Le parquet européen piaffe d'impatience
Le parquet européen piaffe d'impatience
Malgré ce que Gabriel Seixas, procureur luxembourgeois, qualifie d'«énorme travail accompli au cours des derniers mois», le parquet européen ne se trouve pas encore dans les starting-blocks. Plutôt dans une phase d'approche de la réelle ligne de départ. Car si les magistrats européens ont emménagé au cours des derniers jours dans leurs nouveaux locaux, au sein d'une partie de la Tour B du Kirchberg et de son annexe rénovées pour 9,4 millions d'euros, ils ne sont pas encore en capacité de mener à bien leurs missions. A savoir la lutte contre la criminalité financière sous toutes ses formes, à l'échelle de l'UE.
Car pour y parvenir, la nouvelle institution européenne a besoin de deux éléments: un budget de fonctionnement adapté et des personnels en nombre suffisant. Si le premier point posait problème depuis plusieurs mois, la situation s'est améliorée grâce à un geste récemment réalisé par la Commission européenne. L'exécutif européen ayant fait passer le budget annuel de l'institution de 37 à près de 45 millions d'euros annuels.
Une décision saluée par Gabriel Seixas qui juge que cette revalorisation va permettre «la mise en place d'un organe central fort, capable d'absorber la charge de travail et de prendre les décisions qui devront être mises en place au niveau national». Mais cette hausse devait aller de pair avec «une augmentation du personnel à hauteur de 47 postes pour pouvoir combler le manque opérationnel observé au niveau central». Problématique au niveau du siège au Kirchberg, qui devrait accueillir 230 personnes d'ici la fin 2022, cette question du recrutement pèche encore plus en ce qui concerne les procureurs européens délégués.
A ce jour, sur les 140 magistrats attendus issus des 22 Etats membres impliqués dans le parquet européen, seuls 32 ont été officiellement nommés en provenance de sept pays. Dont aucun encore issu du Luxembourg. «ll faut se rappeler qu'au début, le Grand-Duché n'était pas certain de fournir deux procureurs délégués à temps plein, mais une réelle volonté politique et une prise de conscience ont fait évoluer les choses», estime le procureur luxembourgeois qui évoque «les adaptations nécessaires à faire dans la législation pour permettre à ces magistrats de pouvoir agir en dehors de tout ordre hiérarchique par rapport aux autorités nationales».
Référence aux deux projets de loi validés en début d'année en Conseil de gouvernement qui prévoient notamment que les futurs procureurs délégués aient des pouvoirs jusqu'à présent réservés aux juges d'instruction ou la mise en place de mesures d'un cadre régissant une éventuelle réintégration dans le système national. Sans oublier l'instauration d'une compensation financière pour permettre aux futurs candidats «d'avoir au moins les mêmes conditions salariales qu'à l'heure actuelle», comme le précisait en janvier dernier Sam Tanson (Déi Gréng), ministre de la Justice.
Selon le dispositif prévu, le parquet européen prendra en charge la différence de traitement, ce qui représente 140.000 euros par an pour les deux futurs procureurs délégués luxembourgeois. Soit près d'un sixième de l'enveloppe globale prévue pour compenser les écarts salariaux pour les 140 magistrats européens actifs au niveau national. Si aucun appel à candidature n'a, à ce jour, été lancé, ce dernier devrait intervenir dans les prochains mois, Gabriel Seixas estimant «à titre personnel» que les quelques dizaines de magistrats dotés de l'expérience requise en matière de criminalité économique et financière pourraient postuler «d'ici deux mois».
Interrogé sur la date réelle d'entrée en action de la nouvelle institution, dont l'idée a été émise pour la première fois en 1996, le procureur européen ne peut que botter en touche. «Ce qui a été décidé, c'est qu'il faudra au moins avoir un procureur délégué par pays membre, mais pour l'heure, je ne peux pas avancer de date». Selon les estimations de Laura Codruta Kövesi, procureur général européen, l'institution devrait traiter pas moins de 3.000 dossiers au cours de sa première année d'exercice réel, tous concentrés sur les fraudes au budget de l'UE. Selon les données de la Commission, en 2018, la seule fraude à la TVA aurait coûté 140 milliards d'euros aux Etats membres, chiffre probablement plus élevé en 2020 avec les effets de la crise sanitaire.
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