«La réalité est différente des séries policières»
«La réalité est différente des séries policières»
(m. m. avec Steve REMESCH) - Après le meurtre de deux policiers près de Kaiserslautern en Allemagne, le choc est profond. Au Luxembourg aussi, et tout particulièrement dans les milieux policiers. Vendredi matin, des dizaines d'agents et de stagiaires de la police du Grand-Duché ont participé à la minute de silence de leurs collègues allemands.
«Quand on entend comment cela s'est passé, cela donne froid dans le dos», explique un fonctionnaire de police dans un entretien avec le «Luxemburger Wort». Ce dernier fait des patrouilles depuis plus de 15 ans et connaît des situations comme celle qui s'est terminée tôt lundi dernier par la mort absurde de deux jeunes policiers. Pour préserver l'anonymat de l'agent, nous l'appellerons Marc.
«Ce n'était pas une opération de police ciblée, ni une chasse à l'homme. C'était un simple contrôle de routine. C'est quelque chose que nous faisons tous les jours. Et bien sûr, on se remet toujours en question après de tels incidents. La manière dont j'aborde ces contrôles au quotidien est-elle adaptée au danger réel ? Correspond-elle toujours à ce que j'ai appris pendant ma formation ?», explique Marc.
Selon lui, l'école de police donne des instructions claires aux futurs agents. Et le message est sans équivoque : la sécurité passe toujours en premier. A l'école de police, chaque élève apprend comment un contrôle de véhicule doit être effectué: où doit se positionner un agent, où doit se positionner l'autre ? Quelle est leur tâche respective ? Comment s'adapter aux différentes situations ?
Chaque intervention est différente
«Et pour cela, on peut bien sûr s'appuyer sur les valeurs empiriques des formateurs», souligne Marc. «Mais sur le terrain, tout est quand même différent de ce que l'on a appris ou pratiqué», souligne-t-il. «C'est un autre endroit, un autre moment de la journée, un autre temps ou un autre collègue, parfois moins expérimenté».
Bien sûr, on ne passe pas tous les jours d'une situation critique à une autre sur le terrain. «Mais il y a quand même régulièrement des situations où l'on arrête une voiture et où l'on se rend compte au premier coup d'œil que quelque chose ne va pas. Que ce soit par la voiture elle-même, l'origine de la plaque d'immatriculation ou le nombre d'occupants», poursuit Marc.
Dans ce cas, les policiers font preuve d'encore plus de prudence que d'habitude. «Ce n'est pas la même chose d'arrêter un couple de retraités qui a fait quelques kilomètres de trop que de se retrouver tard dans la nuit, dans une situation suspecte, face à quatre jeunes hommes dans une voiture immatriculée à l'étranger». Mais le véritable danger se cache en fait la plupart du temps dans ce qui paraît insignifiant.
«Il y a certainement déjà eu des situations où je me suis dit après coup que cela aurait pu mal tourner », estime Marc. «Avant de contrôler une voiture suspecte, il faut se demander si l'on veut vraiment la contrôler tout de suite ou s'il ne vaut pas mieux demander l'aide d'une deuxième ou d'une troisième patrouille. Avec plus d'agents sur place, l'autre personne réagit souvent différemment. Celui qui a de mauvaises intentions comprend vite qu'il s'attaque alors à bien plus qu'un ou deux policiers.»
Une incertitude dangereuse
Les situations les plus dangereuses, Marc les a d'ailleurs plutôt vécues avec des automobilistes ivres qu'avec des grands criminels. «Bien sûr, tu ne sais jamais pourquoi quelqu'un prend la fuite lorsqu'il essaie de se soustraire à un contrôle», explique-t-il. «C'est peut être parce que quelqu'un a bu une bière de trop. Mais cela peut aussi être quelqu'un qui vient de commettre un délit grave. Cette personne ne sait pas forcément si la police a déjà connaissance de l'infraction et si elle est déjà identifiée comme étant l'auteur du délit. Il faut toujours être extrêmement prudent».
Être policier est un métier qui comporte des risques. Tu dois en être conscient lorsque tu poses la main sur le drapeau lors de la prestation de serment
Marc, policier
Dans le quotidien de la police, les situations dangereuses ne se limitent pas aux contrôles routiers. Les interventions pour violence domestique sont considérées comme parmi les plus risquées. «Un appartement privé est toujours un terrain inconnu et l'ambiance est toujours tendue dans ce genre d'affaires. Chaque appartement a un salon et une cuisine différents. Un couteau ou une arme peut se trouver quasiment partout. Ou alors, on entre dans un couloir et tout à coup, on a le coupable juste derrière soi».
Des règles de base essentielles à la survie
Après plus de 15 ans de service, Marc compte parmi les agents les plus expérimentés. Observer pour pouvoir évaluer correctement une situation, voir sans être vu tout de suite et surtout, communiquer immédiatement avec son partenaire au moindre soupçon, sont pour lui les conseils les plus importants à retenir. «Au début, les jeunes policiers ont souvent tendance à prendre ce genre de choses à la légère», regrette Marc. «Il y a une chose qu'il ne faut jamais oublier : la réalité est différente de ce que l'on voit à la télévision. Sur le terrain, la première attaque contre un policier peut déjà être la dernière. On se retrouve alors dans une situation comme celle vécue par les collègues allemands lundi.» Être policier est un métier qui comporte des risques. «Tu dois en être conscient lorsque tu poses la main sur le drapeau lors de la prestation de serment», conclut Marc.
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