Les raisons du retard au décollage de Discovery
Les raisons du retard au décollage de Discovery
Lancé en grande pompe fin mars dans l'espoir de trouver un traitement pour lutter contre le covid-19, l'essai clinique Discovery n'a pas encore livré de résultats probants. Menée en Europe sous l'égide de l'Inserm et du consortium REACTing, cette étude devait pourtant fournir ses premières réponses fin avril, période où la pandémie était encore virulente sur le Vieux Continent. Sauf qu'un mois plus tard, les scientifiques restent muets.
«L'absence de résultat est tout à fait normale surtout dans le cadre de la recherche clinique, cela prend du temps et c'est un domaine complexe», tempère Thérèse Staub. Pour la responsable du service des maladies infectieuses du CHL impliquée dans l'étude européenne, le faible nombre de patients intégrés dans cet essai constitue l'un des maillons faibles recensés à ce jour. Car si l'essai clinique devait porter sur 3.200 patients, seules 756 personnes ont été officiellement incluses à ce jour. Dont une au Luxembourg. Soit moins d'un quart de l'échantillon attendu. «C'est trop peu pour pouvoir établir une première tendance», confirme la spécialiste.
Si initialement une dizaine de pays dont l'Allemagne, la Belgique ou la France avaient annoncé leur participation, seul un nombre limité d'entre eux sont passés aux travaux pratiques. La faute notamment aux procédures d'autorisation nécessaires au lancement d'un tel protocole de recherche. «Au Luxembourg, cela prend généralement trois mois, entre l'avis du comité d'éthique, l'accord de l'hôpital mais aussi celui du ministère de la Santé. Mais après un mois, tout était en ordre», rappelle le professeur Staub qui regrette notamment qu'une telle rapidité administrative ne soit pas réalité dans certains Etats de l'UE.
A cette réalité bureaucratique viennent s'ajouter d'autres facteurs plus scientifiques pour expliquer la laborieuse mise en route de l'étude Discovery. D'abord, le pic de la pandémie est passé en Europe. L'épicentre s'est déplacé, en ce mois de mai vers le continent américain et plus particulièrement au Brésil. Au Luxembourg, les derniers chiffres publiés par le ministère de la Santé sont plus qu'encourageants avec une diminution flagrante du nombre d'hospitalisations mais aussi d'infections. A ce jour, cinq personnes sont en soins intensifs au Grand-Duché.
Autre blocage identifié, le protocole particulièrement strict du test clinique qui nuit à son efficacité. «Seuls les patients qui sont à l'hôpital et qui présentent de sérieux déficits en oxygène entrent en ligne de compte», note encore la spécialiste du CHL. Et cette dernière d'ajouter que «les personnes qui souffrent de problèmes au niveau des reins ou du foie sont d'office exclues car il s'agit de médicaments toxiques».
Pour rappel, Discovery vise à vérifier l'efficacité de quatre médicaments dans le traitement contre le covid-19 dont le fameux l'hydroxychloroquine, dérivé de l'antipaludéen chloroquine. L'Organisation mondiale de la santé a d'ailleurs suspendu provisoirement ses essais cliniques après une nouvelle étude évoquant des risques de décès accrus. Les malades intégrés à l'étude doivent donc être séparés en quatre groupes, auxquels il faut ajouter un groupe de contrôle.
Les experts de Discovery estiment qu'il faudrait au moins 600 personnes par médicament pour évaluer ou non un bénéfice. «Avec 100 patients par traitement, nous pouvons établir l'évolution des effets secondaires mais on ne peut pas encore parler d'efficacité. C'est pour cette raison que l'évaluation se fait à 15, 28 voire 90 jours», précise le médecin chef.
«Si un des traitements se montre efficace, nous le verrons très vite mais jusqu'à présent ce n'est pas encore le cas», indique-t-elle tout en avouant qu'il faudra encore se montrer patient avant d'avoir une première tendance mais ce ne sera «pas avant la fin de l'été». Ironie de l'histoire, seule la seconde vague tant redoutée par les scientifiques pourrait donc relancer le processus d'essais cliniques de grande ampleur. Une hypothèse non d'actualité selon les dernières informations livrées par Paulette Lenert (LSAP), ministre de la Santé.
Au final, la mise en place laborieuse de Discovery, qui a reçu une autorisation pour trois ans, aura au moins fait avancer la création d'une plateforme médicale européenne. Un réseau auquel est intégré le Luxembourg et qui devrait montrer toute son efficacité au moment de tester de nouveaux médicaments.
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