Les rues cyclables suscitent la critique
Les rues cyclables suscitent la critique
(tb avec Steve Remesch) Depuis la réforme du Code de la route en 2018, les rues cyclables sont un fameux sujet de discussion au Luxembourg - mais un sujet qui s'accompagne de bien des malentendus. La Ville de Luxembourg a introduit sept nouvelles rues cyclables à la mi-mars, portant ainsi leur nombre à dix dans la capitale. Les responsables parlent d'un projet pilote qui a fait ses preuves.
La rue cyclable sous le feu de la critique
Toutefois, les critiques ne viennent pas seulement des automobilistes, qui sont gênés par les nouvelles interdictions vis-à-vis des cyclistes, mais aussi de ceux qui sont censés profiter des nouvelles rues cyclables : les cyclistes eux-mêmes. Le problème n'est alors pas tant le principe de la rue cyclable que sa mise en œuvre pratique.
Selon les critiques, la Ville s'est en effet contentée de remplir les exigences minimales pour une rue cyclable. C'est pourquoi plusieurs de ces rues cyclables n'apporteraient pas aux cyclistes davantage de sécurité, et ne conduiraient pas à la modération du trafic espérée. Tandis que les responsables de la mobilité de la Ville examinent de près les développements ultérieurs et souhaitent, le cas échéant, apporter des améliorations, la rue cyclable semble rester un concept inconnu dans le reste du pays.
Bettembourg, Fentange et Ettelbruck
En effet, en dehors de Luxembourg-Ville, il n'existe à ce jour - pour autant que l'on sache - qu'une seule rue cyclable à Fentange. Et le conseil communal d'Ettelbruck a décidé à l'unanimité fin février d'introduire une rue cyclable. Les deux villes poursuivent un objectif différent : à Fentange, il s'agissait d'enjamber la piste cyclable PC1 du parc d'Hesperange en direction de Kockelscheuer à l'intérieur de la ville.
A Ettelbruck, la future piste cyclable vise à créer un nouvel axe central pour les cyclistes entre la gare et le lycée. Cette piste cyclable fait en outre partie d'un concept global de réseau communal de pistes cyclables qui doit être mis en place.
Mais les choses bougent aussi un peu ailleurs : vendredi dernier, le conseil communal de Bettembourg a également approuvé une demande de création d'une piste cyclable dans la rue de Livange. Cette rue résidentielle tranquille mène au pont ferroviaire du Saut-de-Mouton, où un nouveau tronçon de la piste cyclable PC6 passe par un tunnel pour rejoindre le côté est des voies et Livange. Cela comble alors un vide dans la piste cyclable nationale qui, sinon, contourne Bettembourg hors agglomération. En outre, la nouvelle piste cyclable express en direction de la capitale débutera prochainement au bout de la rue de Livange.
Il y a certainement d'autres communes qui réfléchissent à des pistes cyclables. Mais elles n'ont pas encore été abordées publiquement. Le ministère de la Mobilité réfléchit également à la question de savoir où il serait judicieux d'encourager les communes à créer des pistes cyclables dans les quartiers déjà traversés par des pistes cyclables nationales. Cela n'améliore pas nécessairement la qualité du réseau de pistes cyclables, mais lui confère une plus grande visibilité.
Conseil du ministère de la Mobilité
La marge de manœuvre du ministère de la Mobilité est de toute façon limitée. Lorsque des communes décident d'attribuer une rue cyclable, il incombe uniquement au service compétent du ministère de vérifier la conformité du règlement de circulation correspondant avec le Code de la route. En outre, les collaborateurs examinent si des directives clairement définies dans l'intérêt public n'ont pas été négligées lors de la planification.
Toutefois, le ministère de la Mobilité dispose également d'une cellule de conseil spéciale qui accompagne les communes dans la planification d'infrastructures cyclables en leur apportant son expertise et son expérience.
«Ettelbruck et Hesperange l'ont fait en amont», explique David Tron de la cellule de planification des transports du ministère. «Ettelbruck a un projet clairvoyant dans les tuyaux, qui aboutira un jour à une piste cyclable bien conçue», poursuit-il. La piste cyclable, qu'il pourrait être intéressant d'étendre plus tard jusqu'à l'hôpital par exemple, n'est qu'une partie du concept global qu'Ettelbruck veut se donner.
La collaboration avec la commune de Hesperange a également été productive. «Il est clair que nous ne remplaçons pas un bureau d'études et que nous ne dessinons pas de plans», confirme David Tron. «Mais si une commune nous demande conseil, nous sommes très heureux de l'aider».
Les recommandations sont adaptées
Les pistes cyclables sont encore un terrain inconnu au Luxembourg, mais il est question de se baser sur les premières expériences et de réfléchir à adapter les recommandations existantes, que le ministère remet aux communes.
«Notre fiche d'information date de l'époque où le Code de la route prévoyait des pistes cyclables exclusivement pour les voies où seuls les riverains et les fournisseurs étaient autorisés à circuler», explique le planificateur des transports David Tron. «Mais cela limitait considérablement les possibilités dans la pratique et excluait d'emblée certaines mesures en fait judicieuses». Les rues cyclables n'ont été introduites dans la loi sur les transports qu'en 2018. En 2020, la clause relative aux riverains a été supprimée.
Néanmoins, il est indéniable que moins il y a de trafic motorisé dans une rue, mieux celle-ci fonctionne en tant que rue cyclable. «Même si nous ne voulons pas imposer de mesures précises aux communes, nous allons sans doute adapter nos recommandations sur ce point, en nous basant sur les premières expériences», conclut David Tron.
Un tapis rouge pour le vélo
«Des recommandations révisées seront également émises pour les éléments d'aménagement», explique-t-il encore. «Il devrait y en avoir plus que ce que nous avons recommandé jusqu'à présent. Les rues cyclables doivent se distinguer plus clairement des autres rues».
Une possibilité à cet égard est déjà prévue dans un paquet relativement varié d'amendements à la loi sur les transports, qui a déjà été envoyé en décembre dernier sur le chemin de l'instance. Si les modifications de la loi entrent en vigueur, la chaussée pourra être marquée en rouge sur une grande surface aux endroits où un potentiel de conflits entre automobilistes et cyclistes est prévisible.
De cette manière, la présence de cyclistes sera mise en évidence et les automobilistes seront invités à être plus attentifs. «Cela a déjà été fait de temps en temps, mais ce n'était pas prévu dans le Code de la route», explique David Tron. «Il est évident que les usagers d'une rue cyclable doivent bien voir qu'ils ne se trouvent pas sur une route normale».
Les pistes cyclables ne sont pas une fin en soi
Mais il ne faut pas perdre de vue une chose : «Une rue cyclable se caractérise par le fait que le trafic motorisé ne peut pas y dépasser un cycliste, que la vitesse y est limitée à 30 km/h et que les cyclistes peuvent rouler à deux côte à côte», souligne David Tron. «Tout cela est important. Mais, la véritable philosophie derrière les rues cyclables est de rendre un axe principal reconnaissable pour les cyclistes». Il doit se distinguer clairement des autres rues des quartiers résidentiels.
«Lorsqu'un cycliste entre dans un village, il arrive dans une rue située en zone 30 qui est bien adaptée pour l'amener rapidement au centre, où il y a à nouveau des pistes cyclables séparées du reste du trafic et sécurisées», illustre David Tron. «La rue cyclable est alors un lien utile entre deux infrastructures cyclables sûres.»
Val Ste-Croix et rue des Trévires
C'est à cette idée de base que répondent notamment les deux nouvelles pistes cyclables de la capitale qui ont suscité de nombreuses critiques : le Val Ste-Croix et la rue des Trévires. L'idée de liaison est également à l'origine du fait qu'aux Pays-Bas, les pistes cyclables et les rues cyclables sont intégralement recouvertes d'un revêtement rouge identique. La rue cyclable est le prolongement de la piste cyclable.
Néanmoins, il n'est que partiellement pertinent de comparer la Fietsstraat néerlandaise à la rue cyclable luxembourgeoise. Le contexte historique est en effet que les premières rues cyclables néerlandaises étaient d'abord de simples pistes cyclables, sur lesquelles la voiture a ensuite été tolérée. Au Luxembourg, la rue cyclable accorde au cycliste certains privilèges par rapport à l'automobiliste sur une route existante, pour sa sécurité et son confort.
De toute façon, les rues cyclables ne sont pas en soi une solution miracle pour des déplacements à vélo en toute sécurité. Il est peu judicieux de se limiter à requalifier des voies de circulation existantes en rues cyclables sans adapter l'environnement à cette nouvelle fonction. Si l'on veut transformer une rue de passage en rue cyclable, il faut prendre en parallèle d'autres mesures de modération du trafic. Les experts sont unanimes sur ce point.
Dans la ville de Luxembourg - comme à Bettembourg -, le choix a été fait d'introduire de manière ponctuelle certaines rues cyclables, comme phase de test en quelque sorte. Néanmoins, même à la direction de la mobilité de la capitale, on est conscient qu'il est plus judicieux de revoir l'organisation du trafic de quartiers entiers, dont la rue cyclable peut être un aspect partiel, à côté d'autres moyens comme les filtres modaux. Ce grand changement de mentalité est imminent, mais il prend du temps, dit-on. C'est pourquoi il est important de prendre des mesures immédiates, ce que l'on fait actuellement, notamment avec les sept nouvelles rues cyclables.
Il ne fait aucun doute que plus les cyclistes sont nombreux à emprunter une rue cyclable, mieux elle fonctionne. Mais les cyclistes qui se retrouvent coincés dans les embouteillages ou qui ne se sentent pas en sécurité en raison de la situation routière chercheront un autre chemin. Les planificateurs de la circulation et les décideurs politiques devraient en être conscients.
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