Les robots d'OpenLux percent les secrets de la Place
Les robots d'OpenLux percent les secrets de la Place
Pas de fuite, pas d'informateur mystérieux ou de rendez-vous secret. Tout ce que révélera aujourd'hui et les jours prochains l'enquête OpenLux était là, sous nos yeux. Ou plus exactement à l'abri dans des centres de données informatiques. C'est ainsi sur l’exploitation de données publiques que se fonde le travail des journalistes du Monde, du Soir et de divers journaux internationaux. Des données que le gouvernement aura lui-même mises en ligne donc, et qui témoigneraient à l'entendre de sa volonté de transparence sur les activités de la Place.
Sauf que tout n'est pas si simple et limpide. Et il aura fallu plus de quatre ans d'investigations pour qu'à nouveau des zones d'ombre de l'activité financière au Luxembourg soient pointées du doigt. Au fil du temps, il a non seulement fallu compiler des millions d'informations sur les sociétés, leur supposée activité et l'identité de leur détenteur mais surtout mettre ces données avec d'autres. Pas simple quand il s'agit de vérifier les déclarations faites autour de 124.000 entreprises détenues a priori par des propriétaires originaires de quelque 150 pays différents.
Dans leur enquête, les journalistes auront bénéficié de ce qu'ils saluent comme l'«indéniable démarche de transparence financière» engagée par le Grand-Duché. Un pas en avant louable, mais dont les enquêteurs ont vite vu quelques limites à contourner. Et l'informatique a alors été d'un grand secours, les logiciels traitant des millions de données comme aucun individu n'aurait pu le faire. Piochant dans le Registre de commerce des sociétés, croisant les informations avec celles du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE).
Toutes les informations étaient effectivement libres d'accès, mais pas forcément en open data facile à mettre en parallèle les unes avec les autres. «Nous avons économisé quelques années de travail en recourant à un script informatique qui a simulé le comportement de milliers d’internautes qui auraient navigué anonymement pendant un an sur l’intégralité des pages du LBR (Luxembourg Business Register)», indiquent les «Décodeurs», le groupe d'enquêteurs.
Résultat, rien que sur le Registre de commerce, les bots (robots) sont allés collecter et aspirer plus de 3,3 millions de documents. «Soit 1,3 téraoctet de données.»
A force de recroisements, OpenLux a permis déjà de repérer quelques manques dans la tenue même des registres pourtant obligatoires pour chaque entreprise enregistrée au Luxembourg. Quand le gouvernement annonce que le RBE est complet à près de 90%, l'enquête affirme qu'il n'en est rien. De nombreuses inscriptions étant incomplètes : «68.000 entités (sur 124.000 inscrites) n'ont ainsi aucun propriétaire» à en croire leur déclaration. Pire, 26.000 sociétés basées pourtant au Grand-Duché n'ont pas pris la peine de se déclarer. Et difficile de croire à un simple oubli...
Reste qu'après les programmes informatiques et l'étape du « scraping de données », les humains ont pris le relais. Et ce qu'OpenLux promet de mettre sur la place publique n'aurait rien de reluisant pour le «coffre-fort de l'Europe». Dans de prochains articles, il pourrait être question de dissimulation de fonds douteux au Luxembourg. De l'argent sale, «suspecté de provenir d'activités criminelles ou lié à des criminels». La mafia italienne et la pègre russe partageant le même goût pour la discrétion de la Place.
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