«Le Luxembourg reste une terre d'émigration portugaise»
«Le Luxembourg reste une terre d'émigration portugaise»
Pour la première fois depuis la vague d'immigration dans les années 1970, le nombre de résidents portugais ne croît pas depuis 2017. La tendance observe même un léger recul selon les dernières données du Statec. Une situation plus nuancée qu'il n'y paraît selon Antonio Gamito, ambassadeur du Portugal au Luxembourg.
Depuis 2017, le Luxembourg a perdu quelque 2.400 résidents portugais selon le Statec. Pourquoi selon vous?
Antonio Gamito : «Pour moi, ce chiffre est à relativiser. En 2020, nous avons enregistré 150.000 hommes et femmes dans notre registre consulaire. Et il faut ajouter aux quelque 94.000 citoyens portugais recensés au 1er janvier 2021 par le Statec, les 14.000 personnes disposant de la double nationalité.
Et si le nombre de personnes habitant au Luxembourg diminue, cela ne signifie pas qu'elles se détournent complètement de ce pays, ni qu'elles préfèrent rentrer au Portugal. Beaucoup s'installent en effet dans un des pays limitrophes, mais continuent bien à venir travailler tous les jours au Luxembourg. Les résidents ne disparaissent pas, ils deviennent souvent frontaliers.
Quelles sont les raisons de ces départs?
«J'y vois deux raison: d'une part le prix du logement, et de l'autre le chômage lié à la crise sanitaire. En ce qui concerne le logement, c'est un problème sur lequel le gouvernement concentre ses efforts, j'en suis sûr. Mais cela ne concerne pas tous les Portugais. Certains sont ingénieurs ou infirmiers et ont les moyens de payer un loyer ou un prêt pour un logement décent. En revanche les ouvriers, les femmes de ménage ou les serveurs peu valorisés ont beaucoup plus de mal à joindre les deux bouts.
Cela vaut pour les Portugais comme pour les autres minorités du Luxembourg, à l'image des Polonais ou des Roumains. Le gouvernement doit continuer à chercher des solutions pour résoudre cette crise majeure. De leur côté, les employeurs doivent également revoir les salaires des professions les moins valorisées à la hausse. De manière générale, il faut soutenir les plus défavorisés, peu importe leur nationalité.
Et qu'en est-il du chômage?
«Evidemment le covid a joué un rôle. Au Luxembourg, beaucoup de résidents portugais se sont retrouvé au chômage partiel ou ont perdu leur emploi. Encore une fois ce sont les plus fragiles qui ont souffert de la pandémie. Face à l'impossibilité de payer leur loyer, certains ont préféré rentrer au Portugal, où ils bénéficient d'aides peut-être plus avantageuses, mais aussi d'un cadre familial. Ils ont retrouvé un soutien moral très important en retournant auprès de leurs familles. Et même s'ils n'ont pas toujours trouvé un travail, ils peuvent compter sur la solidarité, cultiver un jardin, échanger... Des conditions qu'ils ne retrouvaient pas forcément au Luxembourg, même si la communauté portugaise y est très soudée.
Et puis il ne faut pas oublier les Portugais qui n'ont pas pu partir. Croyez-moi, le Luxembourg reste une terre d'émigration portugaise, au même titre que l'Allemagne, la France ou la Suisse. Même s'il ne représente plus un Eldorado, le pays continue d'attirer. Mais avec la crise, beaucoup ont dû renoncer ou reporter leur installation.
La communauté portugaise reste très liée au Luxembourg, notamment la première génération, aujourd'hui retraitée. Pour moi c'est inconcevable d'imaginer le Luxembourg sans aucun résident portugais.»
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