huawei et Ericsson pour mettre en place les relais» indique le représentant du ministère de l'Economie.
Depuis plusieurs semaines, le programme Terminal accumule déjà les kilomètres. Il s'agit là encore d'un projet transfrontalier de bus autonome. Oui, un bus. Déjà, une expérience positive a été tentée entre la ville de Creutzwald et la zone industrielle voisine d'Überherrn, juste quelques kilomètres effectués à cheval sur la frontière entre la France et Allemagne, en Moselle Est. «Une deuxième route entre le Luxembourg et la France va être retenue pour un nouveau suivi», indique le deputy director.
Il ne s'agit pas là de voir si une navette sans pilote peut assurer des allers-retours entre deux points mais aussi de voir si cette solution peut s'adapter à un usage à la demande. «Imaginez: vous commandez un mini-bus, il vient vous rejoindre et vous transporte là où vous le souhaitez...»
Aujourd'hui, un rêve, demain peut-être une réalité. Le Fonds européen de développement régional (auquel participe le Grand-Duché) a en tout cas misé pour 3 millions d'euros dans cette opération. «Il s'agirait d'une opportunité de transport public vraiment intéressante que ce soit sur des parcours habituels, type autoroute, mais aussi pour des secteurs moins desservis par les réseaux d'autocars», note Jean Schiltz.
Enfin, cette année encore, le Grand-Duché servira de piste d'essai pour l'opération L3 Pilot. Le pays, comme neuf autres Etats, s'est porté volontaire pour ouvrir son réseau routier à des véhicules où nul humain ne vient prendre le contrôle du véhicule. Cent engins sont ainsi testés en ville comme en milieu rural, pour rouler sur des petits chemins comme en situation d'aide au stationnement sur de grands parkings.
Car, à l'avenir, le véhicule autonome ne sera pas uniquement un moyen de déplacement. Il s'agira d'un accessoire aussi bien capable de vous déposer devant votre porte puis de rentrer au garage seul, d'aller récupérer des commissions à un drive, prendre les enfants à l'école et revenir à la maison, vous délivre de toute concentration de pilotage en cas de bouchons, etc. «Ce sera également une formidable piste de développement économique», envisage-t-on surtout au ministère de l'Economie.
Ronger son frein
En étant pionnier dans le domaine dit de «l'automotive», le Luxembourg entend tirer profit, demain, de son avance dans les véhicules autonomes. En termes de facilitation de la mobilité certes, mais aussi en termes d'emplois et d'activité. Une philosophie qui rejoint le projet Rifkin pour le Luxembourg de «troisième révolution industrielle», dont le gouvernement a fait sa feuille de route.
Le secteur industriel a déjà pris les devants en se lançant dans la construction d'un Automotive Campus, à Bissen. «Le pays compte d'ailleurs quelques acteurs prometteurs des mobilités émergentes, comme Oply, Ufodrive, Ujet, Motion-S ou Moovee mais nous pourrions faire mieux encore», encourage Jean Schiltz.
Seul bémol: la durée d'expérimentation et de validation de ces nouvelles applications en lien avec la circulation. «Au fil des années, chacun s'aperçoit que ce n'est pas si facile. La promesse technologique ne perd rien de son attrait, l'ambition est là mais il faudra se montrer un peu patient.» Ronger son frein donc.
