«Le texte a perdu de sa profondeur et de sa qualité»
«Le texte a perdu de sa profondeur et de sa qualité»
(BaL avec Danielle SCHUMACHER) Trop vague. C'est le jugement qu'apporte la Commission consultative des droits de l'homme (CCDH) sur le nouveau texte de la Constitution. Le président de la CCDH est en colère, car, selon lui, «les droits de l'homme ne sont pas suffisamment protégés. Le texte original a perdu de sa profondeur et de sa qualité au fil des années. Le nouveau chapitre de la Constitution sur les libertés est un arrangement politique».
Le projet de loi 7755, que le Parlement s'apprête à adopter en première lecture, est même qualifié de «puzzle», de «patchwork» par Gilbert Pregno. Il ne cache pas son mécontentement, en estimant que la réforme globale de la Constitution initialement prévue (6030) était un bien meilleur texte, en particulier au sujet des droits de l'homme. De nombreux aspects sont tout simplement passés à la trappe, reproche-t-il.
La Commission consultative des droits de l'homme base sa critique sur la structure même du nouveau texte, et remet notamment en question l'absence de mention des textes internationaux relatifs aux droits de l'homme. Si cela avait été clairement été mentionné dans la nouvelle Constitution, cela aurait constitué un signal clair vis-à-vis des pays étrangers, estime Edoardo Stoppioni, qui mentionne par ailleurs que ces mêmes traités internationaux ont fait l'objet de renforcements.
Un classement dangereux des droits
Dans ce contexte, l'institution regrette également l'absence d'une clause de sauvegarde spéciale pour le respect des droits de l'homme, au cas où l'état d'urgence devrait être déclaré, comme il l'a été en raison de la pandémie en mars 2020.
La Commission des droits de l'homme est particulièrement critique à l'égard de la catégorisation des droits. D'un côté, il y aurait les droits fondamentaux et les droits politiques, qui sont intangibles, de l'autre les libertés publiques fondamentales, qui peuvent être restreintes par le législateur sous certaines conditions. Et enfin les objectifs de l'Etat, qui ne peuvent pas être invoqués devant les tribunaux. Par principe, la CCDH considère que le classement des droits et libertés dans l'une ou l'autre catégorie est très délicat, voire dangereux.
Par ailleurs, les membres de la Commission des droits de l'homme soulignent particulièrement la distinction qui subsiste entre les Luxembourgeois et les non-Luxembourgeois, contre laquelle ils s'opposent. L'article 11, qui dispose que «Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi», est discriminatoire, explique la juriste de la CCDH, Rhéa Ziadé.
Pour le président Gilbert Pregno, il est incompréhensible que cette formulation ait été retenue: «Nous devrions avoir honte que la nouvelle Constitution dispose que seuls les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. Nous ne pouvons pas vivre dans une société où une division aussi grave est inscrite dans la Constitution».
Manque d'inclusivité
Pourtant, le principe de non-discrimination n'est que très timidement évoqué dans ce nouveau texte. Principe que la CCDH demande donc au législateur d'inscrire clairement dans la loi fondamentale, en listant les motifs possibles de discrimination. Si l'égalité entre les femmes et les hommes est édictée explicitement dans la Constitution, le texte est muet «sur l'égalité de traitement des personnes LGBTIQA», souligne Rhéa Ziadé. La CCDH note également l'absence de référence à l'égalité de traitement des personnes âgées, des enfants et des personnes handicapées.
L'organe est également d'avis que le droit de fonder une famille doit trouver sa place dans la Constitution en tant que droit autonome. D'un autre côté, ils saluent expressément la formulation du texte, qui se veut inclusif en ne faisant pas seulement mention de la version traditionnelle de la famille. «Toute personne a le droit de fonder une famille. Toute personne a droit au respect de sa vie familiale», une formulation qui avait en revanche moins plu à l'ADR. Pour le parti réformateur, un «affaiblissement de la famille» est à craindre.
L'organe a également dans son viseur la mention jugée trop faible des droits des enfants. Il souhaiterait notamment que le texte passe de la formulation «dans l'intérêt des enfants», à celle de «dans l'intérêt supérieur des enfants». Le président du CCDH aurait d'ailleurs souhaité que non seulement l'Ombudsman, mais aussi l'Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher, le Centre pour l'égalité de traitement, mais aussi la Commission des droits de l'homme aient une valeur constitutionnelle.
Et parce que, selon la CCDH, le principe d'égalité souffre de bien des maux, le législateur devrait revoir de fond en comble tous les articles qui s'y rapportent avant que la proposition de loi ne soit soumise au vote. La commission constitutionnelle devrait également améliorer la liberté de religion et la liberté d'expression, et le droit d'asile inscrit dans la Constitution devrait être défini plus clairement, poursuit la CCDH. Enfin, «la lutte contre la pauvreté n'est absolument pas mentionnée», déplore Gilbert Pregno. La CCDH compte désormais sur le Parlement pour apporter des améliorations au texte.
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