La Schueberfouer entame une autre page de son histoire
La Schueberfouer entame une autre page de son histoire
Intarissable sur les grands huit comme l'Alpina Bahn, vedette de la foire 2019 ou la mythique Bayern Kurve, Steve Kayser rêve toute l'année de la Schueberfouer. Il en connaît les coulisses mais aussi la grande histoire. Explications avec ce spécialiste des conséquences de cette édition 2020 bouleversée.
La Schueberfouer ne pourra pas être organisée au Glacis cette année. A-t-elle déjà été annulée par le passé ?
Steve Kayser - «C'est plutôt rare mais elle a déjà été stoppée ou n'a pas été organisée du tout en raison de conflits. Pour la première fois, elle n'a pas eu lieu suite à l'impact de la guerre de 1870-1871, vu que le Luxembourg faisait partie du Zollverein prussien (l'union douanière des Etats allemands, ndlr) et qu'il n'était alors pas possible d'acheminer le matériel par voie de chemin de fer.
Tout comme il n'y a pas eu de Schueberfouer entre 1914 et 1918. Le territoire étant occupé, les Allemands avaient besoin du champ du Glacis où étaient régulièrement rassemblés chevaux et troupes. Il n'y avait ni manège, ni fête mais un petit vent de foire soufflait dans les bistrots alentours. Les Luxembourgeois avaient hâte de retrouver leur fête qui a repris en 1919.
Et rebelote, 20 ans plus tard...
«Effectivement 1939 fut une année très spéciale pour la Schueberfouer. Au moment du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la foire était en cours et on l'a arrêtée en plein milieu. De nombreux forains allemands et français devaient retourner dans leur pays pour se présenter sous les drapeaux et l'un des gros soucis était de rapatrier le matériel forain. La majeure partie du matériel est restée sur place et le démontage s'est fait dans des conditions compliquées. Du matériel est même resté chez des Luxembourgeois jusqu'en 1945.
Alors que les Allemands, occupant le territoire dès mai, avaient interdit la fête foraine en 1940, elle fut autorisée de 1941 à 1943. L'occupant voulant s'en servir à ses propres fins, à savoir l'assimilation culturelle notamment. Tout en sachant que les forains juifs n'étaient pas les bienvenus.
En 1944, la foire tombe une nouvelle fois à l'eau, à cause des premières opérations de libération. Il est intéressant de noter que la Schueberfouer revit en 1945 mais qu'elle est alors organisée dans une version très modeste et réduite. Jusqu'en 1948, elle est assimilée à une fête de la délivrance et prend une allure patriotique et laïque, en contrepoids à la fête religieuse de l'Octave.
Que signifie la décision prise par la Ville de Luxembourg pour le monde forain ?
«C'est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale que la fête - qui attire près de deux millions de visiteurs de la Grande Région par an - n'aura pas lieu. Je n'aurais pas voulu être à la place de ceux qui ont dû prendre cette décision. La Schueberfouer appartient au patrimoine culturel vivant et là, ce fil festif, tout comme le savoir-faire forain, s'interrompt. Pour les forains, c'est une catastrophe.
Pour beaucoup, les dernières rentrées d'argent remontent au marché de Noël alors que les prêts bancaires courent et que certains forains ont acheté de nouveaux manèges. Des investissements qui ne s'amortiront pas cette année. D'autant qu'avec l'annulation de l'Oktoberfest de Munich, 2020 pourrait devenir une année sans fêtes foraines... Ces professionnels sont réellement menacés et un certain nombre d'entreprises vont disparaître à moins que les pouvoirs publics ne les aident massivement.
Pensez-vous que la Schueberfouer que nous avons connue en 2019 revivra un jour ?
«Vu tous les dégâts que nous avons déjà subis, il y aura une phase de reconstruction et de reconstitution mais ça va prendre du temps. Il y a beaucoup d'incertitudes pour l'instant mais il y aura un renouveau. Les forains ont toujours eu cet état d'esprit de se refaire et de ne pas rester au sol. Ils ont lutté contre toutes sortes de concurrences et fait face aux crises. Cette capacité va sans doute les sauver, une fois de plus.
D'ores et déjà les forains se concertent au niveau européen pour trouver des formes d'adaptation des fêtes foraines à venir et envisagent déjà de nouvelles options sanitaires pour leurs manèges. Cette fois, cela prendra du temps pour qu'ils se relèvent. Je suis convaincu pour ma part que nous ne reverrons pas la Schueberfouer, telle que nous l'avons connue, de sitôt».
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