Changer d'édition

Les centres pour réfugiés en «saturation» chronique
Luxembourg 4 min. 06.01.2020 Cet article est archivé

Les centres pour réfugiés en «saturation» chronique

Les lits disponibles ne peuvent pas tous êtres occupés, par respect pour les familles.

Les centres pour réfugiés en «saturation» chronique

Les lits disponibles ne peuvent pas tous êtres occupés, par respect pour les familles.
Photo : Guy Jallay
Luxembourg 4 min. 06.01.2020 Cet article est archivé

Les centres pour réfugiés en «saturation» chronique

Alexander ABDELILAH
Alexander ABDELILAH
L'Etat reconnaît un manque récurrent de places pour les nouveaux venus, et ce malgré le doublement de ses capacités d'accueil depuis la crise migratoire de 2015. La faute à une offre de logement insuffisante et à un marché du travail sur lequel tardent à s'insérer les réfugiés.

La récente polémique entre Caritas et Jean Asselborn (LSAP) à propos des deux demandeurs d'asile qui se sont retrouvés à la rue suite à la fermeture de leur centre d'accueil, avait remis le sujet à l'ordre du jour. De l'aveu même de l'Olai, devenu l'Office National d'Accueil (ONA) entre-temps, les structures d'hébergement se retrouvent «régulièrement en situation de saturation». 


Les centres d'accueil du pays peinent à accueillir les nouveaux arrivants, car les résidents déjà sur place n'arrivent pas à trouver de logement.
Les centres saturés poussent deux réfugiés à la rue
La situation des deux étrangers, laissés sans solution d'hébergement suite à la fermeture de leur foyer, inquiète Caritas. L'Asbl y voit le «symbole» de la saturation chronique des structures d'accueil.

La faute au doublement des demandes de protection internationale (DPI) annuelles depuis l'automne 2015 et l'arrivée massive de demandeurs d'asile. Pourtant, le nombre de lits disponibles a bondi dans les mêmes proportions depuis 2015, passant «de 2000 à 4000», selon les chiffres communiqués par le ministère de l'Intégration. 

Alors qu'une partie des chantiers lancés au plus fort de la crise migratoire a bien vu le jour, comme le centre de logopédie à Strassen (322 lits), l'ancienne maternité à Luxembourg (130 lits) ou encore l'ancien Monopol (600 lits), d'autres n'ont pas eu cette chance.  

La présence de famille complique quelque peu la répartition des personnes dans les centres d'accueil.
La présence de famille complique quelque peu la répartition des personnes dans les centres d'accueil.
Photo : Gerry Huberty

A l'image de deux villages de conteneurs prévus à Steinfort, et Mamer, qui se sont heurtés à des recours de citoyens. Les deux structures de ce type qui sont sorties de terre à Diekirch et Junglinster ont, quant à elles, une durée de vie limitée à cinq ans. Un engagement pris en 2016 par François Bausch, alors en charge des Infrastructures. D'autres structures ont tout simplement été retirées du marché entre-temps, à l'instar des 220 lits du centre Heliar, à Weilerbach, «fermé pour rénovation». 

Bien que la capacité d'accueil reste stable autour de 4.000 lits, ce jeu de chaises musicales complique la tâche de l'ONA. En effet, l'organisme public doit jongler avec 57 structures d'accueil aux tailles très variées, puisque leur capacité oscille «de 7 à 324 lits». Autre difficulté, cette offre disparate doit faire face à une demande forte et constante, autour de 2.000 nouveaux DPI par an. Depuis le déclenchement de la crise de 2015, ce sont en tout près de 11.000 requêtes qui ont été déposées, pour un peu plus d'un tiers de réponses favorables.

Au-delà du nombre de lits disponibles et de demandes déposées, c'est la gestion des chambres qui rend la gestion des flux difficile. Dans les faits, «un taux d’occupation supérieur à 80% ne peut être atteint», car les gérants des centres veillent à ne pas faire dormir des étrangers dans la même pièce qu'une famille. Quitte à laisser des lits vacants. Selon les dernières données disponibles, 1.146 lits prennent ainsi la poussière dans les différentes structures d'accueil du Grand-Duché. 

Si trouver un lit pour les nouveaux arrivants est déjà un défi pour l'ONA, les aider à quitter les centres d'accueil en est un autre. Concrètement, les réfugiés ayant obtenu le statut peuvent rester dans les centres tant qu'ils n'ont pas signé de bail ailleurs. Un objectif qui s'avère difficile à atteindre pour certains, se heurtant à la barrière de la langue et du marché de l'emploi, ou souffrant de problèmes de santé mentale ou physique. 

Tous les résidents des centres d'accueil ne sont pas en état de travailler, rendant leur recherche d'un appartement propre plus ardue.
Tous les résidents des centres d'accueil ne sont pas en état de travailler, rendant leur recherche d'un appartement propre plus ardue.
Photo : Gerry Huberty

Idem pour les personnes dont la demande d'asile est rejetée, qui peuvent rester dans le foyer qui les héberge «le temps d'organiser leur retour», rappelle Yves Schmidt, de la direction de Caritas. Dans certains centres, et alors que le marché de l'immobilier est saturé, «près de la moitié» des personnes hébergées sont ainsi en sursis et occupent des lits qu'elles devraient en théorie avoir quittés. 

L'office chargé de l'accueil des DPI assure avoir trouvé la parade : un contingent tenu secret de «lits d’urgence», prêt à être activé en cas d'afflux soudain de demandeurs d'asile. L'Etat ne veut pas non plus divulguer la localisation de ces structures, «pour des raisons de sécurité».

 


Sur le même sujet

Après 8 mois de débats, le projet de loi donnant naissance à la nouvelle administration en charge de l'accueil des demandeurs d'asile sera soumis au vote à la Chambre la semaine prochaine. Seul l'ADR devrait s'y opposer.
L'OLAI, chargé de l'accueil et de l'intégration des demandeurs d'asile et des réfugiés, va être remplacé par l'Office national d'accueil.
Quatre ans et demi après leur arrivée au Grand-Duché, Bilal et Mamo coulent des jours heureux avec leur famille, à Schuttrange. Fuyant la Syrie en guerre, à l'image de milliers d'autres réfugiés, ils ont pris un nouveau départ et ne regrettent rien.
Flüchtlinge in Luxemburg: was ist aus ihnen geworden, drei Jahre später?, Foto: Lex Kleren/Luxemburger Wort
En l'absence d'entente à l'échelle européenne, le Luxembourg fait partie de la poignée de pays qui participent régulièrement à la répartition des migrants arrivés sur les côtes méditerranéennes. Jean Asselborn révèle combien sont effectivement arrivés.