Le défenseur de la langue luxembourgeoise
Le défenseur de la langue luxembourgeoise
Dans un entretien dans le «Luxembourg Wort», l'ancien président du conseil permanent de la langue luxembourgeoise (CPLL) parle de l'état actuel de la langue luxembourgeoise et dresse les défis les plus urgents pour l'avenir.
- Vous êtes commissaire de la langue luxembourgeoise depuis un peu plus de cinq mois. Quel est l'état d'avancement des travaux?
Le plan prévoit de développer la langue luxembourgeoise sur les 20 prochaines années et le travail bat son plein. Je ferai, cette année encore, une proposition au gouvernement en matière de politique linguistique. En ce moment, j'ai pas mal de réunions pour parler aux personnes concernées dans le but de dresser un programme réaliste.
- N'est-il pas un peu contradictoire de concevoir un plan sur 20 ans alors que la langue évolue constamment?
Il est vrai qu'une langue, ça évolue en permanence. C'est pourquoi la plupart des mesures et des objectifs ne sont pas formulés sur 20 ans, mais sur cinq ans. Après cette première période, nous établirons un bilan et de nouveaux objectifs.
Cependant, il y a des projets qui ne peuvent pas être mis en œuvre en cinq ans comme, par exemple, la création d'un centre pour la langue luxembourgeoise ou le développement d'une grammaire luxembourgeoise. De nombreux projets de recherche de l'université s'étendent également sur une plus longue période, il est donc logique d'élaborer un tel plan.
- Même si le travail est toujours en cours, pouvez-vous déjà nous donner certains points clés du plan ?
Je pense que nous avons actuellement un très gros problème: l'enseignement du luxembourgeois en tant que langue étrangère. Nous ne le faisons que depuis une vingtaine d'années et nous n'y sommes pas encore habitués.
Les apprenants sont avant tout des adultes qui vivent ici ou des personnes des pays voisins qui veulent trouver du travail au Grand-Duché. Mais il existe aussi de nombreux cas de personnes qui ont obtenu la nationalité luxembourgeoise par la procédure de recouvrement et qui souhaitent apprendre la langue par la suite. La demande en cours de luxembourgeois est forte et nous ne pouvons pas la satisfaire.
Je pense que nous avons actuellement un très gros problème: l'enseignement du luxembourgeois en tant que langue étrangère.
- Cela est-il la conséquence d'un manque de personnel ?
Oui, il y a une pénurie d'enseignants. Cependant, nous avons aussi des difficultés à trouver des lieux pour enseigner et nous ne pouvons pas offrir autant de cours que nous le souhaiterions.
- La langue luxembourgeoise est donc, dans une certaine mesure, victime de son propre succès ?
Je n'utiliserais pas directement le mot «victime». Mais le fait est que jamais auparavant autant de gens n'ont souhaité parler le luxembourgeois ou ont voulu apprendre la langue. Leur motivation n'est pas l'amour de la langue mais pour avoir de meilleures chances sur le marché du travail ou pour acquérir une nationalité.
- Cela est-il positif pour la langue luxembourgeoise ?
Temporairement, cela est positif mais cela doit évoluer. Si, par exemple, le dynamisme économique du pays devait ralentir à un moment donné, moins de travailleurs frontaliers ou expatriés viendraient au Luxembourg et moins de gens apprendraient le luxembourgeois.
Il est clair que le succès de la langue et succès économique sont liés.
- Outre l'enseignement du luxembourgeois en tant que langue étrangère, d'autres initiatives de promotion de la langue sont-elles nécessaires?
Oui, dans le domaine de la culture, par exemple. Celle-ci est de plus en plus encouragée, mais pas nécessairement en luxembourgeois. Il est également important de tenir compte de l'importance du luxembourgeois dans la nouvelle Constitution.
- Lors des dernières élections législatives, la langue n'a pas été le sujet dominant, pourtant elle avait quand même son importance. Comment expliquez-vous ceci?
Il est tout à fait légitime que la politique s'occupe des questions liées à la langue. Après tout, il s'agit d'un sujet qui tient à cœur bien des gens. Lors des dernières élections, j'ai particulièrement apprécié que cette fois-ci, les grands partis étaient engagés et impliqués autour de ces questions. Dans le cas contraire, le champ est laissé à des groupes plus petits et peut-être un peu plus extrêmes dans leurs déclarations.
- Plusieurs partis politiques semblent d'accord pour dire que le luxembourgeois devrait être la première langue d'intégration. Partagez-vous ce point de vue ?
Il existe deux langues d'intégration au Luxembourg. Si quelqu'un veut s'intégrer sur marché du travail, il est plus logique d'apprendre d'abord le français. Cependant, le luxembourgeois est un facteur très important pour la sphère privée et crée du lien social.
- Dans ce contexte, quelle portée donner à l'avenir du luxembourgeois dans les écoles?
En tout état de cause, le luxembourgeois ne doit pas devenir obligatoire en tant que langue écrite, mais continuer à être offert en tant qu'option.
Certains enfants ne le parlent pas et cela serait trop contraignant de leur apprendre à lire et à écrire uniquement dans cette langue. Cela ne rendrait pas service au Luxembourg. Elle reste néanmoins une langue d'enseignement importante.
- Quelle est l'influence d'Internet et surtout des réseaux sociaux sur le luxembourgeois ?
Les réseaux sociaux permettent une plus grande utilisation écrite du luxembourgeois et les gens se sentent à l'aise car ils n'ont pas peur de faire des erreurs. Ce n'est pas comme lors de la rédaction d'un courrier ou d'un courriel.
- N'y a-t-il pas un danger que la qualité de l'orthographe en souffre ?
Pourquoi cela devrait-il être un danger ? Je pense qu'à cet égard, nous sommes trop fortement influencés par nos expériences à l'école, où chaque erreur en allemand ou en français était un désastre. Tant que l'intelligibilité n'en souffre pas, je n'y vois aucun problème.
Texte Marc Hoscheid traduction VO
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