Changer d'édition

Les médicaments sont-ils trop chers au Luxembourg ?
Luxembourg 7 min. 28.07.2022 Cet article est archivé
Ouverture du marché

Les médicaments sont-ils trop chers au Luxembourg ?

Les pharmacies luxembourgeoises emploient un personnel bien formé. Le secteur craint une baisse de la qualité des conseils en cas d'ouverture du marché.
Ouverture du marché

Les médicaments sont-ils trop chers au Luxembourg ?

Les pharmacies luxembourgeoises emploient un personnel bien formé. Le secteur craint une baisse de la qualité des conseils en cas d'ouverture du marché.
Photo: Guy Jallay
Luxembourg 7 min. 28.07.2022 Cet article est archivé
Ouverture du marché

Les médicaments sont-ils trop chers au Luxembourg ?

Thomas KLEIN
Thomas KLEIN
Le Conseil de la concurrence veut ouvrir le marché dans le secteur des pharmacies, mais le secteur s'y oppose.

Le secteur pharmaceutique n'est pas un marché comme les autres. Outre les intérêts purement économiques des fabricants, des grossistes et des pharmaciens, l'approvisionnement de la population en médicaments sert l'intérêt public. Il faut en tenir compte lors de l'analyse du marché, écrit le Conseil de la concurrence dans son récent rapport sur la situation de la concurrence dans le secteur des pharmacies au Luxembourg.


Les pharmacies du Grand-Duché peuvent vacciner
Déjà en place dans les pays voisins, la vaccination dans les pharmacies au Grand-Duché va bientôt pouvoir réellement commencer.

Il est néanmoins important d'examiner s'il existe des mécanismes qui empêchent la concurrence entre les acteurs du marché et qui font ainsi peser sur les Luxembourgeois des dépenses inutilement élevées en matière de médicaments. L'objectif est de parvenir à «une réduction des coûts au bénéfice de la société et des premiers concernés, à savoir les patients».

Prix maximaux appliqués par défaut

Le Conseil de la concurrence estime qu'il peut y avoir des améliorations, notamment en ce qui concerne les médicaments sans ordonnance. «Le niveau des prix est globalement plus élevé que ce à quoi on pourrait s'attendre en général», déclare Pierre Barthelmé, président du Conseil de la concurrence. 

Pour Pierre Barthelmé, président du Conseil de la concurrence, le niveau des prix des médicaments luxembourgeois pourrait être plus bas.
Pour Pierre Barthelmé, président du Conseil de la concurrence, le niveau des prix des médicaments luxembourgeois pourrait être plus bas.
Photo: Guy Jallay

Les prix des médicaments sont déterminés par la législation nationale. Celle-ci stipule que les médicaments ne peuvent pas être plus chers que dans le pays d'origine d'où ils ont été importés. Environ 80% des médicaments délivrés au Luxembourg proviennent de Belgique, qui a un niveau de prix relativement élevé par rapport à la France par exemple. «Le fait que l'État fixe des prix maximaux, associé à la position relativement protégée des pharmacies sur le marché, a pour conséquence que les prix maximaux sont appliqués par défaut comme prix de vente.

Il en résulte donc une sorte de prix fixe, supérieur au niveau auquel on pourrait s'attendre», explique Barthelmé. Une libéralisation des prix des médicaments en vente libre pourrait, comme en France, avoir un effet évident sur le niveau des prix.

Le Conseil recommande donc la suppression des prix plafonds. Alors que l'importation de médicaments en provenance de Belgique présente des avantages organisationnels, le Conseil estime en outre que le Luxembourg peut réduire le niveau des prix s'il diversifie ses importations, par exemple en important davantage de France. 

«Le prix est fixé par le ministère des Affaires sociales. En tant que pharmaciens, nous n'avons aucune influence sur ce point», explique Alain de Bourcy, le président du Syndicat des pharmaciens. «Sur la question de savoir s'il faut libéraliser les prix des médicaments en vente libre, nous sommes prêts à en discuter. Je ne vois pas cela comme une grande menace pour notre profession».

Un double monopole

En outre, les gardiens de la concurrence demandent une ouverture du monopole de distribution des pharmacies. Actuellement, au Luxembourg, seul un pharmacien, c'est-à-dire une personne physique et non une entreprise, peut posséder une pharmacie, et seules les pharmacies peuvent vendre des médicaments. Ce double monopole empêche de fixer des prix plus efficaces selon le Conseil, qui demande donc une ouverture, au moins partielle, de ces deux monopoles, comme c'est déjà le cas en Belgique et en Allemagne.

Cela signifierait, d'une part, que les entreprises pourraient exploiter des pharmacies et, d'autre part, que les médicaments sans ordonnance pourraient à l'avenir être vendus non seulement dans les pharmacies mais aussi, par exemple, dans les supermarchés ou les drogueries, toujours sous la surveillance d'un pharmacien qualifié. Dans ce contexte, la vente en ligne de médicaments, qui est encore très peu développée au Luxembourg, doit également être stimulée. Ainsi, le Conseil propose «d'ouvrir la vente en ligne à d'autres acteurs que les pharmaciens établis et de permettre à d'autres entreprises de vendre des médicaments en ligne».

Alain de Bourcy, le président du Syndicat des pharmaciens, ne voit pas l'intérêt du commerce en ligne pour les pharmaciens luxembourgeois.
Alain de Bourcy, le président du Syndicat des pharmaciens, ne voit pas l'intérêt du commerce en ligne pour les pharmaciens luxembourgeois.
Photo: Guy Jallay

Alain de Bourcy porte naturellement un regard critique sur l'idée de vendre des médicaments en dehors des pharmacies. «Je ne peux pas dire si cela ferait baisser les prix si les médicaments étaient vendus dans les supermarchés, les stations-service ou chez le coiffeur», dit-il. «Mais cela comporte certains risques pour la santé de la population. Nous connaissons les gens qui viennent chez nous et pouvons les conseiller en conséquence. Nous veillons à ce que les clients reçoivent les médicaments au bon dosage». 


Les plus de 60 ans autorisés à recevoir leur quatrième dose
Le gouvernement a approuvé ce vendredi l'abaissement de la limite d’âge à 60 ans pour le deuxième rappel de vaccination contre le covid.

Le président du Syndicat des pharmaciens fait remarquer que les officines emploient du personnel qualifié, parfois diplômé, ce qui entraîne naturellement des coûts salariaux plus élevés que les entreprises doivent supporter. «Mais le service de conseil est gratuit, que quelqu'un achète quelque chose ou non», dit-il. 

Mais si les pharmacies sont considérées en premier lieu comme des entreprises économiques, la logique purement commerciale prend automatiquement le dessus. Les coûts supplémentaires supportés par les pharmacies sont alors répercutés sur les clients. C'est ainsi que les services d'urgence du week-end, par exemple, sont déficitaires en dehors des grandes agglomérations. 

Selon Alain de Bourcy, la vente de médicaments en ligne est surtout intéressante pour les concurrents étrangers. «Si la loi est réécrite de manière à ce que je puisse faire du commerce en ligne depuis la campagne, avec des collaborateurs non qualifiés qui ne font qu'emballer, c'est évidemment plus avantageux», explique de Bourcy. Mais les pharmacies luxembourgeoises sont trop petites pour que l'exploitation d'un propre site en ligne avec une offre de vente soit rentable. «Ce ne sont alors que des frais généraux».

Liberté d'établissement

En raison de la rigidité du système de concession, la densité de l'offre ne suit pas l'évolution démographique. Ainsi, la population luxembourgeoise, y compris les frontaliers, a augmenté de 80% au cours des 25 dernières années, mais le nombre de pharmacies n'a augmenté que de 29%. «Au Luxembourg, nous n'avons que 15 pharmacies pour 100.000 habitants, alors que la moyenne de l'OCDE est de 28», explique le président du Conseil de la concurrence. «Outre les concessions publiques, environ un quart des pharmacies ont une concession privée. Il faut par exemple en hériter ou trouver un titulaire à qui la racheter», explique-t-il encore.

Le nombre de nouvelles concessions accordées chaque année ne suffit pas, selon le Conseil de la concurrence, à couvrir les besoins de la population et à créer des perspectives professionnelles pour les futurs titulaires. Le Conseil de la concurrence recommande plutôt de mettre en place une liberté d'établissement liée exclusivement à des critères de qualification. «Si l'on changeait le système, il serait également plus attractif pour les jeunes de suivre cette voie de carrière», déclare Barthelmé.


Ruée vers l'iode dans nos pharmacies
Alors que le spectre de la menace nucléaire russe plane, les pharmacies luxembourgeoises font face à une large demande de pilules d'iode. Le gouvernement invite les habitants à ne pas tomber dans la psychose.

Enfin, le Conseil de la concurrence estime qu'il est possible de réaliser des économies de prix en prescrivant davantage de médicaments génériques, c'est-à-dire des médicaments qui contiennent les mêmes principes actifs que les médicaments des développeurs originaux, mais dont le brevet a expiré. 

Ceux-ci ne seraient guère utilisés au Luxembourg. La méfiance générale à l'égard des médicaments génériques entraînerait des dépenses inutiles pour la sécurité sociale et aggraverait le problème des ruptures d'approvisionnement en médicaments non génériques. L'une des recommandations est donc d'encourager de manière ciblée l'utilisation des médicaments génériques. 

Cet article est paru une première fois sur wort.lu/de

Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.


Sur le même sujet

Le LCGB tire la sonnette d'alarme
La Belgique, principal fournisseur de produits pharmaceutiques du Luxembourg, doit faire face actuellement à des ruptures de stocks qui s'aggravent. Au Luxembourg, la pénurie de médicaments couramment utilisés fait naître des craintes.
L'introduction des médicaments génériques se formalise au Luxembourg. Dès octobre, deux catégories de médicaments (pour le cholestérol et l'ulcère gastrique) seront concernées. Les pharmaciens expliquent l'avantage du générique et ce qu'il va changer pour leurs clients.
Les pharmaciens doivent expliquer les génériques aux clients