«Les feux sont au vert pour le télétravail des frontaliers»
«Les feux sont au vert pour le télétravail des frontaliers»
On l'avait presque oublié, mais avec la fin août arrive aussi la fin des accords passés entre le gouvernement luxembourgeois et ses homologues de la Grande Région sur la durée de télétravail possiblement tolérée sans changement de régime fiscal. Et si, en ce 20 août, aucun Etat n'a formalisé sa réponse officielle, le ministre du Travail reconnaît que les négociations avancent «dans le bon sens». Autrement dit «vers une prolongation de la tolérance accordée» aux télétravailleurs belges, français et allemands.
Alors, jusqu'à quand cette prolongation?
Dan Kersch (LSAP) : «Les feux sont au vert pour le télétravail des frontaliers. Mais il faut être prudent en politique tant que rien n'est signé. Ne voulant ni froisser mes partenaires de Paris, Bruxelles ou Berlin, ni mes collègues ministres en pleins pourparlers, je ne peux rien dire sur la durée de l'accord qui sera trouvé. Mais l'idée défendue par Romain Schneider, ministre de la Sécurité sociale, et Pierre Gramegna (DP) reste d'obtenir une dérogation pour tous jusqu'au 31 décembre au moins.
Avec la crise, cette forme d'organisation du travail a pris une importance inattendue. Y a-t-il déjà des barrières à poser?
«Outre l'aspect sanitaire et économique du télétravail (qui a permis à de nombreux secteurs de continuer à fonctionner en éloignant leurs salariés de tout risque de contamination), le dispositif a aussi permis à de nombreux employés de gagner en temps de vie.
On sait combien les heures passées -et perdues- dans les trajets nuisent à l'attractivité des postes proposés au Grand-Duché. Donc, à l'avenir, s'appuyer davantage sur le travail à domicile pourrait permettre à l'ensemble du pays de mieux se porter. Tout comme nombre de salariés semblent apprécier de pouvoir rester à domicile effectuer leurs tâches. Mais effectivement, le brusque développement du télétravail soulève de nouvelles interrogations. Sur la santé et la sécurité, ou la possibilité des contrôles par l'ITM notamment.
Alors, faudrait-il une nouvelle loi?
«Le télétravail n’apparaît pas clairement dans notre Code du travail mais il fonctionne. Une convention, signée par syndicats et patronat, existe par contre et elle est d'obligation générale. Cela signifie qu'elle s'applique à tous, employés comme dirigeants d'entreprise. Les responsabilités de chacun y sont clairement exprimées et, que je sache, le semestre que nous venons de vivre n'a pas remis en cause les préconisations formulées. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à une loi.
J'attends par contre avec impatience l'avis du Conseil économique et social. J'ai lu ici ou là ses premières conclusions. Intéressantes. Et j'ai pu constater que le «modèle luxembourgeois» du dialogue social avait fait ses preuves sur ce dossier. Cela faisait bien longtemps qu'un avis unique, un consensus, sur un grand thème d'organisation du travail n'avait pas été recueilli. Là, cela semble être le cas.
Etes-vous favorable à l'introduction d'un droit au télétravail pour chaque salarié?
"La chose existe aux Pays-Bas, depuis 2015 je crois. Par principe, je n'aime pas réfléchir à des principes qui ne concernent pas tout le monde. Ainsi, on ouvrirait un droit au télétravail donc certains employés ne pourraient pas bénéficier. Un pompier, un garagiste, une esthéticienne n'ont pas besoin de ce droit; donc il peut y avoir un côté privilège pour les uns qui, moralement, peut me déranger. Mais à la vérité, si syndicats et patronat le veulent, je serais le dernier à m'y opposer.
Et puis, laissons-nous aussi le temps d'évaluer la situation. Là, le recours au télétravail s'est fait dans l'urgence imposée par la situation sanitaire. Qu'en est-il dans le cadre d'un retour à la normalité? La précipitation est rarement bonne conseillère quand on codifie ou légifère...
Ce pourrait être un sujet pour la prochaine tripartite de la rentrée...
«Nous aurons déjà beaucoup de travaux à mener, à commencer par valider les effets des mesures sociales qu'ensemble nous avons choisi d'adopter. Par contre, le dossier du télétravail pourrait faire l'objet des discussions du Comité permanent pour l'emploi. J'insiste mais le dialogue social reste notre meilleur atout pour obtenir de la flexibilité dans nos organisations du travail. Et puis, j'aimerais avoir le retour des différentes parties sur les impacts négatifs du télétravail, car il y en a aussi (perte de motivation, de confiance, diminution de la performance individuelle, chute de la compétitivité collective faute de contacts physiques directs....
Par ailleurs, une des réflexions à mener pourrait aussi porter sur une réduction du nombre d'heures prestées, dans le cadre d'une plus juste répartition du travail pour tous.»
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