«Le Luxembourg se positionne comme un modèle»
«Le Luxembourg se positionne comme un modèle»
Après plus de six semaines de lutte contre la pandémie, les professionnels de la santé accusent-ils le coup ?
Dr Eric Mertens - «J'ai des retours de gens très fatigués, c'est certain. Mais nous sommes dans une situation où la vocation s'exprime pleinement, le contrecoup viendra après. Ce qui va marquer les soignants, ce sont les patients qui sont décédés d'une manière qui n'est pas normale, à savoir sans la présence de leur famille. Sans compter l'engagement émotionnel des soignants qui ont apporté une humanité aux patients. Je ne suis pas sûr que ça se voie mais ça ne peut pas passer sans impact.
Il est donc clair que les professionnels de la santé ont travaillé plus et ont, pour certains d'entre eux, - je pense aux frontaliers - parfois été loin de leur famille et n'ont pas compté leurs heures, ni leur cœur. Ce serait normal qu'on se souvienne de tout ce que les soignants ont fait et je pense qu'on s'en souviendra.
Quels premiers enseignements tirez-vous de la bataille du système de santé luxembourgeois contre le covid-19 ?
«Le Luxembourg s'en est remarquablement bien tiré. Aujourd'hui la France et la Belgique - peut-être moins l'Allemagne - peuvent se demander comment les Luxembourgeois ont fait pour mettre sur pied aussi rapidement des centres de soins avancés, créer une réserve sanitaire de 8.000 professionnels et 2.000 volontaires en deux jours, mettre en place une cellule de crise au rez-de-chaussée de la Villa Louvigny, mobiliser l'armée ou distribuer des masques à tous les salariés sur les chantiers et à tous les résidents.
Franchement, mon regard sur le système luxembourgeois se traduit en deux mots: "villmols merci" et "bravo". Merci à la direction de la Santé, aux professionnels de la santé et à la population qui, globalement a bien suivi les consignes. Ce n'est pas pour rien que la télévision belge a fait des reportages au Grand-Duché pour voir comment ça se passe. Aujourd'hui le Luxembourg se positionne véritablement comme un modèle.
Des doléances particulières existent-elles au sein du milieu médical?
«Je sais que la période a été très difficile pour un secteur qui est resté ouvert et qui est moins sous le feu des médias. Celui des pharmaciens et de ceux qui les alimentent, c'est-à-dire les grossistes et les logisticiens. Il faut savoir que les sociétés qui livrent les pharmacies travaillent avec des magasiniers et des chauffeurs qui eux aussi ont pu se trouver absents pour garde d'enfants ou pour maladie. Ces gens étaient sous pression. Pendant le covid-19, les pharmaciens ont vu leur chiffre d'affaires divisé par trois alors que pendant ce temps leurs charges continuent.
Pour répondre aux besoins les téléconsultations se sont développées. Est-ce que ça fonctionne vraiment?
«Cela dépend des médecins. La vidéo-consultation ne remplacera jamais le dialogue singulier qui implique aussi un examen clinique. Mais elle permet de donner un conseil dans tous les cas où l'examen peut être reporté. Elle peut aussi être une solution entre deux consultations normales, pour attendre. Il vaut mieux ça que de ne pas voir le patient.
L'enjeu de la crise du covid-19, c'est la deuxième vague qui sera inévitablement synonyme de complications qui surviendront chez des patients qui n'ont pas osé aller à l'hôpital ou chez leur médecin. Parce qu'ils ont peur d'être contaminés, de contaminer le médecin ou de sortir. Il ne faudrait pas que derrière le confinement, on ait une autre vague sanitaire, peut-être moins spectaculaire. On constate par exemple qu'avec le covid-19 les gens ne font pas les vaccinations essentielles chez leurs enfants. C'est une préoccupation.
Les téléconsultations ont-elle un avenir au-delà du covid-19 ?
«Pour certaines spécialités certainement. Je pense notamment aux maladies rares. Dans certains pays, ces consultations se font en psychiatrie pour certains patients qui ont besoin d'un suivi chronique. Tous les accompagnements qui ne nécessitent pas de gestes cliniques pourront partiellement s'appuyer sur la téléconsultation. Je pense aussi au médecin nutritionniste qui peut faire du coaching par ce biais».
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