Les médecins tirent la sonnette d'alarme
Les médecins tirent la sonnette d'alarme
La pénurie de médecins qui se ressent déjà et avec elle, toutes les difficultés que rencontreront dans un horizon de dix ans, les personnes souffrantes pour dénicher un médecin disponible, est «la» préoccupation qui taraude le plus l'Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD). En l'absence de retours sérieux sur cette question cruciale et de bien d'autres, tant de la part d'Etienne Schneider (LSAP), ministre de la Santé, que de Romain Schneider (LSAP), ministre de la Sécurité sociale, l'association a tiré ce mercredi la sonnette d'alarme.
Ce n'est pas compliqué, «toutes les données indiquent que nous atteindrons une situation d'urgence alarmante au plus tard en 2030», pose le Dr Guillaume Steichen, secrétaire général sans utiliser de ton alarmiste pour autant.
Selon les chiffres de l'OCDE, le Luxembourg disposait en 2017 de trois médecins en exercice pour 1.000 habitants contre 4,3 en Allemagne, 3,4 en France et 3,1 en Belgique. «Si on y inclut les 6% de frontaliers qui bénéficient des soins ici, on passe à 2,35 médecins pour 1.000 habitants», pose Guillaume Steichen.
«Un grand constat est que nous avons déjà peu de médecins dans le pays et que les perspectives sont dramatiques», appuie le président de l'AMMD, le Dr Alain Schmit, assis à la même table de conférence de presse.
Comme l'offre de santé s'en trouvera directement impactée à l'échelle du pays, «ce problème de manque de médecins annoncé doit être classé comme une priorité urgente au niveau national», lancent les deux représentants du corps médical moins à l'attention des journalistes dans la salle que des deux ministres.
«Entre 1.600 et 1.800 médecins en activité»
Depuis l'entrevue avec Etienne Schneider en début d'année portant sur le sujet spécifique des IRM et un rendez-vous, fin juin, avec Romain Schneider, c'est silence radio. De quoi faire dresser le poil des porte-parole de l'AMMD qui se montrent impatients et aimeraient enfin des réponses à leurs nombreuses questions et propositions pour avancer.
Fait est qu'«on ne peut plus accepter une politique qui passe à côté des médecins, voire qui se fait sans eux!», balance le président de l'association. Le secrétaire général souligne au passage l'absence très remarquée du ministre de la Santé à la journée organisée par l'Association luxembourgeoise des étudiants en médecine (ALEM) et consacrée au système de santé luxembourgeois, samedi à Belval.
Alors que ses prédécesseurs avaient toujours réfuté le problème et refusaient de parler de «pénurie», Etienne Schneider s'est montré moins catégorique en arrivant à la Villa Louvigny. Pour prendre les mesures politiques qui s'imposent, il devait d'abord pouvoir s'appuyer sur des données de démographie médicale, lacunaires jusqu'ici. «Nous pensons qu'il y a actuellement entre 1.600 et 1.800 médecins en activité au Luxembourg» avance prudemment Guillaume Steichen, confronté au même souci.
La réponse aux signaux lancés depuis de très longs mois en direction des décideurs politiques est sans doute dans l'étude présentée jeudi 19 septembre à Etienne Schneider, espère l'AMMD. Le rapport de 600 pages n'est pas public pour l'heure mais «d'après nos informations, tout ce que nous disons est au moins fondé», glisse le président.
Attirer les étudiants de la Grande Région
Pour remédier à la situation et rendre le Luxembourg à nouveau attractif pour les médecins et étudiants en médecine venant de l'étranger, il n'y a pas de secret: «Tout le cursus d'études en médecine doit être proposé à la Medical School» et des formations en médecine spécialisées doivent voir le jour sous le patronage de l'Université du Luxembourg. Pour l'heure, elle propose des formations spécifiques de 3e cycle en médecine générale, en neurologie et en oncologie. A la rentrée 2020-2021 doit être ouvert un bachelor.
L'idée est «déjà d'attirer les étudiants de la Grande Région qui seraient formés au Luxembourg et qui connaîtraient notre système de santé pour pérenniser leur installation au Grand-Duché», explique Guillaume Steichen.
Une autre revendication des médecins est de pouvoir dorénavant s'établir sous la forme d'une société d'exercice médical à l'instar des autres professions libérales au Luxembourg comme les avocats pour ne citer qu'eux. «Cela entraînerait une plus grande flexibilité dans l'exercice au quotidien» est persuadé le Dr Steichen.
L'AMMD propose aussi de développer, en plus des cabinets médicaux et des hôpitaux, un parcours ambulatoire qui se ferait en dehors des murs de l'hôpital. C'est «dans ce sens que les systèmes de santé vont aujourd'hui», assure Guillaume Steichen. La médecine moderne se déroule «de moins en moins dans les grands hôpitaux». L'AMMD estime que le système de santé doit être décentralisé et plus proche du patient.
