Le Luxembourg échappe encore à la pénurie d'amoxicilline
Le Luxembourg échappe encore à la pénurie d'amoxicilline
Depuis quelques jours, obtenir sa prescription d'amoxicilline à la pharmacie peut relever d'un réel parcours du combattant dans certaines officines françaises. Le démarrage précoce des épidémies hivernales, à l'image de la bronchiolite, a contribué à vider les stocks de cet antibiotique largement prescrit, en particulier dans sa forme pédiatrique.
Doit-on s'inquiéter de voir ce médicament disparaître des rayons luxembourgeois? Pas selon la docteure Anna Chioti, cheffe de division de la pharmacie et des médicaments. «Pour le Luxembourg, on n'a pas encore eu de notification en provenance du terrain nous indiquant un manque en amoxicilline. Toutefois, au niveau européen, plusieurs pays sont touchés par cette problématique.»
Cette vision continentale, la professionnelle de la direction de la Santé l'a toujours en tête, en tant que représentante du Luxembourg au sein du groupe de travail de l'Agence européenne des médicaments chargé de surveiller l'approvisionnement des produits. «Si la situation s'aggrave, il risque cependant d'y avoir une situation de vases communicants, et cela risque de causer une tension sur l'ensemble du marché», met en garde Anna Chioti.
Un problème ancien
L'approvisionnement en médicaments du Grand-Duché dépendant à plus de 90% de la Belgique, une pénurie touchant le plat pays aurait inévitablement des conséquences sur le Luxembourg. Mais si une référence vient à manquer dans une officine, le pharmacien concerné ne manque pas de ressources. «Imaginons qu'un produit à base d'amoxicilline ne soit plus disponible: le pharmacien a généralement plusieurs marques, donc il peut aisément choisir un autre médicament. Il peut aussi se tourner vers ses grossistes, afin de trouver une solution de remplacement chez d'autres fournisseurs, d'autres marques.» Le basculement vers un autre antibiotique, en revanche, nécessite une consultation du médecin ayant prescrit le médicament initial.
Si les tensions en matière d'approvisionnement de produits pharmaceutiques ne sont pas nouvelles, elles ont véritablement pris de l'ampleur avec la pandémie de covid-19. Le Grand-Duché connaît ainsi des pénuries plus ou moins régulières de certains traitements. «Au niveau européen, un plan au sujet des pénuries de médicaments avait déjà été réalisé en 2018/2019. Mais il faut souligner qu'un médicament, c'est d'abord des matières premières. Et ces matières premières, aujourd'hui, il faut aller les chercher en dehors de l'Europe.»
Rajoutons à cela la difficulté des industriels à revenir à leur niveau de production pré-pandémie, en raison, notamment, de la crise de l'énergie, combinée avec une demande mondiale en pleine explosion. «Il y a certains sites de production qui n'ont pas pu refonctionner convenablement, certaines lignes étant allouées aux traitements contre le covid, et d'autres traitements n'ayant pas été priorisés», explique la Dr Anna Chioti.
L'Europe travaille notamment à la mise en place d'une base de données centralisée qui permettrait aux Etats en difficulté d'identifier facilement dans quels marchés se trouvent les médicaments pour pouvoir aller les chercher.
Anna Chioti, cheffe de division de la pharmacie et des médicaments
La délocalisation des usines de l'industrie pharmaceutique de France, et d'Europe, vers des pays tiers a également été pointée du doigt par certains professionnels de santé. Si des efforts sont en cours afin de relocaliser certaines de ces usines dans l'Hexagone, le développement d'une production d'amoxicilline ou de paracétamol au Grand-Duché afin de venir à bout de potentielles tensions reste, pour l'heure, difficile à imaginer. «En France, il y avait un terrain et un savoir-faire. Historiquement, le Luxembourg n’a pas eu de production chimique, et a toujours dépendu des marchés avoisinants», rappelle la professionnelle.
À l'échelle européenne, des solutions sont en cours de développement afin de mieux gérer ces pénuries grâce à la redistribution de médicaments et à la priorisation de certains marchés. «L'Europe travaille notamment à la mise en place d'une base de données centralisée qui permettrait aux Etats en difficulté d'identifier facilement dans quels marchés se trouvent les médicaments pour pouvoir aller les chercher.»
Des outils pour les prescripteurs
Le Grand-Duché, lui, planche aussi sur des mécanismes visant à contrer le problème au niveau national. Un groupe de travail réunissant pharmaciens d'officines, grossistes et médecins a été créé dans le but de mettre en place des solutions centralisées. Parmi elles, se trouve la création d'un arbre décisionnel permettant de proposer des alternatives aux produits en rupture.
Se fondant sur un modèle développé en Belgique, cet outil permettra d'aider les prescripteurs dans leur prise de décision. «À noter qu'un arbre décisionnel général est évolutif, car il dépend du type de produits qui sont sur la liste des médicaments critiques. En fonction des situations de rupture d'approvisionnement, le groupe de travail pourra être rapidement réactivé.»
Le risque continuera à peser lourd pendant les semaines à venir. Selon le ministère français de la Santé, la pénurie d'amoxicilline pourrait durer jusqu'en mars 2023. De son côté, la docteure Anna Chioti insiste sur l'usage rationnel et raisonné des antibiotiques, même s'ils ne connaissent pas actuellement de rupture d'approvisionnement. «Il est très important de veiller au bon usage de ces produits, afin de combattre les résistances aux antibiotiques, d'une part, mais également, car ils deviennent plus rares en raison de l'impact des crises actuelles sur les circuits d'approvisionnement.»
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