Les bouchons coûtent 1,4 milliard d'euros au pays
Les bouchons coûtent 1,4 milliard d'euros au pays
TomTom Traffic Index, vous connaissez. Il s'agit d'un outil de mesure des temps de déplacement utilisé sur la planète entière. Et à scruter ses calculs, le Luxembourg n'a pas de quoi être fier question mobilité. Il faudrait ainsi, en moyenne, ajouter 33% de temps de trajet pour un déplacement effectué en voiture dans le pays. Et l'index de grimper à 68% de dépassement de timing aux heures de pointe. Un déplacement prévisible de 30 minutes prend en réalité 50 minutes...
Les impacts de cette circulation saturée, chacun les ressent dans son quotidien. Mais une étude de juin 2019, menée à l'échelle de l'Union européenne, n'a pas fait que calculer l'effet horaire. Elle a calculé l'ensemble des coûts indirects de l'engorgement du trafic. «Cela représente 1,4 milliard d'euros, indique Francesco Ferrero, chercheur spécialiste des questions de mobilité au LIST. Cette somme tenant compte aussi bien de l'usure de la route, des temps perdus par les salariés dans leur temps de travail, l'impact de la circulation sur l'environnement, la santé, le montant de la prise en charge des accidents, etc.»
La même étude indique que ce coût grimpe à 5 milliards d'euros aux Pays-Bas. Etat qui a choisi de mettre 8 milliards sur la table pour trouver lui aussi comment atténuer le fléau des bouchons. Ce mercredi, ces sommes ont été évoquées lors d'une rencontre sur les mobilités du futur, organisée par Idea -laboratoires d'idées pour le progrès social au Luxembourg. Le débat portant sur d'éventuelles solutions à la «thrombose» frappant le réseau routier national.
Il y a urgence d'agir car, d'ici 2025, les estimations du ministère des Transports parlent de 50.000 voitures de plus en circulation sur le Grand-Duché. Dans sa stratégie, baptisée MODU 2.0, le gouvernement table beaucoup sur le covoiturage notamment. Et de miser même sur la conversion de 73.000 conducteurs solo soit à devenir passagers de covoiturage (34.000), à se muer en piétons (15.000) ou cyclistes (10.000). La gratuité des transports publics, à compter de mars 2020, devant attirer vers trains et bus quelque 14.000 usagers.
Un ensemble de solutions
Gerry Wagner ne remet pas en cause cette ambition. Mieux, le directeur général d'Arval (société spécialisée dans le leasing auto pour entreprises) affirme que «demain, l'automobile ne sera plus qu'un élément de la chaîne de mobilité». Fini le tout-voiture de la maison au bureau, donc. Et pour y arriver, lui compte beaucoup sur les sociétés préoccupées par les conséquences de ces bouchons (moins d'efficacité, fatigue des collaborateurs, perte d'attractivité pour les recruteurs) pour faire évoluer les mentalités et les pratiques de circulation: «Elles sont la clef du changement. D'ailleurs déjà, de plus en plus de firmes ne se contentent plus de nous demander des voitures de fonction pour leurs salariés, mais bien un ensemble de solutions de mobilité».
Car-sharing, vélos mis à disposition pour les courts trajets, mise en relation des salariés pour partager leurs voyages quotidiens: les initiatives se multiplient. Pas encore suffisamment fort pour peser réellement sur le trafic, mais le premier pas est amorcé.
La voiture doit devenir le plus petit et efficace des moyens de transports en commun
En témoigne Frédéric Brochier, project manager Développement durable pour l'IMS, réseau de sociétés luxembourgeoises engagées en matière de responsabilité sociétale des entreprises: «Sur les 150 entreprises de notre réseau, seules 48% disposent d'une véritable stratégie de déplacements pour leurs salariés». En guise d'encouragements à de nouvelles formes de mobilité, l'IMS éditera un Guide des bonnes pratiques début 2020. Là encore, un autre petit pas.
Mais cette muldimodalité comme sortie du problème de l'engorgement routier, Julien Honnart y croit fort aussi. Le CEO de la start-up Klaxit, développant des solutions en matière de covoiturage, l'a affirmé devant l'auditoire réuni par IDEA: «Face à des infrastructures saturées, le seul levier est bien la diminution du nombre de moyens de locomotion en circulation, et une meilleure occupation de ceux-ci. La voiture doit donc devenir non plus un objet à usage égoïste dans nos esprits, mais le plus petit et efficace des moyens de transports en commun».
Selon ce responsable de Klaxit, la mise en place d'incitations pourraient accélérer la mutation des mentalités. «Pour aller au-delà des automobilistes ou des entreprises convaincues, il faut que les employés agissant dans le bon sens soient récompensés.» Comment? Par l'attribution de places de stationnement réservées à leur véhicule à proximité de leur entreprise, par la circulation sur des voies réservées et donc plus fluides (comme cela se fait en Belgique et à venir sur l'A6 en 2023), mais aussi par des bonus financiers.
Le remboursement du coût de covoiturage de ses salariés par la société elle-même, ou via des subsides de collectivités publiques peut être un bon levier pour convertir des «autosolistes» à offrir une ou plusieurs places à bord à des collègues ou des personnes habitant ou travaillant non loin d'eux. Ajoutez à cela d'éventuelles mesures favorisant le télétravail, la mise en place d'horaires décalés (permettant à l'ensemble des salariés de ne plus participer à la congestion des routes tous à la même heure) ou encore la relocalisation de certaines entreprises sur le territoire et une partie des bouchons seront atténués. Mais de là à disparaître...
