La pauvreté change de visage
La pauvreté change de visage
De l'aveu même du Statec, «les inégalités se creusent et augmentent constamment depuis 2017» au Grand-Duché. Et la crise née de la pandémie de covid-19 ne risque pas d'arranger la situation. Si en 2019, 2,5% de la population résidente pouvait être considérée comme pauvre, soit quelque 15.000 personnes, ce chiffre ne possède d'ores et déjà plus aucune pertinence, à en croire les acteurs de terrain.
Déjà fortement sollicitée, la Stëmm vun der Strooss enregistre depuis plusieurs mois une forte progression du nombre de ses visiteurs. Désormais, ce sont 280 repas qui sont servis quotidiennement dans les restaurants sociaux d'Esch-sur-Alzette. Mais depuis le début de la pandémie, les deux sites sont fréquentés «chaque jour par de nouveaux visages», assure Alexandra Oxacelay. Pour la directrice de l'association, les profils de ces nouveaux visiteurs ne laissent que peu de doute sur les raisons de leur présence.
A savoir des personnes qui se trouvaient «en contrat à durée déterminée, en intérim» ou «qui avaient déjà du mal à joindre les deux bouts avant la crise», estime-t-elle en évoquant une population de «nouveaux pauvres». L'analyse recoupe le constat dressé par le Centre d'aide sociale et associative au Luxembourg, asbl dédiée au soutien à la communauté lusophone du pays. Si l'association soutient des familles avec des enfants en bas âge et de jeunes adultes avec un faible niveau d'étude, elle se retrouve de plus en plus à gérer des dossiers émanant de personnes intégrées mais jusqu'à présent passées sous les radars.
Restauration, nettoyage ou bien encore des chauffeurs de taxis... Voilà autant de secteurs touchés de plein fouet par le ralentissement économique lié aux mesures sanitaires instaurées pour lutter contre la pandémie. Selon les dernières données du Statec, la communauté portugaise apparaît comme la première victime de la situation. En 2018, ils étaient 31,2% à être considérés comme pouvant basculer vers la pauvreté, contre 15,9% pour les Français et 11,6% pour les Luxembourgeois.
Et la situation ne devrait pas s'améliorer d'ici la fin de l'année, puisque Xavier Bettel (DP) a annoncé, vendredi, la mise en place d'un couvre-feu d'une durée d'un mois. Autrement dit, le renforcement des mesures sanitaires, synonymes, pour un temps encore, de limitation de l'activité économique. Et donc de la possibilité, pour une frange de la population, de bénéficier de revenus liés à leur travail. De quoi creuser encore un peu plus le fossé social, le Luxembourg faisant déjà figure de mauvais élève européen en matière de travailleurs pauvres.
Selon les données Eurostat, 12% de la population active se trouvait, en 2019, en risque de pauvreté au Luxembourg. Un score bien au-delà de la moyenne européenne, fixée à 9%. Seule la Roumanie obtient un taux de risque plus élevé (15,4%). A noter que dans les pays de la Grande Région, la Belgique tire nettement son épingle du jeu, avec un score de 4,8%.
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