Le patron de l'ITM annonce plus de contrôles
Le patron de l'ITM annonce plus de contrôles
Après une année 2018 qui a vu plus que doubler les contrôles de l'ITM au Luxembourg, l'année 2019 est celle de la maturité. Marco Boly, répond sans détours à nos questions sur le travail accompli et à venir:
Vous êtes arrivé en octobre 2014. Où en est l'ITM cinq ans plus tard ?
Marco Boly: «L'ITM s'est énormément développée grâce à ses collaborateurs et à sa restructuration. Au départ, il y avait de nombreux réticents mais au fur et à mesure les gens ont remarqué que nous étions en train de sortir la charrue du bourbier dans lequel elle était enfoncée.
Si je me retourne, je vois que nous avons fait beaucoup de boulot avec de nombreuses personnes et nous pouvons récolter les fruits sur les arbustes plantés il y a quelques années. En 2018-2019 nous sommes arrivés au moment où nous pouvons les cueillir. Notre bilan, je crois, est très positif nonobstant des problèmes que nous avons pu avoir dans certains rouages. En fin de compte, nous pouvons dire que nous avons bien réussi notre coup.»
En quelques chiffres, c'est quoi l'ITM aujourd'hui ?
«Nous sommes aujourd'hui à 148 collaborateurs dont des inspecteurs du travail, fonctionnaires d'État, employés d'État et quelques ouvriers. Nous sommes riches de personnes différentes et de personnes diplômées comme des juristes, des ingénieurs, des ingénieurs industriels, des bacheliers et avons pratiquement la parité avec 54% d'hommes et 46% de femmes, même si ce n'est pas une doctrine.
En 2018, nous avons fait 3.667 contrôles. C'est beaucoup plus que ce que nous étions capables de faire il y a trois, quatre ans, où nous traitions aux alentours de 900 dossiers. Ce sont des progrès énormes qui s'expliquent par le changement de modus vivendi de travail d'une part, et par une meilleure formation de nos personnels, d'autre part. Ils sont aujourd'hui capables de réaliser beaucoup plus de dossiers en un laps de temps relativement court. C'est lié à la méthodologie mais aussi à la digitalisation de nos formulaires et à nos banques de données validées par la Commission nationale pour la protection des données (CNPD) en conjonction avec la GDPR (Règlement général de la protection des données) sur lesquels nos collaborateurs peuvent s'appuyer».
Tous les inspecteurs seront sur le terrain
Longtemps vous avez eu des difficultés à recruter de nouveaux inspecteurs du Travail pour en avoir une cinquantaine. Où en est-on ?
«Aujourd'hui nous avons 22 inspecteurs du Travail et pouvons dire qu'à la fin de ce mois d'octobre nous allons lâcher autour de dix-huit à vingt-et-un inspecteurs supplémentaires sur le marché. Ils ont leur dernier examen à faire mais je suis confiant quant à leur préparation. On va donc quasiment doubler nos effectifs avec 42 inspecteurs. C'est le fruit de trois années de formation puisque ces gens ont été recrutés au fur et à mesure en 2016 et étaient encore sous la tutelle de l'ancien régime de l'examen d'Etat.»
Combien seront sur le terrain ?
«Tous. Ils sont dédiés à cela. Deux des nouveaux formés partiront dans le service Contrôles chantiers et autorisations et 19 dans le service Inspections, contrôles et enquêtes.»
Pour leur formation, vous vouliez une filière dédiée comme pour celle des inspecteurs de police...
«La filière telle qu'elle est prévue par l'État, comme la filière de la magistrature ou de la douane, reste dans l'enseigne de l'Administration générale de l'Etat, tout en sachant que le projet que nous avons soumis donne certains avantages. Comme une prime de risque et d'astreinte qui valorise tout de même les inspecteurs du Travail.
Ceux qui travaillent la nuit ou après les heures de travail normales vont être récompensés et comme nous encourons certains risques quand nous entrons dans les chantiers ou les entreprises, une prime de risque doit nous être allouée comme c'est inscrit dans le projet. Je suis confiant dans le fait que le gouvernement va nous l'accorder. Le projet est bien avancé au Conseil d'Etat.»
Votre objectif est d'être encore beaucoup plus présent sur le terrain. Mais dans quels domaines voyez-vous le plus de potentialité ?
«Le premier, très important, c'est le détachement de salariés. C'est quelque chose qui nous chagrine énormément, pour protéger notre pays contre le dumping social et la concurrence déloyale. Le deuxième c'est de contribuer à une prévention plus active et plus proactive vis-à-vis des accidents de travail. Le troisième est de veiller à devenir réellement une référence en matière de sécurité, de santé et de droit au travail vis-à-vis des patrons et des salariés. Notre objectif n'est pas de punir les gens mais de conseiller, assister et aider à régulariser les entreprises.»
Le Luxembourg compte 420.000 salariés. Auxquels il faut rajouter 114.000 détachés. La concurrence déloyale est-elle croissante pour autant ?
«Actuellement on ne dispose pas de chiffres pour prouver l'impact financier de la concurrence déloyale. Mais, par analogie, on pourrait quand même dire qu'effectivement, si nous regardons nos contrôles et les infractions que nous constatons, il est clair que si nous avons une augmentation des détachements au Luxembourg, nous avons malheureusement aussi une augmentation de la concurrence déloyale. Que nous ne pouvons uniquement combattre avec plus de contrôles sur le terrain, avec beaucoup plus d'agents.»
Nous ne coûtons plus rien à l'Etat depuis 2018 !
Quel secteur est le plus touché par ce phénomène ?
«Les secteurs les plus touchés sont ceux qui font appel à beaucoup de sous-traitance c'est-à-dire l'industrie et le bâtiment. Là nous avons quand même réagi de façon virulente en instaurant une équipe volante qui fait les contrôles chantiers et autorisations et on détecte mieux les brebis galeuses.
Il faut dire que comme dans les pays de l'Est les taux de salaires minimum sont beaucoup plus bas, ces gens sont beaucoup plus attirés parce qu'ici ils gagnent entre six et huit euros, c'est le quadruple de ce qu'ils gagnent dans leurs pays. Ils sont donc plus enclins à le faire qu'un Français, un Belge ou un Allemand qui va juste gratter un ou deux euros de l'heure.»
Les amendes émises se sont élevées à 2,2 millions d'euros en 2018. Au vu de la croissance du marché du travail, pensez-vous que c'est suffisant ?
«Au niveau des frais de fonctionnement, nous ne coûtons plus rien à l'Etat depuis 2018! Les salaires n'étant pas couverts. Mais la réponse est: non. Nos contrôles représentent aux alentours de 3% du détachement. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer à nos politiques et c'est pour cela que nos effectifs vont gonfler».
L'arrivée de Dan Kersch (LSAP), ministre du Travail, va-t-elle encore accélérer le mouvement ?
«Avec le ministre Dan Kersch nous avons su augmenter notre budget et considérablement su augmenter nos contingents de recrutement. Dan Kersch continue dans la foulée de Nicolas Schmitt, il a mis une cartouche de plus. Car pouvoir recruter 33 personnes dans une année, c'est extrêmement beaucoup quand on sait que les années auparavant on était entre quinze et vingt recrutements».
Le patron de l'ITM pense-t-il que tous les agents qui travaillent aujourd'hui à l'ITM sont fiers d'y travailler ?
«Je peux m'imaginer qu'il existe toujours des exceptions mais tous ceux qui ont été recrutés ces dernières années sont volontaires et sont toujours avec nous. Je crois qu'aujourd'hui les gens sont majoritairement fiers de pouvoir travailler pour l'ITM. Le standing que nous avons dans l'industrie et le monde du travail mais aussi le respect qui leur est accordé dans les entreprises les encouragent à rester avec nous.»
