Le Portugal, le Luxembourg et de nombreux destins humains
Le Portugal, le Luxembourg et de nombreux destins humains
Économie, politique, santé, culture,... Tels sont les points forts de la deuxième journée de la visite d'État du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse au Portugal, répartis géographiquement en deux points : Lisbonne et Cascais. L'ambiance est détendue. La veille au soir, c'était le dîner de gala à l'invitation du président de la République portugaise Marcelo Rebelo de Sousa.
Mais à Cascais, la visite prend surtout une tournure très émotionnelle. Cascais est la petite ville en bord de mer où la grande-duchesse Charlotte avait trouvé un havre de paix temporaire en 1940, après sa fuite aventureuse à travers la France et l'Espagne, un voyage plein de doutes et d'incertitudes.
Les journées étaient difficiles à l'époque au bord du Tage pour la famille grand-ducale, qui a pu s'installer dans la Villa Santa Maria à Cascais, la résidence du consul honoraire du Luxembourg de l'époque. Et pour le grand-duc Henri, plus de 80 ans plus tard, c'est certainement quelque chose d'émouvant de déposer ici des fleurs devant le buste de sa grand-mère.
Buste qu'il avait d'ailleurs apporté en cadeau lors de sa première visite d'État au Portugal il y a douze ans. Charlotte avait pris la bonne décision au Portugal, refusant les demandes concernant son retour au Luxembourg et permettant ainsi la survie de la dynastie et peut-être aussi de l'indépendance du Luxembourg après la Seconde Guerre mondiale. C'était une décision difficile pour elle.
L'exposition «Portugal - Luxembourg, pays d'espoir en temps de détresse» à la citadelle de Cascais, que le grand-duc Henri et la grande-duchesse Maria Teresa ont visité en début d'après-midi ce jeudi, raconte de manière émouvante, photos, documents et explications à l'appui, comment les liens entre Luxembourgeois et Portugais se sont remarquablement tissés depuis la Seconde Guerre mondiale. L'exposition était à Neimënster il y a deux ans, mais elle a pris ici une ampleur bien plus grande.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, le pays situé au bord de l'Atlantique était une tête de pont vers le monde libre, non seulement pour la grande-duchesse Charlotte et le gouvernement en exil, mais aussi pour de nombreux réfugiés, juifs, persécutés, qui ont obtenu ici des laissez-passer pour des bateaux à destination des États-Unis. C'est également ce que raconte l'exposition à travers une grande mosaïque d'images émouvantes avec des photos de portraits d'habitants juifs du Luxembourg qui ont dû quitter le pays et qui ont voyagé en novembre 1940 dans un train spécial en direction du Portugal. Les passagers du train qui ont tout de même péri plus tard dans des camps d'extermination sont colorés en rouge.
Les destins humains n'épargnent personne, touchent tout le monde, à commencer par la grande-duchesse Charlotte et les nombreux Juifs qui ont dû fuir vers la pointe sud-ouest de l'Europe, jusqu'aux Portugais eux-mêmes qui, dans les années 1960, ne voyaient plus d'avenir dans leur pays, alors une dictature, et partaient avec beaucoup de nostalgie dans la direction opposée, vers la France, et aussi vers le Luxembourg.
Le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn se souvient de cette époque, il était fonctionnaire communal à Steinfort, responsable du bureau des inscriptions, et a vu les premiers Portugais arriver dans sa commune, qui vivaient dans une grande pauvreté. Pour 50.000 francs belges, certains auraient acheté à l'époque leur autorisation de sortie de la dictature de Salazar.
Sommes-nous aujourd'hui moins compatissants, moins disposés à accueillir des personnes dans le besoin qu'il y a 50 ans ? Le contexte est différent, répond Jean Asselborn. «Plusieurs pays sont en train de mettre en place un système d'apartheid pour se fermer aux réfugiés et aux migrants d'Afrique et du Moyen-Orient».
Il fait toutefois l'éloge du Portugal qui, avec l'Irlande, a toujours été sur la même voie que le Luxembourg lorsqu'il s'agissait de mieux répartir en Europe les réfugiés bloqués à Malte. «En tant que pays d'émigration, le Portugal sait ce qu'il faut faire». Et c'est justement cette émigration des Portugais qui est le thème de l'exposition «Portugal - Luxembourg, pays d'espoir en temps de détresse», dont le commissaire est Claude Marx du comité MemoShoah - lui aussi au Portugal à l'inauguration. L'exposition s'intéresse également aux Portugais de la deuxième et troisième génération, qui ont entre-temps également des racines solides au Luxembourg, sans pour autant devoir renier les origines de leurs parents.
Des photos de Paolo Lobo dessinent le portrait de ces jeunes. Il y a un nombre frappant d'artistes : les écrivains José Correio et São Goncalves, les chanteuses et musiciennes Elise Nunes, Marly Marques, Priscila da Costa et Raquel Barreira, les musiciens et chanteurs Sérgio Rodrigues et Lata Gouveia, le photographe Ricardo Vaz Palma, les journalistes Anabela et Jorge Valente et Paula Telo Alves, l'humoriste Alex Monteiro, les actrices Hana Sofia Lopes et Rita Bento dos Reis, la danseuse Catarina Barbosa et d'autres encore.
L'exposition présente également le film «Borderlovers», produit par Tessy Fritz et réalisé par François Baldassare. Il raconte l'histoire de deux artistes, Pedro et Bassanti, qui ont été invités par l'ambassade du Portugal au Luxembourg, le centre culturel Camões et la Ville de Luxembourg à décorer des murs avec des patchworks géants composés de portraits d'artistes portugais et luxembourgeois.
Doctorat honorifique pour le grand-duc Henri
Cette deuxième journée de visite d'État est bien remplie. L'Université NOVA de Lisbonne a décerné ensuite le titre de Doctor Honoris Causa au grand-duc Henri en reconnaissance de la manière dont le Luxembourg a accueilli et intégré les Portugais, dont font d'ailleurs partie des dizaines d'anciens étudiants de cette université.
Le Portugal a tenu à faire visiter au chef d'État luxembourgeois le Centre de recherche biomédicale et de cancérologie Fondation Champalimaud, une fondation de l'entrepreneur portugais António de Sommer Champalimaud. Elle a pour but de promouvoir la recherche scientifique dans le domaine biomédical, notamment dans les domaines du cancer et des neurosciences.
Le grand-duc Henri et la grande-duchesse Maria Teresa, accompagnés de la ministre de la Famille Corinne Cahen, ont visité ce centre qui se trouve dans l'une des architectures les plus futuristes et les plus impressionnantes de Lisbonne.
Chez le Premier ministre et au Parlement
Une visite au Parlement s'imposait naturellement lors de cette visite d'État. Les 230 députés siègent au Palácio de São Bento, dans le quartier d'Estrela, un ancien monastère bénédictin dont la façade à colonnes est de style néoclassique. La modération, la justice, la force et la raison sont symbolisées par les allégories féminines à l'entrée.
Le Premier ministre António Costa a également voulu rencontrer le Grand-Duc et la Grande-Duchesse. Et puis, il y a aussi le Forum économique Portugal-Luxembourg. Depuis plusieurs jours déjà, des entrepreneurs luxembourgeois sont présents à l'hôtel Four Seasons Ritz, là où sont également hébergées les délégations officielles lors de cette visite d'État. L'économie numérique, la construction durable, l'espace et le tourisme sont les secteurs économiques qui y sont présentés. Car en ce qui concerne les relations économiques avec le Portugal, le Luxembourg a encore du retard à rattraper.
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