Les enfants pauvres, «premières victimes» du covid
Les enfants pauvres, «premières victimes» du covid
Si le ministre de la Sécurité sociale assure ne pas encore être en mesure de dresser le bilan du covid sur la santé mentale, Marie-Josée Jacobs se veut plus catégorique. Quinze mois après le début de la pandémie, la présidente de Caritas assure que «les premières victimes de la crise sanitaire sont les enfants».
«C'est bien connu, ce sont des éponges, alors imaginez ce que la pandémie a pu leur faire», avance l'ancienne ministre de la Famille en référence aux conclusions du dernier Almanach social. Mais si le confinement a indéniablement impacté les quelque 262.000 mineurs vivant au Grand-Duché, confrontés à la fois à l'anxiété de leurs parents et à un manque de liens sociaux, les plus touchés ont à nouveau été les plus pauvres.
Privés de cours, les enfants issus de milieux sociaux défavorisés n'ont pas toujours eu accès à un enseignement complet. Alors que le ministre de tutelle, Claude Meisch (DP), se félicitait de la baisse du décrochage scolaire et du faible impact du «schouldoheem» sur le niveau des élèves, les résultats des épreuves standardisées ont justement mis en avant les disparités sociales.
En avril dernier, Antoine Fischbach, directeur du Luxembourg Centre for Educational Testing (Lucet), relevait que les enfants issus des familles les plus défavorisées présentaient notamment «une baisse de niveau» dans la pratique de l'allemand, aussi bien orale qu'écrite. Et pour cause: certains d'entre eux «n'ont pas parlé cette langue pendant six mois», soulignait-il.
Face à la pauvreté, à la crainte de perdre leur emploi ou de ne pas pouvoir payer leur loyer, les parents les plus précaires «ont forcément transmis sans le vouloir leur anxiété à leurs enfants», estime l'ancienne ministre de la Famille, en poste entre 1999 et 2013. Tandis qu'en décembre 2020 le médiateur pour les enfants et les adolescents indiquait qu'«un tiers des 22.000 bénéficiaires du Revis étaient mineurs», la présidente de Caritas souligne également qu'un tiers des personnes ayant reçu de l'aide de l'association via sa hotline étaient des enfants.
Une situation de précarité «anxiogène» selon Marie-Josée Jacobs, accentuée par la promiscuité imposée par les restrictions sanitaires, et qui se conjugue parfois à la violence domestique. Selon les dernières données disponibles, 356 mineurs ont été identifiés comme victimes de ce genre de violences en 2020, soit 20% des personnes identifiées comme telles par la police.
Un chiffre qui pourrait être «en deçà de la réalité», note l'ancienne ministre chrétienne-sociale, puisque «l'alerte n'est pas toujours donnée». Dans son dernier rapport annuel, la police souligne en effet que la baisse de 16,9% des affaires de maltraitance contre les mineurs est à relativiser, la fermeture des structures scolaires les ayant empêchés «de se confier à un tiers».
Une prudence vis-à-vis de ces chiffres partagée par Marie-Josée Jacobs qui rappelle que si filles et garçons peuvent être victimes de coups, d'insultes ou d'agressions sexuelles, ils peuvent aussi être témoins «de ce qui peut être infligé à leur mère». Une situation qui «doublerait leur peine».
Face à cette situation qui les a «empêchés de vivre pleinement leur enfance», la présidente de Caritas préconise de mettre en place «un réel accompagnement psychologique des enfants», au-delà «des campagnes ponctuelles et des effets d'annonce». Car les traumatismes résultant du covid-19 et des restrictions sanitaires risquent de perdurer à moyen, voire à long terme, dans l'esprit de ces enfants.
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