Les bons prix chez les concessionnaires, bientôt du passé?
Les bons prix chez les concessionnaires, bientôt du passé?
L'Autofestival, qui commence ce lundi, est pour de nombreux acheteurs une bonne occasion de faire de bonnes affaires. Mais les clients pourront peut-être bientôt s'éloigner de cette tradition, car la capacité, déjà limitée, des concessionnaires automobiles à proposer leurs propres offres devrait nettement diminuer dans les années à venir.
La raison derrière ce bouleversement du marché est ce que l'on appelle le modèle d'agence, que de plus en plus de constructeurs imposent aux concessionnaires automobiles. Alors que ces derniers agissaient jusqu'à présent pour leur propre compte en tant que vendeur du véhicule, leur rôle se limite désormais à celui d'un simple intermédiaire.
Pour Guido Savi de la Fédération belge et luxembourgeoise de l'automobile et du cycle (Febiac), qui regroupe des importateurs automobiles, «le modèle d'agence représente une révolution culturelle pour les distributeurs et les concessionnaires et nécessite la mise en place de nouveaux processus». Plusieurs constructeurs automobiles auraient déjà annoncé l'adoption de ce modèle d'organisation de la distribution, tandis que d'autres ne l'envisagent pas.
Le modèle d'agence représente une révolution culturelle pour les distributeurs et les concessionnaires.
Guido Savi, membre de la Febiac
Ainsi, pour Stellantis - le groupe qui comprend entre autres Peugeot, Chrysler, Citroën, Opel et Fiat - le Luxembourg fait partie des marchés pilotes où le nouveau système est testé. Le constructeur a ainsi résilié les contrats existants avec ses concessionnaires luxembourgeois pour le 30 juin. Pour l'instant, certains concessionnaires automobiles ne savent pas ce qu'il adviendra d'eux par la suite. À l'heure actuelle, aucun détail n'a fuité sur le nom des entreprises qui seront utilisées comme agents Stellantis.
Un modèle voué à se démocratiser
Volkswagen a également lancé le modèle d'agence pour les modèles tout électriques en Allemagne dès l'introduction des premiers modèles ID en 2020. Actuellement, des discussions sont en cours avec les associations partenaires correspondantes pour étendre le modèle d'agence pour les véhicules tout électriques à d'autres marques du groupe et à d'autres marchés européens, écrit l'entreprise. Il n'est toutefois pas encore possible d'indiquer une date de lancement concrète.
BMW a également annoncé l'année dernière qu'il ne vendrait plus ses Minis que de cette manière à partir de 2024. En 2026, tous les autres modèles BMW devraient suivre.
«Dans le cadre du modèle d'agence, les concessionnaires deviennent des agents et le rôle de l'importateur vis-à-vis des concessionnaires et des clients change en conséquence. Alors que le client achète directement auprès de la marque ou de l'importateur, le partenaire commercial continue à jouer un rôle clé dans le processus de vente en tant qu'intermédiaire», explique le groupe Volkswagen.
Dans le modèle d'agence, les contrats de vente sont généralement conclus directement entre le constructeur et le client. Les concessionnaires automobiles fournissent certes encore des conseils, des essais de véhicules et des services, mais ils n'encaisseront à l'avenir qu'une commission dans ce modèle. La fixation des prix est donc du ressort des entreprises automobiles. Alors qu'elles se contentaient jusqu'à présent de recommander un prix sans engagement, le nouveau système leur permet d'imposer des prix uniformes sur les différents marchés, qu'il s'agisse d'un achat en ligne ou d'un conseil et d'un essai sur route.
Des concessionnaires automobiles prudents
Chez les concessionnaires automobiles luxembourgeois, on ressent sur cette question une forte dépendance au bon vouloir des constructeurs. Seuls quelques-uns se montrent critiques, et ils ne veulent pas voir leur nom apparaître dans les journaux. Autopolis, l'ancien concessionnaire principal de Stellantis au Luxembourg, renvoie directement au groupe automobile.
Losch, le partenaire contractuel de Volkswagen, s'exprime avec diplomatie. «Dans l'ensemble du secteur automobile, le modèle de distribution change actuellement, l'achat d'une voiture devient numérique», déclare Michel Louro, Chief Operating Officer de Losch dans une déclaration écrite. «Volkswagen aussi introduit maintenant le modèle d'agence, avec les voitures électriques de la famille ID et intègre le commerce en ligne dans le commerce stationnaire. Avec ce contrat d'agence, nous aurons à l'avenir une transparence claire des prix pour nos clients», explique Michel Louro.
«Le modèle d'agence a du sens et nous n'en avons pas peur, car le client s'informe en ligne sur le modèle souhaité, tout en restant en contact avec le commerçant de son choix. Le contact personnel va et doit rester, car le client veut toujours tester le modèle, le voir, se faire conseiller - cela ne changera pas à l'avenir», poursuit Michel Louro.
Des conflits en Allemagne
En Allemagne, le lancement du modèle par Volkswagen s'est déroulé de manière moins harmonieuse. «Nous ne pouvons pas accepter les idées qui prévalent actuellement au sein du groupe concernant le modèle d'agence», a déclaré l'année dernière au Handelsblatt Dirk Weddigen von Knapp, le président de l'association des concessionnaires allemands Volkswagen et Audi. Les concessionnaires automobiles n'étaient donc pas satisfaits de l'offre du constructeur automobile qui prévoyait de payer une commission de 6% du prix catalogue de la voiture, et exigeaient au moins 8%.
Les constructeurs automobiles ont trois arguments principaux pour soutenir l'introduction du modèle d'agence, explique Marcus Hoffmann, expert du marché automobile pour le cabinet de conseil en stratégie «Strategy&» de PwC. «Le premier est la stabilité des prix. Les concessionnaires d'une même marque font souvent de la sous-enchère et accordent des rabais allant jusqu'à 20%. Les voitures ne sont plus vendues de manière aussi rentable qu'elles pourraient l'être», explique le spécialiste.
Cela se répercute également sur la valeur des voitures d'occasion. «Plus les voitures neuves deviennent bon marché, plus la valeur des voitures déjà sur le marché diminue. Avec le modèle d'agence, les constructeurs ont plus de contrôle sur les prix et les valeurs résiduelles», explique Marcus Hoffmann.
Les concessionnaires d'une même marque font souvent de la sous-enchère les uns par rapport aux autres. Les voitures ne sont donc plus vendues de manière aussi rentable qu'elles pourraient l'être.
Marcus Hoffmann, expert du marché automobile
Selon lui, un autre avantage réside dans le fait que les constructeurs sont ainsi en contact direct avec les clients. «Dans le modèle actuel, les données des clients appartiennent au concessionnaire. Mais si les constructeurs sont les partenaires contractuels, ils ont un accès direct aux données et peuvent les utiliser, par exemple, pour proposer des offres personnalisées», explique l'expert automobile.
Enfin, dans le modèle de l'agence, on a plus de chances d'avoir une influence sur les coûts totaux de distribution. «Actuellement, les ''Costs of Retail'' représentent environ 25 à 30% dans le modèle de distribution classique pour amener la voiture à son acheteur. Si l'on parvient à optimiser cela de 10 à 12%, c'est un énorme levier de profit».
Un exemple est ici entre autres Tesla, qui ne gère lui-même que quelques centaines de points de vente dans le monde, alors que la plupart des autres marques en ont des milliers. Certains constructeurs ont ainsi annoncé vouloir vendre 25 à 30% de leurs véhicules sur internet d'ici quelques années. «Si cela se produit, on n'aura plus besoin d'autant de points de vente pour maintenir la rentabilité des partenaires restants dans la distribution», explique Marcus Hoffmann. Le nombre de concessionnaires devrait donc diminuer proportionnellement dans ce cas.
De toute façon, on a déjà pu observer une consolidation sur le marché automobile luxembourgeois ces dernières années. Ainsi, le groupe néerlandais Van Mossel Automotive Groep a avalé Autopolis en 2020. En 2017, Mercedes-Benz Luxembourg S.A. a fait partie du groupe suisse Merbag.
Pour de nombreux concessionnaires existants, le modèle d'agence signifie donc une perte de chiffre d'affaires, mais pour la plupart d'entre eux, les ventes de véhicules neufs n'étaient de toute façon pas très rentables. «Ce qui est rentable, c'est surtout l'après-vente, c'est-à-dire les réparations, le service, les pièces d'usure», explique Marcus Hoffmann. En outre, les constructeurs doivent faire des offres pour récompenser les concessionnaires automobiles pour leur rôle toujours important dans la vente et l'interaction avec les clients. Les essais, les conseils, la logistique de la livraison restent chez les partenaires, même dans le nouveau modèle, et ils restent ainsi l'interlocuteur des acheteurs pour l'après-vente.
Cet article a été initialement publié sur le site du Luxemburger Wort.
(Traduction: Laura Bannier)
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